Article rédigé par Alex et Maud Lauriot-Prévost*, le 06 septembre 2007
À la suite à ses prises de position concernant la mission évangélisatrice de l'enseignement catholique [renouvelées cette semaine dans Le Pèlerin, cf. notre Fil de la semaine, Ndlr], Mgr Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d'Avignon, est régulièrement pris à partie et critiqué depuis un an dans les colonnes de la presse générale ou chrétienne, mais aussi par des personnalités de l'Église de France.
Les termes et les arguments employés sont souvent caricaturaux et déformés voire mensongers, avec des accusations erronées comme celle de restauration catholique, d'intégrisme, d'une prétendue volonté de fermer l'Église au monde ou de créer des forteresses chrétiennes, de rendre le catéchisme ou la messe obligatoire pour les enfants... C'est si mal le connaître, mais chacun reconnaîtra un procédé vieux comme le monde : quand tu veux te débarrasser de ton chien, répands l'idée qu'il a la rage !
Pour qui a pris le temps d'écouter ou de lire attentivement les propos de Mgr Cattenoz, les questions posées sont bien souvent d'une grande acuité, l'identification des enjeux essentielle et le fond de sa réflexion pastorale particulièrement pertinente, en ligne droite avec celle définie par Jean-Paul II pendant vingt-cinq ans, puis maintenant par Benoît XVI : la "Nouvelle Évangélisation". Que certains — simples laïcs, intellectuels ou pasteurs — ne soient pas d'accord, on le comprend et on le respecte (nous-même ne partageons pas toutes ses analyses) : il est bon et très utile que cela fasse débat, mais — de grâce — que cela s'opère dans un climat respectueux et non caricatural !
Que ce soit pour l'enseignement catholique, pour les diverses pastorales diocésaines, pour l'innovation missionnaire, etc., Mgr Cattenoz prend acte que la chrétienté a bel et bien disparu, et que la mission apostolique à la manière des Actes des Apôtres redevient comme jamais d'actualité. Oui, notre évêque ne parle pas la langue de buis et surprend dans un monde clérical et épiscopal très feutré en apparence ! Oui, il est plus père que mère ! Oui, il tente de faire concrètement bouger les lignes et refuse son enfermement dans une mission de préfet catholique , expédiant les affaires courantes d'une Église en perdition ! Oui, ses positions ou propos apparaissent quelquefois maladroits voire excessifs, sa manière d'opérer peut être perçue comme déconcertante ou dérangeante ! Et alors ? Jésus, le Bon Pasteur par excellence, a bien souvent bousculé ses disciples sans ménagement ou de manière apparemment exagérée. Mgr Cattenoz ou l'art de pas "épiscopaler" en rond !
N'est ce pas là une grâce pour son diocèse et l'Église de France ? Certes, 100 évêques français à la personnalité fougueuse et aux charismes énergiques à la manière de Mgr Cattenoz, ça ferait un peu désordre et ce serait sans doute un traitement de choc un peu trop vif pour la fille aînée de l'Église, on en convient : l'épiscopat français est divers, au travers de ses charismes, de ses sensibilités et de ses différentes personnalités, heureusement ! Cependant, après plusieurs dizaines d'années en France d'une certaine ligne pastorale, tous les observateurs ou acteurs constatent ses nombreuses lacunes et ses bien maigres fruits apostoliques, alors que la majorité de l'épiscopat français reste toujours rétive à la "Nouvelle Évangélisation", contrairement à l'épiscopat italien ou brésilien par exemple.
Dans ce contexte, n'est-il donc pas opportun que certains évêques français tentent des approches différentes et résolument novatrices, qui ne sont pas de simples réajustements à la marge ou des replâtrages de façade ? Tout en poursuivant des pastorales classiques qui restent indispensables dans les diocèses, Mgr Cattenoz — comme d'autres de ses confrères — tente également de démultiplier des approches missionnaires renouvelées, en s'inspirant notamment de ce qui "marche", ici ou ailleurs.
Cette orientation majeure est sûrement le fruit de sa propre expérience ecclésiale et missionnaire, très internationale et diversifiée ; cependant, elle semble avant tout motivée par une approche théologique et spirituelle de la mission et de l'Église [1], donnant la primauté à l'annonce explicite du kérygme, à l'indispensable conversion profonde au Christ de ceux qui se disent disciples, à une vie chrétienne centrée sur l'Esprit-Saint, à une ecclésiologie très missionnaire. Chez lui, il est frappant de constater combien annonce, conversion et vie dans l'Esprit ne sont pas des dogmes froids et stériles, mais bien le fruit bouleversant d'une expérience transformante et efficace de l'amour et de la foi envers le Christ Sauveur, Seigneur et Maître de nos vies.
Le cardinal de Paris — Jean Marie Lustiger — a tracé pendant vingt ans un chemin pastoral singulier et pertinent, bien loin du qu'en dira-t-on clérical et du gallicannement correct . Alors, à sa suite, sans encenser ni mépriser quiconque, sans lancer de mauvais procès à ceux qui tentent de défricher des voies nouvelles comme nous y invitent les papes depuis 1975 [2], tentons avec saint Paul d'écouter et de discerner ce que l'Esprit-Saint dit de vraiment nouveau et d'important aux Églises et à ses pasteurs — nous en avons tant besoin au regard des immenses enjeux missionnaires et spirituels auprès des plus jeunes générations de nos contemporains, en particulier les jeunes, les couples et les familles, devenus si réfractaires à tant de prêches idéologiques ou verbeux, ou à des propositions pastorales qui n'étanchent plus depuis longtemps la soif universelle d'être retourné par l'amour du Dieu vivant.
Avec l'Esprit, n'ayons pas peur et tentons d'avancer au large [3] avec les apôtres !
*Communion Saint Jean-Baptiste, diocèse d'Avignon
© Photo : Jeunesse Lumière.
Notes[1] Pour illustrer ces propos, cf. les premiers chapitres du livre de Mgr Cattenoz, Une Charte pour l'Enseignement catholique, Editions Paroles et Silence.
[2] Evangelii nuntiandi, exhortation apostolique de Paul VI sur l'évangélisation dans le monde moderne, qui avait d'ailleurs été reçue assez froidement en France à l'époque.
[3] Luc 5, 4 ; c'est la première citation choisie par le pape Jean-Paul II dans sa fameuse lettre apostolique Au début du nouveau millénaire (6 janvier 2001).
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