Article rédigé par Ramu de Bellescize, le 08 mars 2006
Les conditions de délégation de l'autorité parentale viennent d'être bouleversées par la Cour de cassation. Jusqu'à présent, l'autorité parentale ne pouvait être déléguée à un "parent" de même sexe. Par une décision du 24 février 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu'elle pouvait désormais être attribuée au partenaire d'un couple homosexuel.
Les magistrats étaient saisis d'un pourvoi du procureur général d'Angers contre un arrêt prononcé par la cour d'appel de la ville éponyme le 11 juin 2004. Par cet arrêt, la cour d'appel avait statué sur le cas d'un couple de femmes, liées par un PaCS contracté le 28 décembre 1999, dont l'une était la mère biologique de Camille et de Lou, nées par insémination artificielle. La cour d'appel leur avait accordé l'autorité parentale conjointe, autorité qui permet aux parents de déterminer le lieu de résidence de l'enfant et exiger qu'il y demeure effectivement, de le protéger dans sa vie privée, dans ses relations avec autrui, de veiller à sa santé et assurer son éducation.
Le procureur général s'était pourvu en cassation contre cette décision qui manquait selon lui de base légale et ce, pour deux raisons. D'une part, l'autorité parentale était déléguée à une personne du même sexe. D'autre part, l'article 377 du Code civil subordonne la délégation à l'existence de circonstances particulières et non sur la simple crainte de la réalisation hypothétique d'un événement. Or, dans le cas d'espèce, la cour d'appel n'avait relevée aucunes circonstances avérées ou prévisibles interdisant à la mère biologique d'exercer son autorité sur les deux enfants.
La perversité du raisonnement
Il convient de s'arrêter un instant sur le raisonnement adopté par la Cour de cassation pour confirmer l'arrêt de le cour d'appel d'Angers. Il permet en effet de comprendre comment un tel bouleversement a été rendu possible.
Dans un premier temps la Cour de cassation affirme que l'article 377 du Code civil ne s'oppose pas à ce qu'une mère délègue son autorité parentale à une personne du même sexe, ce qui est en contradiction avec sa jurisprudence antérieure.
Elle relève ensuite que d'une part "Camille et Lou étaient décrites comme des enfants épanouies, équilibrées et heureuses, bénéficiant de l'amour, du respect, de l'autorité et de la sérénité nécessaires à leur développement". Un peu de recul montrera si la Cour de cassation assume sa jurisprudence jusqu'au bout en refusant la délégation lorsque les enfants sont "décrits", comme n'étant pas "épanouis" ou "équilibrés". D'autre part, "la relation unissant Mme X et Mme Y était stable depuis de nombreuses années et considérée comme harmonieuse et fondée sur un respect de leur rôle auprès des enfants".
Ces deux conditions étant réunies, seule manquait une circonstance particulière propre à justifier la délégation. Or, "l'absence de filiation paternelle "laissait craindre" qu'en cas d'événement accidentel plaçant la mère, astreinte professionnellement à de longs trajets quotidiens, dans l'incapacité d'exprimer sa volonté, Mme Y ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu'elle avait toujours eu aux yeux de Camille et de Lou".
Autrement dit, l'homoparentalité devient la circonstance particulière.
L'aboutissement logique du PaCS
Avec cette décision se concrétise le risque le plus grave contenu en germe dans le PaCS : l'adoption par des couples homosexuels. Il s'agit là, somme toute, d'un aboutissement assez logique. Par nature, le PaCS ne pouvait être qu'une étape ; il fallait être bien naïf pour croire le contraire. Les travaux préparatoires de la loi qui introduisit le PaCS dans le Code civil étaient pourtant suffisamment explicites. Catherine Tasca, député, déclarait ainsi lors de la présentation du rapport d'étape relatif au PaCS à l'Assemblée nationale, "qu'il n'ouvrira pas le droit à l'adoption mais il faudra qu'un jour on en vienne à parler de l'adoption homo. Nous préférons dans un premier temps ne pas essayer de soulever cette montagne si nous voulons faire passer ce texte le plus vite" (Journal officiel, débats Assemblée nationale, 7 novembre 1998, p. 8406).
Comment imaginer en tout état de cause qu'un statut quasi-matrimonial proposé à tous les couples de sexes différents ou du même sexe, puisse ne pas ouvrir à terme la possibilité d'adoption ? Des lois qui semblent bien circonscrites sont votées par le Parlement. Mais une fois promulguée, elles vivent leur propre vie et peuvent échapper à leurs auteurs. La Cour de cassation peut les interpréter dans un sens différent de celui qui avait été imaginé initialement. C'est ce qui s'est produit. Le fait que la relation qui unissait "Mme X et Mme Y, stable depuis de nombreuses années et considérée comme harmonieuse" ait été exercée dans le cadre d'un PaCS a constitué un élément déterminant pour la Cour de cassation.
En plus d'éléments de droit positif comme le PaCS, une certaine conception du droit a joué en faveur de la décision de la Cour de cassation. La société évolue, le rôle du droit serait de suivre cette évolution. Un trop grand décalage entre la réalité et le droit risque en effet d'être pire que le mal. Autant dans ces conditions donner un contenu juridique à des pratiques qui se développent en marge du droit afin de pouvoir les contrôler.
Il pourra être répondu qu'il ne s'agit là en aucun cas d'une évolution. L'homosexualité est une donnée permanente des sociétés. Socrate proclamait sa passion pour Alcibiade que Platon raconte sans complexe. On ignore peu des amours d'Hadrien et d'Antinoüs racontée par Marguerite Yourcenar dans ses Mémoires d'Hadrien. Frédéric de Prusse couchait avec ses grenadiers et Voltaire ne s'en étonnait pas. Verlaine a écrit ses plus beaux poèmes pour Arthur Rimbaud. Et nous n'aurions pas la sublime Recherche du temps perdu sans l'homosexualité de Marcel Proust, pas plus que nous ne pourrions lire l'œuvre magistrale de Roger Martin du Gard ou celle de Julien Green. Les homosexuels ont apporté de tout temps suffisamment de richesse à la culture pour n'avoir besoin de réhabilitation.
Ce qui change en revanche c'est le statut social particulier offert aux homosexuels. Au nom d'une certaine conception des droits de l'homme, de principes comme la non-discrimination dont les potentialités juridiques sont sans limites, un droit, celui de l'autorité parentale, qui était jusque là refusé aux partenaires homosexuels leur est accordé. Un renversement complet est ainsi opéré qui permet de passer de la protection de l'enfant contre les homosexuels au renforcement des droits des couples homosexuels au nom de l'enfant.
Cette évolution ne manque pas de soulever la question de l'équilibre d'un enfant élevé par deux mères ou deux pères. Jusqu'à nouvel ordre, la famille est constituée par un homme et une femme. Un enfant a besoin de la double référence représentant les parents des deux sexes opposés. Les relations monoparentales soulèvent suffisamment de difficultés pour que la Cour de cassation s'abstienne de créer de nouveaux problèmes en validant un modèle social qui s'écarte de tous les modèles naturels d'anthropologie. Les fondements anthropologique de la société sont fondés sur deux piliers : la différence de sexe et la différence de génération qui ensemble constituent la famille. Claude Lévi-Strauss dans un article paru en 1956 a parfaitement défini la famille comme une union entre un homme et une femme en vue de la procréation et de l'éducation des enfants. Les travaux de l'historien Michel Rouche viennent en renfort de son analyse. Ils montrent qu'il n'existe pas dans l'histoire de sociétés qui ait reconnu l'adoption à des homosexuels et qui l'ait inscrite dans son droit, même dans la très permissive Rome impériale.
Une solution existe cependant pour neutraliser la décision de la Cour de cassation. Le vote par le législateur d'une loi interdisant l'adoption par des couples homosexuels.
R. B.
Communiqué du diocèse d'Angers
Mensonge social
Ce vendredi 24 février, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a rendu un arrêt autorisant un couple de femmes à exercer en commun l'autorité parentale envers les deux petites filles qu'elles élèvent ensemble depuis leur naissance. Cet arrêt fera jurisprudence.
La Cour note que le code ne s'oppose pas à ce qu'une mère, titulaire de l'autorité parentale, en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle entretient une union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle donne ainsi raison à la Cour d'appel d'Angers qui s'était déjà prononcée en ce sens dans son arrêt du 11 juin 2004.
La délégation de l'autorité parentale constitue un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité, selon le code, l'intérêt de l'enfant. Elle ne crée pas de lien de filiation et n'entraîne aucune conséquence successorale.
L'Église ne juge pas les personnes. Elle ne s'immisce pas dans les arrêts de justice. Elle relève que la décision de la Cour se réfère à l'intérêt de l'enfant. Cet intérêt la préoccupe au plus haut point.
L'intérêt de l'enfant, justement, ne peut oublier la question douloureuse de la filiation de l'enfant et, par voie de conséquence, son droit à être reconnu et élevé par des parents de sexe différent.
Il nous paraît dangereux que la société organise un déni, en laissant croire que des enfants pourraient avoir des personnes de même sexe pour parents naturels. L'humain est issu de la différence, à commencer par la différence des sexes. Le géniteur ne peut être considéré comme un simple transmetteur génétique, une "paillette". Symboliquement aussi bien que génétiquement, l'enfant naît de la rencontre de corps sexuellement différenciés.
En séparant constamment l'amour, la relation sexuelle et la procréation, pour satisfaire le désir des adultes, nous exposons les enfants à des difficultés croissantes dans la construction de leur personnalité qui, on le sait, s'établit dans un jeu d'identification et d'opposition. Ne sommes-nous pas en train de cultiver un mensonge social ?
Si l'Église prend acte des mutations affectant notre société, elle ne leur trouve pas nécessairement une légitimité morale. Ce qui est légal n'est pas toujours moral.
Un tribunal dit le droit. Il ne dit pas le bien pour autant, ni le vrai.
+ Jean-Louis Bruguès
Évêque d'Angers, 7 mars 2006
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