Article rédigé par Décryptage, le 30 novembre 2006
C'était l'avant-veille du départ de Benoît XVI en Turquie. Interrogé par l'Avvenire, le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, Mgr Mamberti, donnait la clé diplomatique des interventions à venir du Pape concernant l'entrée de la Turquie en Europe.
La presse occidentale a préféré s'en tenir à l'interprétation de M. Erdogan qui a avancé que Benoît XVI soutenait sa démarche pour intégrer l'Union européenne. Erreur. Au point que le père Lombardi, porte-parole du Vatican, a dû rectifier le tir : le Saint-Siège n'a ni le pouvoir, ni le devoir d'intervenir sur cette question . Et s'il apprécie les tentatives de rapprochement , c'est sur la base de valeurs et de principes communs . On retiendra d'ailleurs que dans son discours d'Ankara au corps diplomatique, Benoît XVI n'a fait que reprendre ce qu'il a toujours dit à propos de la Turquie et de l'Europe (cf. la note de François de Lacoste Lareymondie à paraître ce 1er décembre). Voici les dépêches de l'agence Zenit reprenant ces mises au point, avec son aimable autorisation, dans notre traduction de la version italienne.
Mgr Mamberti : Pas de position "officielle" sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne
© Traduction de la version italienne, également diffusée en anglais et en espagnol, par "Décryptage".
Cité du Vatican, 26 novembre, Zenit [italien]. — Le Saint Siège n'a pas de position "officielle" sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, a confirmé ce dimanche 26 novembre l'archevêque Dominique Mamberti.
Récemment nommé par Benoît XVI secrétaire pour les Relations avec les États du Saint-Siège, le prélat soutient que la visite du Pontife dans ce pays servira à faire percevoir aux musulmans l'estime qu'il porte lui-même dans leurs confrontations.
Répondant aux questions posées par Gianni Cardinale, journaliste du quotidien catholique L'Avvenire, l'archevêque Mamberti, né en 1952 au Maroc, a répondu que le Saint-Siège n'exprime pas de position "officielle" à ce sujet .
Évidemment, il suit la question avec un grand intérêt et remarque que le débat, qui court depuis longtemps, et les positions en faveur ou contre l'admission de la Turquie dans l'Union européenne, manifestent que l'enjeu est d'extrême importance , a déclaré le prélat, qui dans le passé a été représentant du Pape au Soudan, en Somalie et en Erythrée.
Certes, le Saint-Siège retient que, en cas d'adhésion, le pays doit répondre à tous les critères politiques convenus au Sommet de Copenhage de décembre 2002 et, en ce qui concerne plus spécifiquement la liberté religieuse, aux recommandations contenues dans la décision relative aux principes, aux priorités et aux conditions contenues dans [la décision du Conseil européen sur] le partenariat pour l'adhésion de la Turquie du 23 janvier 2006 a-t-il précisé.
Le 13 août 2004, le cardinal Joseph Ratzinger, parlant à titre personnel, avait accordé une interview au Figaro magazine, dans lequel il avait affronté cette question, constatant que, historiquement, la Turquie n'a jamais fait partie de l'Europe.
La Turquie, qui se considère elle-même comme un État laïque, mais cependant de fondation musulmane, pourrait être en mesure de constituer un continent culturel avec les pays arabes voisins et devenir ainsi le protagoniste d'une culture, avec sa propre identité, mais en communion avec les grandes valeurs humanistes que nous devrions tous reconnaître avait-il affirmé.
Cette idée ne s'oppose pas à des formes d'association et de collaboration étroite et amicale avec l'Europe : elle permettrait la naissance d'une force unie en mesure de s'opposer à chaque forme de fondamentalisme.
Mgr Mamberti a reconnu en outre que, à la suite des polémiques soulevées dans les milieux musulmans après le discours de Rastisbonne, le 12 septembre dernier, le Saint-Père pourrait réaffirmer ce qu'il a déjà dit, clarifiant sa pensée, et qu'il manifesterait lors de ce voyage son estime pour les musulmans, son désir de dialogue, et la possibilité d'une collaboration au service de l'homme et sa cause, surmontant les incompréhensions et les malentendus .
Une clarification du porte-parole du Vatican : Le Saint-Siège n'a pas le pouvoir politique d'intervenir sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne
© Traduction Décryptage
Ankara, mardi 28 novembre 2006, Zenit [italien]. — Le Saint-Siège n'a pas le pouvoir politique d'influer sur l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, a précisé mardi 28 novembre le porte-parole du Saint-Siège.
Le Saint-Siège n'a pas le devoir ni pouvoir politique spécifique d'intervenir sur le point précis de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Il n'est pas compétent. Toutefois il voit positivement et il encourage le chemin de dialogue, de rapprochement et d'insertion (inserimento) en Europe sur la base de valeurs et de principes communs , a expliqué le père Federico Lombardi, S.J., directeur de la Salle de presse du Vatican.
C'est en ce sens que le Pape a exprimé son appréciation pour l'initiative d'alliance des civilisations promues par M. Erdogan , a dit ensuite le père Lombardi en se référant à la rencontre à l'aéroport d'Ankara entre Benoît XVI et le Premier ministre turc.
Pour en savoir plus :
■ Suivre le voyage de Benoît XVI (compte-rendus, textes officiels) sur notre site partenaire Génération-BenoîtXVI.com
■ Le discours d'Ankara au corps diplomatique
■ Les autres déclarations précédentes de Joseph Ratzinger sur la Turquie et l'Europe
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