Hommages à Jean Paul II, poèmes
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008

Annoncée ou pressentie au milieu du XIXe siècle par les grands poètes-prophètes de la Pologne, Juliusz Slowacki et Cyprian Norwid, la personnalité incommensurable de Jean Paul II aura laissé dans ce monde le sentiment et le souvenir d'une Transcendance incarnée.

La résonnance qu'il a suscitée ne peut mentir. Vox populi, vox Dei.

Peu d'hommes dans l'histoire de l'humanité ont rassemblé de telles foules joyeuses et spontanées. L'Église n'avait pas depuis longtemps connu un tel rassembleur d'hommes. Personne n'a reçu à sa mort un hommage aussi grandiose et sincère de toute la Terre. Car le Successeur de Pierre a été un véritable Messager de Dieu et ses paroles furent à la fois Amour, Révélation et Avertissement.

 

Que cette poignée de poèmes écrits tout au long de son pontificat puisse rendre ne fût-ce qu'un modeste hommage à Celui qui nous " montra — comme l'avait dit Slowacki — Dieu dans l'œuvre de ce monde, clair comme le jour "...

 

 

JAN TWARDOWSKI

 

Le pape

 

Le pape s'envola de Rome

il vole dans un avion blanc comme neige —

il embrasse un orthodoxe il bénit un enfant juif

sans qu'il y ait de trône

seule une larme frémit comme une danse

dans beaucoup de livres fond le soleil gelé

il suinte de la gorge de lettres desséchées

les hérétiques chauffent dans l'évangile

leurs jambes mordues

ils font grossir le ciel dans les orgues

approche toute une section d'anges

seul un catholique d'avant-guerre

déplia un papier —

il effiloche sa plume comme s'il taquinait une corneille

il écrit une plainte contre le Bon Dieu

 

 

 

CZESLAW MILOSZ

 

Ode à Jean Paul II pour son quatre-vingtième anniversaire

 

Nous venons à toi, nous, hommes de peu de foi

Pour que l'exemple de ta vie nous rende plus forts

Et qu'il nous libère de l'angoisse

Pour le jour et l'année qui viennent. Ton vingtième siècle

Est devenu célèbre par les noms des puissants tyrans

Et le retour au néant de leurs états voraces.

Tu savais qu'il en serait ainsi. Tu nous a appris l'espérance :

Car seul le Christ est maître de l'Histoire.

 

Les étrangers n'ont pas deviné d'où venait la force

Du clerc de Wadowice. La prière, la prophétie

Des poètes non reconnus par le progrès et l'argent

Bien qu'ils soient l'égal des rois t ‘attendaient

Pour que tu leur annonces Urbi et Orbi

Que l'Histoire n'est pas un chaos mais un ordre vaste.

 

Pasteur qui nous fut donné alors que les dieux s'en sont allés !

Et dans la brume au-dessus des villes brille le Veau d'Or.

Des foules sans défense accourent, et font l'offrande

De leurs enfants aux écrans sanglants du Moloch.

Une peur est dans l'air, une lamentation muette :

Car il ne suffit pas de vouloir croire pour pouvoir croire !

 

Et soudain, comme un pur son de cloches sonnant matines,

Ton signe de contradiction semblable à un miracle

Pour qu'on se demande : comment est-il possible

Que te vénèrent des jeunes venus de pays non croyants,

Ils se rassemblent sur les places, tête contre tête,

Ils attendent la nouvelle d'il y a deux mille ans

Et se prosternent aux pieds du Messager

Qui embrassa par amour toute l'humaine tribu.

 

Tu es avec nous, tu seras désormais toujours avec nous.

Quand résonneront les puissances du chaos

Et que les détenteurs de vérités s'enfermeront dans les églises

Que seuls ceux qui doutent resteront fidèles

Ton portrait dans notre maison chaque jour nous rappellera

Ce qu'un seul homme peut et comment se manifeste la sainteté.

 

 

 

 

 

 

TERESA TOMSIA

 

Je m'apprête au repos

mais Toi, Père, où poseras-tu ta tête

quel infini sera ton lit

qui viendra toucher ton front

alors que dans la solitude il brûle.

Tout doucement je me prépare au sommeil,

de mes cellules je me déshabille,

dans la durée je m'abîme et m'abîme encore

et elle n'est pas accordée pour toujours,

on ne peut en aucun cas l'échanger contre une autre.

Je me réjouis de ce don d'éternelle impermanence

alors que Toi, Père, tu me berces dans la niche du temps

et me rappelle que je suis

cette poussière que tu animes.

 

***

 

Adieu à Jean Paul II

 

Cœur tout bercé d'amour

tu refusais de te taire dans la ville de bronze !

 

Proclamant la Bonne Nouvelle il voyageait sans relâche :

de l'homme au sein du peuple, depuis les hommes - vers Dieu.

 

Et toujours il transmet la grâce de sa bénédiction ;

Et plus que jamais attentif il perdure lorsqu'on emporte son corps épuisé

dans les souterrains. Courageusement, il nous protège de près

et de loin nous montre le chemin.

 

N'ayons pas honte de cette plainte funèbre, ne soulevons aucune

question sur cet inconcevable destin.Rempli de sa patrie,

il s'en va et garde avec lui une partie de chacun de nous.

 

Sois — tel que tu étais — tout droit venu d'avant les siècles,

Père qui attire à lui les enfants et les conduit vers la sainte lumière

pour qu'ils durent éternellement.

 

Des images sublimes trop vite s'accomplirent ;

l'excès de sentiment qui n'est propre à personne

a pris la forme d'une totalité sans fin :

 

Tu es le bien du monde !

Abandonné sur les montagnes du cœur* sapin

d'où viennent notre force et notre dignité.

 

Poznan, 8 avril 2005

 

* Tiré d'un poème de R. M. Rilke

 

 

MIECZYSLAW JASTRUN

 

La Sainte Porte

 

Le Bien et le Mal

Qui sait ce qu'est imaginer dans la nuit

Ici il y a un siècle était une ville et plus loin un pont

Le train passait en martelant Devant lui s'allongeait le brouillard

Ville couverte d'oubli et de fumée Il n'y a ni Bien ni Mal

J'ai pensé : il y a la cendre des maisons et des hommes

 

J'ai connu bien des théogonies bien des théologies

du commencement à la fin

je vois : il n'y a pas de temps pour moi

tout seulement commence

 

Le monde fut créé pour la lumière

— Il tombe en poussière

Regarde : des feuilles calcinées et tordues par le feu

Des apparitions sorties du rêve d'un jour à l'autre et depuis des siècles

Rien ne dure tout ne fait que commencer

Des apparitions sorties du rêve Les dernières mélodies de la Renaissance

La Sainte Porte de Rome

Soudain ouverte palais Orsini

Le pape appuyé contre saint Pierre

 

Seigneur au-dessus du néant tu regardes l'avenir

Tu ouvres la lumière de demain

 

 

 

 

 

 

PERE WACLAW BURYLA

 

Tu ne proposes

 

tu ne proposes aucune réforme matérielle

tu ne promets pas de table croulant sous un excès de bien-être

tu n'essuies pas tes lèvres avec de grands slogans

qui agissent comme des incantations

tu ne te construis aucune popularité bon marché à force de sourires affichés

ni en passant sous silence l'inconfortable vérité

tu te dresses sans cesse devant nous avec les tables de pierre des Évangiles

comme si tu voulais nous défendre de l'abrutissante danse

autour du veau d'or

 

et nous toujours nous ne savons croire

qu'il est possible de passer à sec

par la mer du quotidien

 

 

 

***

 

Poème du pèlerinage

 

 

 

tu as aimé les montagnes

qui enseignent grandeur et humilité

dans le labeur des pas —

des petites graines de lassitude

 

tu as aimé les rivières et les lacs

purs miroirs des eaux où toujours on peut contempler

le sourire de Dieu

 

tu as aimé le silence

qui habite les branches entremêlées des arbres

dans le grand silence des forêts sacrées

heureuses de ne pas connaître la chaussure des hommes

 

mais tu as encore plus aimé l'homme

que Dieu fit demeure de Son Amour

et qu'Il attend

sur le seuil de l'Infini

 

 

 

 

 

 

TADEUSZ ZUKOWSKI

 

Douzième station

Jésus meurt sur la Croix

" ... et, inclinant la tête, il remit l'esprit. " Jean 19, 30

 

A la mémoire de Jean-Paul II, à l'heure de sa mort : 21 heures 37

 

 

 

La colline du Golgotha

pierre angulaire

du Temple du Dernier Tourment

Temple de la Mort

 

Seigneur Tu n'as jamais oublié

ce socle à Ton corps Humain broyé

Deux Pieds fragiles

réunis par un seul clou

 

Quand Tu créas l'univers dans le Feu de Ton souffle

les galaxies — étoiles et planètes — continents

de Ta larme la plus profonde Tu façonnas

le caillou blanc du Crâne

et là Tu inscrivis

 

le Nom du Condamné

 

Ton Nouveau Nom

 

Jésus

 

Le Roi de l'Exilé en Lui-même

dans un Néant soudain

après le plus grand des Amours

plus grand que la créature

impossible à étreindre

que seulement connaissent

les hiérarchies des archanges

l'Exilé dans la mort

 

Ô déchiré par les harpies les trahisons

ouragans de furies haineuses

ruisselant du sang de l'agonie

étendard d'un rouge suppliant

bannière d'ossements broyés

au-dessus de Jérusalem qui tombe

dans les bras

 

de la Jérusalem Nouvelle

de Tes innombrables blessures

dans le Cœurs des cœurs

de l'Être Total —

 

Tu inclinas Ta Tête tourmentée

et au-dessus de ma mort

que tu reçus en Toi

tels les dards du crime

et les obus des guerres

 

Eloï, Eloï lamma sabachtani !

 

Ce cri du fond de la glace

est une torche d'Abysse

 

où Tu tu tends

Ta Paume

d'Amour

guérie par les larmes

de l'agonie

 

avec Toi et en Toi

 

Ta Paume

d'Amour

 

Amen

 

***

 

Lettre au Saint Père frappé d'une balle criminelle

 

Père de ces paroles fixées dans les limites d'une photo

Par la contraction des lèvres — le rayon du cœur, les paupières baissées sur le labeur

Du soleil — Toi — notre Père emmêlé dans le nœud solaire des mains et des bras —

Dans le filet déchiré d'un sang confiant ; penché

Sur —. Ô qu'elle monte en crue la surface de douleur !

Où les balles de ce monde sont inévitables ! Elle était en plomb

Comme celles que nous respirons ; la terre qui porte nos pieds et les hautes mottes

De chaleur... Que la lumière des larmes d'une mère polonaise brûle

Le crime des cœurs de fer ! Qu'elle réduise en rouille et arrache

La lumière inoxydable d'un Nouvel Arc-en-ciel. Ainsi — moi, ton fils aveuglé,

Ô Père, je me tais, dans une douce clairvoyance : ô combien de souffrance

Dans l'amour, combien de sources dans la croix transpercée de ton corps.

J'entends : régulièrement palpite le pouls de SA volonté,

La voie lactée, labeur de soleil, le souffle de la terre, et le tien.

 

 

 

KRZYSZTOF JEZEWSKI

 

Sur l'élection de Jean-Paul II

 

Les tribus s'accroissant les suivront

Dans la lumière où est Dieu

 

Juliusz Slowacki, Dans les temps troublés... (1848)

 

À Rome commencera la renaissance du monde...

Prophétie de l'abbé Cieslak (vers 1888)

 

 

 

Sois remercié, Seigneur, car Tu nous as écoutés.

Que Ton Nom resplendisse jusqu'à la fin des temps.

L'espace s'entrouvrit, l'Esprit Saint brille.

Sur l'arbre impossible grossit le fruit d'or.

Le champ stérile produit, l'éclat déchire la nuit.

Les murs de Jéricho s'écrouleront sous les trompes lumineuses

Et la tête du Serpent sera broyée.

 

Car voici venir le temps de l'Ouvrier du Soleil*

Qui embrassera par l'Amour la terre dévastée.

Il versera la nouvelle puissance dans le troupeau apeuré

Et pierre après pierre relèvera des ruines les sept Églises.

Navigateur hardi, berger, à travers les flots des ténèbres

Il montera le chemin clair et droit comme un rayon.

Ô Seigneur éternel dans les cieux, ô notre Refuge,

C'est Toi qui par sa bouche a dit : " N'ayez pas peur ! "

 

 

 

 

 

*Dans les Prophéties de Malachie (apocryphe d'avant 1500), Jean Paul II est annoncé comme le pape De labore solis (Du travail du soleil).

 

 

 

Paris 1997

(Jean Paul II aux JMJ)

 

Bien qu'il fût assis

dans son habit doré

berger du ciel

si réel pourtant

il irradiait ici

la bonté jointe à la simplicité

non, c'était bien plus encore

la sainte Lumière

de l'Amour

et nous, nous allions

joyeusement

dans la magie

de cet éclat

 

 

 

Rêve, nuit du 13 mars 2001

 

Et le jour vint

où tu pénétras

dans la sainte Lumière

toi qui fus

Labeur du soleil

et forme de l'Amour

toi qui empruntas

tous les chemins

de l'Espérance

et fus le rocher

de la foi

mais sur cette terre

de larmes et de sang

qu'avec amour

tu serrais dans tes bras

d'apôtre

la nuit tomba de nouveau

angoisse ailée

deuil douloureux orphelin

des ténèbres

 

Mais " la lumière luit dans les ténèbres

et les ténèbres ne l'ont pas saisi "...

 

 

 

 

WINCENTY ROZANSKI

 

***

Reste avec moi Ombre Éternelle

enveloppe-moi de ton manteau

À l'abri nous allons nous donner des nouvelles

de l'Éternité

nos pieds déjà nous font mal de marcher ainsi à la lisière du monde

le seuil n'est plus lumineux

reste donc avec moi pour le meilleur et pour le pire

Dans ces maquis éblouissants

dans cet ici-bas dolent

ce qui est avec nous le vent le bénira

ce qui est avec nous se révèlera

manifestement

 

***

C'était l'après-midi

devant l'église humide le soleil brillait peu

après la classe les garçons dormaient sur les escaliers

je marchais sur le chemin après une douce prière

sur un trottoir mort je marchais comme un bouc obstiné

il n'y avait personne les chiens veillaient et j'eus l'idée

d'écrire un poème sur Dieu qui apaise le silence

je notais un instant comme si je souffrais dans ce silence

mais il n'y avait personne

seul le pape à Rome marchait en claudicant

comme si soudain brillait sur ce chemin une lueur d'espoir

 

 

 

 

HALSZKA OLSINSKA

 

La fin et le commencement

 

voici le talent

de se construire soi-même

d'élever l'édifice

de sa propre mort

le plus durable parmi ceux qui durent

sur les eaux transparentes

d'une source qui se rétracta

en roc de cristal

 

voici le talent

de s'enraciner

dans le temps

et en dehors du temps

si bien qu'on peut ainsi calmement

attendre la fête

et les fiançailles avec l'éternité

sûre comme la

vérité

quand on l'a possédée

 

le 2 avril 2005

 

 

 

 

ADRIANA SZYMANSKA

 

La Bonne Nouvelle

 

Sur la venue de Jean Paul II à Sandomierz en juin 1999

 

Lorsque la Bonne Nouvelle descendit sur terre,

toutes les oreilles se dressèrent pour l'entendre :

l'aigle se figea dans son vol, le cheval s'arrêta en plein galop,

les brebis s'agenouillèrent dans l'herbe avec leur pasteur.

 

Lorsque la Bonne Nouvelle traversa les champs,

les alouettes firent sonner l'azur dans tout le ciel,

les graines se répandirent en pain tout droit venus des épis,

les lièvres muets murmurèrent un Angelus.

 

Quand la Bonne Nouvelle s'approcha de la Ville,

les vieux murs frémirent, l'hôtel de ville se couronna,

le fleuve vint se blottir aux pieds du pont comme un chien,

l'air trembla autour des églises comme un drapeau.

 

Et quand la Bonne Nouvelle parla avec la voix

de celui que l'Amour avait choisi pour Témoin,

l'esprit des enfants, des vieux, des adultes s'élucida :

le Royaume de Dieu est-il venu à eux ?

 

 

Les Visibles

 

Lorsque je le regardais

bénissant pour la dernière fois les foules Urbi et Orbi

ce dimanche de Pâques

j'ai vu passer sur son visage l'ombre de la mort

il s'en est allé six jours plus tard dans la nuit

et tout le monde retint alors son souffle

comme si son cœur se brisait. Oui, il fut

le cœur du monde, héritier de l'histoire d'amour

de la Création, qu'il aima comme personne parmi les

vivants. Sans cesse il passait le seuil

d'une parole d'avant l'éternité pour y puiser

une miséricorde à nous destinée. Le secret

de malhonnêteté l'attristait comme

le réjouissait l'éclatant reflet de la ressemblance

dans tout le visible.

Ressemblance à celui qui Profère la Parole.

À présent, il est assis à côté du Créateur.

N'est-il pas aussi parfait que lui ?

Omnia nuda et aperta sunt ante oculos Eius.

Soyons donc vrais, bons et beaux

pour qu'il puisse toujours nous

voir.

 

4 avril 2005

 

* Tout est dévoilé, tout est découvert devant Ses yeux. Toutes les citations en italiques sont extraites du Triptyque romain de Jean Paul II.

 

***

 

Mais d'où viennent les saints ?

Est-ce de cette vie qui nous fut offerte

quelque peu ? Pour que nous puissions connaître

ce qui est bon comme ce qui est mauvais et que nous sachions discerner

le temps malingre du temps immaculé. Naîtrait-il plus de saints

dans le premier ? Ils fleurissent

comme les primevères parmi les gouffres de la mort.

Ils sont apôtres de la résurrection de la foi.

Et notre temps blanchit par leurs âmes : Maximilien

Kolbe, sœur Faustine, Padre Pio,

Mère Teresa de Calcutta, les cent huit Martyrs

de la Deuxième Guerre mondiale portés sur les autels

par Jean Paul II. Nous marchons sur une terre

où ils posaient aussi les pieds, marqués par la si particulière

lumière de l'innocence. Le don de la foi, de l'espérance,

de l'amour, ils le portaient en eux comme un sacrement

pour le partager avec leurs frères. Ils savaient se charger

de leur propres blessures et de celles des autres, ils mouraient

en serrant entre leurs doigts un pan du Royaume Céleste.

Et toujours il flotte au-dessus de nous en signe d'Alliance

entre les âmes simples et celles qui depuis longtemps

connaissent le goût de la surnature.

 

1er avril 2005

 

 

 

 

TOMASZ RZEPA

 

Envoi à Jean-Paul II

 

 

 

il y a quelque chose que les fous jamais ne comprendront

il y a une valeur contenue dans le secret du mystère

simple et profond comme un visage humain

un secret accessible aux petits par sa simplicité

 

l'amour c'est pourtant lui la graine

qui tombe dans chaque âme mais quand elle poindra

elle grandira en arbre qui se fera abri

pour tous les nécessiteux tous les malheureux

 

ce savoir est caché aux riches et aux imbéciles

qui pourtant la nuit prient un Dieu

il y a quelque chose de plus précieux que notre vie

il y a un signe qu'ils vont contredire

 

 

 

 

 

 

BOLESLAW TABORSKI

 

Tu nous as donné

 

Tu t'es donné toi-même en ce jour d'étonnement

tu nous as tout donné de ton cœur généreux

et sans fin nous y puisions des dons

l'espoir le droit à une vie meilleure

et la joie de n'être pas faible mais fort par l'unité

quand tu nous as montré le chemin et confirmé le Testament

en dépit de ceux qui doutent tu savais que le moment

était venu dans les signes de cette terre tu nous as montré le ciel

à ces millions de Job contemplant leur misère

avec toi à cet appel clair la nuit fut sainte lumière

" reste avec nous " clamait-il bien que cela fût inutile

tu es toujours avec tes frères

et il nous semble seulement que tu n'es plus

ton cœur est toujours ici ta pensée ta prière

dans les faubourgs de Cracovie tu serres dans tes bras

ton peuple le peuple de Dieu assoiffé d'espoir

que tu nous as montré au bon moment

tout au long d'une semaine pleine de grâces et de merveilles

une semaine courte comme un éclair qui touche l'éternité

tu t'es donné à nous et à présent c'est à nous de donner

 

Cracovie, 23 juin 1983

 

 

 

Dans les Tatras

 

Le vieil homme regarde les montagnes

il est mais avec elles il n'est plus solitaire

il les appelle sans erreur et avec tendresse

elles étaient à Lui avant cette grande peine

qui ne Le quittera pas jusqu'au deuxième adieu

car le premier est déjà là mais il reviendra

de son regard d'amour il embrassera ces pics

qui ne Lui font pas mal bien qu'ils indiquent le ciel

il est loin un instant de la foule joyeuse

il sait combien sont en eux de souffrances quotidiennes

mais les montagnes à présent sont là — poteaux fidèles

de son ascension que personne en ce monde n'égalera

car ce faible vieillard

nous soulève là où même la plus haute cime ne touche

 

Birstonas 5 juillet 1997

 

 

 

 

MAREK SKWARNICKI

 

Requiem pour Jean Paul II

(fragment)

 

Le visage

 

Il y avait en lui une paisible joie

Parfois si paisible si grande.

Il y avait en lui une douce tristesse

Silencieuse et grande.

Parfois la colère le hantait

à la vue de Satan harcelant

les nations et les hommes

chasses aux brebis égarées

 

Alors il cessait de se taire.

 

Il exorcisait nos mauvais esprits.

 

Avec les années le masque de la maladie

Se figea sur son visage

 

Seuls ses yeux exprimaient encore des sentiments

Ils s'enflammaient s'éteignaient

 

C'est ainsi que je garderai

Ce visage béni.

 

 

 

 

 

 

 

 

KRZYSZTOF GASIOROWSKI

 

Cortège

 

Il est majestueux, extatique,

grandiose, paraît-il le plus grand

de toute l'histoire de l'humanité — ce cortège funèbre que je regarde,

 

il avance comme allant vers l'amont

 

l'accompagne la " Litanie de tous les Saints "

qui lui ouvre un chemin. Psaumes.

 

Sur un brancard on transporte la dépouille du pape

Jean Paul II vers son tombeau ;

 

toute sa vie, il se fraya un chemin vers Dieu,

puisse-t-il réussir et reposer en paix.

 

C'est incroyable. Je n'ai jamais rien vu

de tel. Et pourtant c'est encore du Néant

comparé à la Parousie,

 

que depuis des siècles attendent

tant de vivants tant de défunts.

 

Un cercueil dans la pupille de la place, comme une écharde.

Les foules en pleurs. Tant et tant d'yeux. Étendards.

 

Je ne prie pas, mais je ne me sens pas

exclu.

 

 

 

6 avril 2005

 

MARIAN DZWINEL

 

Épitaphe à Jean Paul le Grand

 

Dans le Livre de Choses Impossibles et cependant Réelles

une note surgit :

le génie de la sainteté

est passé par la Terre

(œuvre de l'Esprit

qui flat ubi vult)

 

Avec quelles paroles atteindre

Sa présence éphémère ?

 

Le frère Paradoxe

et la sœur Métaphore conseillent :

descends

sur les marches des mots

dans la profonde vallée

du silence

peut-être y verras-tu

comment l'impossible

devient réalité :

par l'énergie

de la Grâce

 

Poznan, nuit du 14 avril 2005

 

 

CLAUDE HENRY DU BORD

 

Parce que chacun est capable d'aimer, tout le monde est digne de l'être

 

Totus tuus

(à Jean Paul II)

 

 

 

Écrire sur un homme

est une étrange idée ;

elle est en lui impossible

à cerner — la part de mystère

insondable

comme le sont la Trinité, l'Incarnation.

 

Mais son regard parle pour lui

sa présence parfois délivre des réponses

où l'espérance est libérée

 

Pour peu qu'il soit berger

de brebis égarées

ou orfèvre privé d'outils d'or et de temps

arpenteur solitaire

d'improbables sommets

— son portrait son histoire échappent à nos paroles

 

Et il était berger, orfèvre et arpenteur

 

Il aima l'homme — et c'est tout dire ;

il l'aima non comme une idée

mais la cime de la Création,

le possible où Dieu s'aventure

où la Génèse est prolongée

quand le travail nous extasie

 

Libre à faire peur

— révolté, indécis — l'homme

c'est la pauvre mesure

où le divin est mesuré !

 

Il ne parla de rien d'autre

le pâtre toujours en éveil

crosse de paix dans la mêlée

il fut pour nous

— celui qui de nous se souciait

 

Totalement présent

(comme seuls le sont les justes)

en ce monde peuplé de troupeaux dispersés

— Présent comme Dieu l'est dans le Pain

 

Sa tâche l'a rompu

pour qu'au jour du Grand Partage

chacun soit la vivante miette

de l'Unique mie

 

Le vivant témoin de l'Unique ami

 

 

 

 

 

© Poèmes traduits par CLAUDE HENRY DU BORD et CHRISTOPHE JEZEWSKI