" Sans les valeurs chrétiennes, l'Europe ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui. " Seize conventionnels proposent d'adopter le modèle constitutionnel polonais
Article rédigé par Jean Choisy, le 28 février 2003

La Convention réunie à Bruxelles a discuté jeudi 28 février de la référence religieuse dans le texte du projet de traité constitutionnel. Un amendement déposé par seize constitutionnels au nom du Parti populaire européen a suggéré la reprise de la rédaction qui figure dans la constitution polonaise.

Le débat a porté sur la rédaction de l'article 2 consacré aux valeurs de l'Union. L'amendement proposé reprend le paragraphe unique en lui adjoignant une mention aux libertés fondamentales et à l'égalité, en référence à la Charte des droits fondamentaux qui serait intégrée à la Constitution : " 1. L'union est fondée sur les valeurs [de respect-supprimé] de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, du rôle de la loi et du respect pour les droits de l'homme et des libertés fondamentales, les valeurs qui sont communes aux États Membres. Son but est une société de paix, par la pratique de la tolérance, de la justice, de l'égalité et de la solidarité " (en gras : texte ajouté).

La principale suggestion consiste à désigner les valeurs qui sont essentielles à la civilisation européenne, en tant qu'elles sont liées à la croyance en Dieu ou à une autre source des valeurs. Les conventionnels justifient leur amendement en expliquant que " sans ces valeurs, l'Europe ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui ". L'article 2 comprendrait donc un deuxième paragraphe ainsi libellé :

" 2. Les valeurs de l'Union comprennent les valeurs de ceux qui croient en Dieu comme source de la vérité, de la justice, de la bonté et de la beauté comme de ceux qui ne partagent pas une telle croyance mais qui respectent ces valeurs universelles issues d'autres sources. "

D'autres propositions sont allées dans ce sens, comme celle du vice-président du Conseil italien, Gianfranco Fini, conseillée par le professeur Roberto De Mattei (Centre culturel Lépante), qui propose de faire référence aux "racines communes judéo-chrétiennes" de l'Europe, au nom des " traditions religieuses".

Deux conceptions de la laïcité s'affrontent : 1/ une laïcité fermée, défendue notamment par la France et la Belgique, et soutenue par le représentant du gouvernement turc, Oguz Demiralp, qui redoute " l'abandon de la principale acquisition du Siècle des lumières " (sic). L'ancien ministre des Affaires européennes Alain Lamassoure explique que la diversité européenne doit être prise en compte et que l'Union ne doit pas prendre position. Pour le président de la Convention, il est urgent d'éviter le " contentieux juridique et politique ", ce que pense aussi Dominique de Villepin qui estime que la question a déjà été tranchée lors de la rédaction de la Charte des droits fondamentaux.

2/ l'autre conception relève de ce que des universitaires polonais ont appelé le pluralisme confessionnel, qui intègre constitutionnellement la dimension religieuse de l'homme, quels que soient ses convictions. Cette conception défendue par les Églises refuse de considérer la négation de Dieu comme un postulat sur lequel pourraient se fonder le droit et les libertés fondamentales.

Interrogé par le quotidien Libération, le porte-parole de la Commission, Jonathan Faull, ne sous-estime pas la gravité des enjeux, soulignant l'évident " impact juridique " qu'une mention constitutionnelle du fait religieux pourrait avoir : "Cela aura des conséquences importantes sur l'interprétation des textes européens. Il ne s'agit pas seulement d'un débat philosophique. Les pères de la Constitution américaine seraient sans doute surpris d'apprendre l'impact que la mention de Dieu a, deux siècles plus tard, sur la reconnaissance du droit à l'avortement"... Raison pour laquelle la Commission souligne les dangers d'une telle référence ?

Ce débat ne manque pas de réveiller des divergences théologiques au sein des chrétiens, en particulier des catholiques français. L'ancien conseiller de Jacques Delors Jérôme Vignon, actuel directeur de la protection sociale de la Commission, et président des Assises chrétiennes de la mondialisation, trouve ainsi que certains porte-parole des Églises en font trop " qui ignorent les fondements laïques de la construction européenne " (Le Monde, 27/02). On retrouve ici deux idées : l'histoire et la culture n'ont pas de prises sur la constitution d'une communauté politique ; le fait politique précède le fait religieux, par conséquent, le meilleur service que les Églises peuvent apporter à la vie des hommes en société, c'est de limiter leur espace aux exigences de la laïcité démocratique.

Les conventionnels signataires de l'amendement sur la référence à Dieu sont :

Elmar BROK, Joszef SZAJER, Erwin TEUFEL (RFA), René VAN DER LINDEN, Frantisek KROUPA, Jacques SANTER (Luxembourg), Antonio TAJANI, Teresa ALMEIDA GARRETT, Peter ALTMAIER, Jan Jacob VAN Dijk, Jan FIGEL, Piia Noora KAUPPI, Göran LENNMARKER, Hanja MAIJ-WEGGEN, Reinhard RACK, Joachim WÜRMELING, au nom du PPE.

Lire aussi le texte original de l'amendement

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