Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008
LE CITOYEN EST OBLIGE EN CONSCIENCE de ne pas suivre les prescriptions des autorités civiles quand [leurs] préceptes sont contraires aux exigences de l'ordre moral, aux droits fondamentaux des personnes ou aux enseignements de l'Évangile.
Le refus d'obéissance aux autorités civiles, lorsque leurs exigences sont contraires à celles de la conscience droite, trouve sa justification dans la distinction entre le service de Dieu et le service de la communauté politique. "Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu" (Mt XXII, 21). "Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes" (Ac V, 29).
De prime abord, tout est dit par le Catéchisme de l'Église catholique (CEC, n. 2242). Mais en réalité tout commence.
La genèse de cette norme est limpide, à partir des rappels bien connus qu'elle fait de l'Écriture jusqu'à l'encyclique Evangelium vitæ dont deux paragraphes, auxquels le CEC renvoie, précisent à propos de l'avortement et de l'euthanasie que :Des lois de cette nature, non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation grave et précise de s'y opposer par l'objection de conscience. Dès les origines de l'Église, la prédication apostolique a enseigné aux chrétiens le devoir d'obéir aux pouvoirs publics légitimement constitués (cf. Rm XIII, 1-7; 1 P II, 13-14), mais elle a donné en même temps le ferme avertissement qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes [...]. Dans le cas d'une loi intrinsèquement injuste, comme celle qui admet l'avortement ou l'euthanasie, il n'est donc jamais licite de s'y conformer, ni [de] participer à une campagne d'opinion en faveur d'une telle loi, ni [de] donner à celle-ci son suffrage (n. 73).Et encore : Les chrétiens, de même que tous les hommes de bonne volonté, sont appelés, en vertu d'un grave devoir de conscience, à ne pas apporter leur collaboration formelle aux pratiques qui, bien qu'admises par la législation civile, sont en opposition avec la Loi de Dieu. En effet, du point de vue moral, il n'est jamais licite de coopérer formellement au mal (n. 74).D'une certaine façon, le Compendium de la Doctrine sociale de l'Église (CDSE) n'a plus qu'à conclure. Que dit-il ? Dans le paragraphe qu'il consacre à la question (n. 399), il commence par une citation du n. 2242 du CEC, mais dans laquelle il déplace la négation ( le citoyen n'est pas obligé en conscience de suivre les prescriptions des autorités civiles si elles sont contraires aux exigences ... ) : les rédacteurs ont-ils voulu modifier le sens pour en atténuer la rigueur ou est-ce une coquille (malencontreuse) du texte français ? Je penche vers la seconde hypothèse puisque l'orientation générale de l'exigence demeure avec l'ajout qui figure un peu plus loin : Lorsqu'ils sont appelés à collaborer à des actions moralement mauvaises, (les hommes) ont l'obligation de s'y refuser. Du principe clair à sa mise en œuvre se dessine néanmoins un cheminement moins simple qu'on ne l'imagine.
Non que la question soit nouvelle et que l'expérience acquise soit inutile. Sans remonter aux persécutions de l'Empire romain et à l'obligation de sacrifier aux idoles, l'époque moderne n'a pas été avare de situations où les chrétiens ont été confrontés à des choix cornéliens quand leur conscience les opposait aux lois de la cité, mettant en balance leur situation sociale, professionnelle et politique : pour s'en tenir à notre pays, on pense à la constitution civile du clergé et au serment exigé par la Révolution, puis aux lois anti-congréganistes de la IIIe République auxquelles nombre de magistrats n'ont pas voulu collaborer en démissionnant de leurs fonctions, ou aux officiers qui, plutôt que de participer aux inventaires prévus par la loi de 1905, ont suivi la même voie. La liste n'est pas limitative.
Pourtant quelque chose a changé. Ces exemples, sans chercher à les sélectionner, concernaient tous la liberté religieuse et son exercice pratique. Ce n'est pas pour en réduire l'importance que le CEC place les enseignements de l'Évangile en troisième position dans la liste des exigences que les prescriptions des autorités civiles viennent parfois à contredire ; il prend acte d'un élargissement qui caractérise l'époque moderne. Nouvelle en effet est la situation où les exigences de l'ordre moral et les droits fondamentaux de la personne font l'objet d'attentats tels qu'en face de ceux-ci la conscience doit se dresser ; et ce ne sont plus seulement les chrétiens mais tous les hommes de bonne volonté qui sont directement concernés.
Il ne suffit donc plus de rappeler les principes qui paraissaient évidents il y a un siècle : au demeurant les références qui les fondaient se sont largement estompées en même temps que s'accroissaient démesurément les champs d'intervention de l'État et que celui-ci, sous couvert de légitimité démocratique, s'arrogeait compétence dans des domaines qui, jusqu'alors, lui étaient fermés. Les présupposés de la démocratie moderne voilent les termes du problème au point de rendre la question incompréhensible à nombre de nos contemporains. Il faut désormais asseoir l'objection de conscience sur une réflexion qui résiste à la pression ambiante, et en outre apporter un éclairage indispensable à une conduite pratique qui, en tout état de cause, place ses acteurs en conflit avec des autorités auxquelles ils doivent pourtant respect et obéissance.
1. LA PRIMAUTE DE LA CONSCIENCE FACE A LA LOI INJUSTE
Deux précautions pour commencer. Premièrement, la conscience dont on parle ici n'est évidemment pas d'ordre psychologique et ne se situe pas au niveau de la simple perception de soi par le sujet. Il s'agit de la conscience morale, celle où se noue le jugement de la raison par rapport à l'agir, et nous préciserons plus loin le positionnement exact de la subjectivité dans son exercice. Deuxièmement, on appellera l'attention du lecteur sur l'incompatibilité croissante entre ce que les chrétiens entendent par liberté , valeurs universelles et bien commun , et ce que nos sociétés postmodernes placent sous ces mêmes mots. Dans notre propos, nous nous efforçons de rester fidèle au sens issu de la pensée gréco-romaine assumée par la tradition judéo-chrétienne.
[Fin de l'extrait] ...
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