" Le christianisme sculpte la civilisation européenne. " Comment faire plus sectaire que les communistes chinois ?
Article rédigé par Xavier Walter, le 17 octobre 2003

Un débat sur le rôle de la religion dans la société, ce n'est pas la France laïque en émoi devant le voile islamique, ce sont les dirigeants chinois qui s'interrogent. Étonnant ? Voire.

Jiang Zemin, en juillet 2001, préconisait "une orientation nouvelle et positive en matière de politique religieuse". Il en appelait à Marx pour qui la religion est "une vision du monde spontanée et naturelle". "Raisonnable dans un sens historique, disait-il encore, elle n'est pas forcément réactionnaire et ignorante, ni nécessairement aliénante de la société socialiste."

Le chef de l'État chinois l'avouait : c'est pour avoir ignoré ces notions positives que le Parti communiste chinois a conçu une politique religieuse inadéquate. "Nous en payons aujourd'hui le prix", disait dans la presse, fin 2001, Pan Yuhe – un cadre du Parti qui avait l'oreille du gouvernement d'alors (1) . Invoquant Engels, il poursuivait : "Nous trouvons dans la religion le reflet des luttes contre les souffrances du monde réel ; la poursuite de la vérité, de la bonté et de la beauté. Elle donne le courage à l'homme. Elle est une grande compensation spirituelle aux déficiences de la vie réelle. La fonction de compensation religieuse n'a pas trouvé de remplacement jusqu'à nos jours." Il précisait : "La religion ne se définit ni comme féodale, ni comme capitaliste, ni comme socialiste. Elle ne prospère ni ne meurt à cause de la prospérité ou la mort d'un système social. C'est pourquoi elle s'étend de l'Antiquité à nos jours. C'est par cette continuité, cette indépendance et cette capacité d'adaptation qu'elle crée la possibilité de s'accorder avec une société socialiste."

Outre son rôle moral, la religion a une "fonction culturelle". "Dans de nombreux pays, observait M. Pan, la religion s'identifie à la tradition culturelle. Il n'y a aucune culture s'il n'y a pas de religion. Le christianisme sculpte la civilisation européenne et américaine : littérature, art, peinture, sculpture, musique, théâtre, éthique et philosophie s'y manifestent sous une forme chrétienne." La religion "ne manifeste pas seulement une doctrine divine, elle influence aussi la société par sa philosophie, sa vertu, son art et ses coutumes" : sur ces bases "croyants, chercheurs et administratifs doivent coopérer".

Pan Yuhe demandait à ses camarades communistes de "ne plus simplement regarder les fonctions religieuses sous l'angle de l'athéisme. Sinon les fonctions religieuses seront toujours négatives à nos yeux. Il ne convient pas de schématiser brutalement un système grandiose constitué par la quintessence des pensées de l'humanité pendant des millénaires." Connaître les fonctions sociales de la religion ne relève pas seulement de l'épistémologie, mais encore de la sociologie, de la psychologie, de la politique. L'athéisme est requis d'un membre du Parti comme critère de pureté idéologique ; mais la religion est trop riche pour qu'on la "regarde comme un outil de la lutte des classes" ; pour qu'on "l'oppose de façon simpliste à la science". Pour un athée, la religion répond aux questions que la science n'a pas encore résolues, mais cette réponse ne saurait être sous-estimée, car "toutes deux sont nécessaires à la vie sociale des hommes".

M. Pan en revenait à l'Europe, se penchant sur l'histoire des sciences qu'elle a conçues. S'il rappelait que Copernic et Galilée avaient connu des difficultés, il constatait que c'était à l'Église que nous devions outre la conservation du savoir antique, la promotion encore de nombre de découvertes, citant Vésale (2) et son Anatomie du corps humain, les théories de Kepler, Newton. Chez tous, affirmait-il, "l'éthique religieuse était repère d'action et moteur de recherche".

Le Parti communiste chinois devenu plus tolérant dans sa laïcité que tous nos "professeurs" de vertu laïque ? Sans aucun doute. De plus, il reconnaît à la tradition chrétienne son rôle éminent dans la gestation de l'identité européenne, ce à quoi répugne, M. Chirac en tête, de nombreux élus européens. Ces derniers pèchent contre l'Esprit. Seul peut le leur pardonner celui qui sonde les reins et les cœurs !

Notes

(1) Article traduit et reproduit dans Églises d'Asie, revue bi-mensuelle des Missions étrangères de Paris, supplément au N° 297, de mars 2002. EDA, 128 rue du Bac, 75007, Paris. Abonnement annuel, 40 euros.

(2) Médecin bruxellois, 1514-1564, créateur de l'anatomie humaine.

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