Article rédigé par , le 12 janvier 2012
diplomate en Afrique, ancien secrétaire du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement (et dont il serait à présent de bon aloi qu’il le redevienne), Monseigneur Marchetto n’ignore pas qu’il convient d’autant plus de tenir équilibrés les deux plateaux de la balance. Chesterton n’écrivait-il pas "le monde est plein de vertus chrétiennes devenues folles" ? Pour que ces « vertus » sachent raison garder, ne doivent-elles pas s’asseoir sur des idées ? Et, en quelle instance celles-ci ne se verraient-elles le mieux définies et comprises qu’en ces synodes généraux qu’on appelle conciles ?
Dans cet essai aux idées bien arrêtées, et arrêtées justement par qui de droit, c’est-à-dire dans et par les actes conciliaires définitifs, Mgr Marchetto reprend une partie de la quatrième section de sa vaste saga d’Eglise et papauté dans l’histoire et dans le droit. 25 années d’études critiques, laquelle s’intitule Une histoire du Concile Vatican II. L’auteur y a ajouté des « considérations sur certaines tendances herméneutiques de ces dernières années ».
Nul esprit tant soit peu objectif ne peut nier le caractère considérable desdites considérations. Pour bien faire, sa mesure, son estime (au sens d’estimation d’une monnaie) demanderait-elle elle-même un bon quart de siècle ! Et pour cause puisque ce dont notre historien ecclésiastique fait au principal grief aux "exégètes" et autres "herméneutes" auto-patentés de Vatican II, c’est de méconnaître à la racine, voire de contrefaire ce que veut dire la notion de doctrine chrétienne, partant celle de catholicisme.
Emblématique de cette (contre) école, l’école dite de Bologne, avec, en figure de proue, le Professeur Alberigo sur lequel Agostino Marchetto taille ses croupières tel un répétiteur qui ne se lassera pas de dire et redire à son (mauvais) élève qu’une contre-vérité, serait-elle réimprimée, réitérée cent fois n’en deviendrait pas pour autant une vérité de foi. Par souci de pédagogie, on retiendra ici seulement quelques aspects remarquables de cette mauvaise compréhension globale du catholicisme, dont s’ensuivent toutes les interprétations fautives de Vatican II :
- la liberté religieuse (…) «concerne l’immunité par rapport à la coercition de la société civile» et «laisse intacte la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral des individus et des sociétés envers la vraie religion et l’unique Eglise du Christ» [voir, entre autres, l’œuvre de Rémi Brague : historiquement, le principe de laïcité s’est réalisé autant, si ce n’est plus, au profit de l’Eglise que de l’Etat] ;
- il n’a jamais existé de césure ni doctrinale, ni «spirituelle» entre Jean XXIII et Paul VI, le fameux «esprit du concile» invoqué à tout bout de champ par certains commentateurs et «praticiens» se situant précisément hors du champ sémantique labouré par l’Eglise et étant plus l’œuvre d’idéologues que d’exégètes scrupuleux ;
- si Vatican II peut être considéré comme un «événement», ledit événement doit être compris selon l’historiographie sacrée (la conception de l’historiographie profane conduisant à une perception anti-chrétienne du susdit) ;
- Vatican II ne saurait en conséquence s’inscrire en discontinuité avec les temps qui le précèdent, sauf à perdre de vue la ‘‘spécificité et les caractéristiques du catholicisme’’ (p. 191).
De la sorte, le lecteur qui, à la fin de sa lecture, fourbu mais heureux de son effort, s’extraira de l’étude de Marchetto, aura-t-il saisi bien des nuances de l’aggiornamento (un renouveau dans la Tradition) que les papes susnommés et les Pères conciliaires sont parvenus à accomplir.
Hubert de Champris
Sarment/éditions du jubilé 2012 211 16,00 Non 16,00 €