Le dimanche strictement chômé en Alsace-Moselle est constitutionnel
Article rédigé par Hélène Bodenez, le 13 août 2011

Les particularismes constituant la spécificité du droit des trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle liés à la fin de la Première guerre mondiale devaient-ils remettre en cause l'égalité et la liberté d'entreprendre garanties par la Constitution française ? Non en ce qui concerne l'obligation du dimanche chômé, ont clairement répondu les Sages [1] de la rue Montpensier ce 4 août 2011 statuant sur la 157e question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Le magistrat, désigné par le Premier Ministre, Xavier Pottier, a une nouvelle fois brillamment remporté la mise contre l'avocat de la société Somodia, gérante d'un supermarché à Fénétrange (Moselle).

Alors que vient de sonner le deuxième anniversaire de la loi du 10 août 2009 (J.O. 11 août), les opposants au repos dominical ne désarment pas et cherchent une fois de plus à ouvrir plus grand la brèche des dérogations au repos dominical de la proposition de loi Mallié (UMP). Et ce n'est sans doute pas fini : la vigilance est de mise.

Le Conseil Constitutionnel, organe politique s'il en est, veille cependant au repos dominical. Il n'avait déjà pas validé la loi dans son ensemble le 6 août 2009, demandant expressément que Paris ait le même statut que les autres  villes de France : c'est ainsi au Maire de Paris de décider des zones touristiques et des Puce, non au Préfet comme l'auraient voulu les signataires de la loi qui se rejoignent au-delà des clivages traditionnels politiques. Le Conseil avait encore, le 21 janvier dernier, donné raison à une boulangerie traditionnelle contre un puissant terminal de cuisson de produits panifiés qui avait cherché à malmener le droit au repos dominical au nom toujours de la liberté d'entreprendre.

Les organisations syndicales et tout particulièrement la syndicale chrétienne, en premier de cordée sur le dossier, se réjouissent de cette nouvelle décision du Conseil constitutionnel. Relayée par les médias y compris Le Figaro donnant l'information à la une de ses pages saumon. Joseph Thouvenel , secrétaire général adjoint de la CFTC, redit à cette occasion son attachement à  la sauvegarde de l'histoire et des cultures régionale[qui] participe à l'attractivité de nos territoires et à la légitime diversité de notre pays .

Ne pas céder à l'euphorie cependant. Dans le reste de l'Hexagone, le lundi 15 août prochain après le 1er mai dernier, l'un des onze jours chômés en France, est d'ores et déjà annoncé malgré tout dans plusieurs grandes surfaces comme travaillé. La grande alliance européenne en faveur du dimanche chômé et du travail décent, l'European Sunday Alliance dont libertepolitique.com est membre depuis le 20 juin 2011, se révèle plus que nécessaire. Incontournable !

 

Hélène Bodenez fait partie de l'équipe dirigeant le dossier  Oui au repos dominical . Elle a publié À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010).

Dernier article paru : La bataille du dimanche en France et en Europe , IIe Rapport sur la doctrine sociale de l'Église dans le monde, Liberté politique n° 51, décembre 2010.

 

 

Décision n° 2011- 157 QPC
Société SOMODIA [Interdiction du travail le dimanche en Alsace-Moselle]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 31 mai 2011 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la société SOMODIA. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 3134-11 du code du travail.
Cet article a pour effet d'interdire l'exercice d'une activité industrielle, commerciale ou artisanale les dimanches dans les lieux de vente ouverts au public. Il n'est applicable que dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. La société requérante soutenait que cette interdiction portait atteinte aux principes d'égalité et de liberté d'entreprendre.
Cette QPC posait, pour la première fois, la question de la conformité à la Constitution de l'existence d'un droit local propre au Bas-Rhin, au Haut-Rhin et à la Moselle. Le Conseil constitutionnel a, à cette occasion, dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans ces trois départements. Il a jugé que la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 a consacré le principe selon lequel, tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur. En conséquence, à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi. En outre, ce principe doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles.
Le Conseil constitutionnel a fait application à l'article L. 3134-11 du code du travail de ce principe fondamental. Il a jugé que cette disposition est au nombre des règles particulières antérieures à 1919 et qui ont été maintenues en vigueur. Dès lors, le Conseil a écarté le grief tiré de la violation du principe d'égalité entre les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, d'une part, et les autres départements, d'autre part.
En second lieu, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la liberté d'entreprendre alors que le législateur a entendu, par l'article L. 3134-11, éviter que l'exercice de repos hebdomadaire ne défavorise les établissements selon leur taille. Il a au total jugé cet article conforme à la Constitution.

 

 

 

[1] Ont siégé lors de la séance du 4 août 2011 : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT et M. Pierre STEINMETZ.