Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008
IL Y A UN DEMI-SIECLE l'encyclique Evangelium Vitæ (EV) aurait été impensable, tout simplement parce qu'elle aurait été inutile. Nos législations étaient imprégnées par l'interdit du meurtre. Et même si les atteintes à la vie s'étaient répandues de façon effroyable au fil des guerres, des génocides et, déjà, dans le secret des vies familiales, il n'était pas question de les décréter légales ou morales ni de les considérer comme des progrès des droits de l'homme.
Une " culture de vie " s'exprimait naturellement au travers de la législation et des pratiques, en particulier dans la pratique médicale. En quelques décennies, nous avons été confrontés à un effondrement de la notion d'inviolabilité de la vie humaine, effondrement qui s'est largement propagé et que nous pouvons maintenant observer dans la plupart des pays démocratiques. L'évolution des techniques médicales puis plus récemment des biotechnologies a troublé les repères traditionnels de la sexualité, de la vie, de la compréhension que nous pouvons avoir de l'homme lui-même. Et c'est paradoxalement au sein des familles " sanctuaires de la vie " (EV, n. 6), dans le corps des femmes " sentinelles de l'Invisible ", avec l'aide des soignants " gardiens et serviteurs de la vie " (n. 89) et avec l'aval des États défenseurs des droits des plus faibles (n. 101) que se sont perpétrés des millions de meurtres.
Alors, lorsque parut, le 25 mars 1995, la lettre encyclique Evangelium Vitæ, celle-ci a été reçue avec beaucoup de joie par de nombreux chrétiens et plus largement par des personnes de bonne volonté car, tout en dénonçant des injustices subies par les personnes les plus fragiles, elle apporte tous les éléments indispensables pour une juste compréhension des souffrances de notre temps autour des questions liées à la vie. L'Évangile de la Vie est un formidable signal d'espérance parce qu'Il proclame la bonne nouvelle de la vie.
Résultante d'une large consultation enrichie par les travaux du consistoire de 1991 et de nombreux experts, théologiens, anthropologues, médecins, laïcs ou clercs, l'encyclique veut être " une réaffirmation précise et ferme de la valeur de la vie humaine et de son inviolabilité, et, en même temps, un appel passionné adressé à tous et à chacun, au nom de Dieu : respecte, défends, aime et sers la vie, toute vie humaine ! " (n. 5).
Jean Paul II nous a exhortés à aimer et à servir la Vie
En partant des paroles de l'Écriture, Jean Paul II fait une vraie catéchèse pour nous rappeler les raisons d'aimer la vie : " L'homme est à l'image de Dieu ", " la fécondité est une bénédiction ", " Dieu appelle chacun par son nom, l'existence de tout individu, dès son origine, est dans le plan de Dieu " (n. 44), " le corps est le temple de l'Esprit ". Mais si la vie est précieuse, elle est aussi précaire. Cette précarité, le Christ lui-même l'a expérimentée dès le début par le refus d'un monde qui se montre hostile et qui cherche l'enfant " pour le tuer " ou qui reste indifférent pour le mystère de la Vie qui entre dans le monde : " Il n'y avait pas de place pour eux dans l'auberge " (Lc 2,7). Seul le Christ peut nous dire la vérité intégrale sur l'homme, lui qui " est la Vie " (id.).
Mais ces arguments spirituels ne sont pas proprement indispensables. En effet, des arguments philosophiques et politiques suffisent à justifier le respect inconditionnel de toute vie humaine. La nouveauté est que ce pape-là place les droits de l'homme au cœur de son magistère et qu'il nous demande de reconnaître comme " premier et fondamental entre tous, le droit inviolable à la vie de tout être humain innocent " (n. 71). Chacun a le droit fondamental de vivre dans une communauté qui respecte sa dignité et protège ses droits fondamentaux. Chaque transgression de ces droits fait basculer la société dans la barbarie. L'Évangile de la Vie affirme la dignité de l'homme, à toutes les étapes de son existence, particulièrement à celles où il est le plus vulnérable, dans les situations extrêmes. Il s'agit bien de limiter le pouvoir de l'homme sur l'homme, de refuser la loi du plus fort. Aucun homme ne peut s'attribuer le droit de dire quelles vies valent la peine d'être vécues, qui doit vivre et qui doit mourir. Une telle décision serait totalement arbitraire et d'autant plus dangereuse dans le contexte d'une culture scientifique qui dégénère en folie quand elle perd ses références éthiques.
Après sa mort, des commentateurs nous ont expliqué qu'il y avait eu deux Jean Paul II : un pape de l'ouverture qui aurait milité inlassablement pour la paix, la justice sociale et l'œcuménisme et un pape réactionnaire qui se serait opposé avec entêtement et contre son temps à l'avortement, à l'euthanasie et au préservatif. On peut concevoir que des journalistes, contaminés par une dialectique marxiste réductrice, aient quelques difficultés à analyser la pensée de Jean Paul II avec plus de justesse et de profondeur. Mais l'enseignement du Saint-Père et sa vie même ont, tout au contraire, témoigné d'une profonde unité. Jean Paul II nous a appris à mieux aimer la vie en nous permettant de réaliser l'unité profonde qu'il peut y avoir entre l'attitude du chrétien qui prend soin des pauvres et qui se dévoue au service de la charité et celle qui consiste à affirmer et défendre la dignité de toute personne en particulier de celles qui sont dans les situations de plus grande vulnérabilité. Défendre la vie humaine, affirmer la dignité de chacun, c'est indissociablement promouvoir la paix et la justice.
Chacun a été personnellement appelé à annoncer l'Évangile de la Vie
Nombreuses sont les personnes, aujourd'hui engagées dans l'annonce de l'Évangile de la Vie, qui ont été touchées par ses paroles : " Il est urgent de se livrer à une mobilisation générale des consciences et à un effort commun d'ordre éthique, pour mettre en œuvre une grande stratégie pour le service de la vie " (n. 95). Il s'agit bien d'une mobilisation générale, car nous assistons à une véritable guerre contre la vie humaine, une guerre des puissants contre les faibles. Alors, " il n'est permis à personne de rester à ne rien faire ".
Jean Paul II n'ignore bien évidemment pas le caractère particulièrement sensible et délicat de la problématique. Les réactions si douloureuses dans l'Église et hors de celle-ci à la publication par Paul VI de l'encyclique Humanæ Vitæ sont dans tous les esprits. Les débats et les critiques suscitées à la conférence du Caire ne sont pas encore éteints. Jean Paul II sait donc qu'il n'échappera pas aux critiques mais que son ministère l'oblige à proclamer sans crainte l'Évangile de la Vie. " Nous sommes envoyés : être au service de la vie n'est pas pour nous un motif d'orgueil mais un devoir né de la conscience d'être "le peuple que Dieu s'est acquis pour proclamer ses louanges" (cf. 1 P 2, 9) " (n. 79). Sa responsabilité de pasteur de l'Église, c'est aussi notre responsabilité ; ses difficultés sont aussi les nôtres. Il ne sous-estime pas la résistance que peut avoir le monde d'aujourd'hui à recevoir un message de respect inconditionnel de la vie humaine : " Nous ne devons pas craindre l'hostilité ou l'impopularité, refusant tout compromis et toute ambiguïté qui nous conformeraient à la mentalité de ce monde " (n. 82).
Si cette lettre encyclique de Jean Paul II a tant touché, c'est évidemment en raison du fond mais c'est aussi certainement l'engagement personnel du Saint-Père qui a été déterminant. En effet, Jean Paul II n'a pas cessé de répéter son message, à temps et à contretemps, chaque fois qu'une occasion se présentait. En France lors de son dernier voyage : " À vous tous, frères et sœurs, je lance un appel pressant pour que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour que la vie, toute vie, soit respectée depuis la conception jusqu'à son terme naturel. La vie est un don sacré, dont nul ne peut se faire le maître . "
Aux soignants, Jean Paul II demande de redécouvrir leur vocation
Jean Paul II a toujours été profondément préoccupé par la gravité des enjeux auxquels sont confrontés les soignants. En 1985, avec la Lettre apostolique Motu proprio Dolentium hominum, le Saint-Père institua le Conseil pontifical de la pastorale pour les services de la santé. Durant tout son pontificat, il témoignera d'une grande sollicitude envers les soignants qui sont souvent eux-même souffrants.
Les soignants sont les premiers " gardiens et des serviteurs de la vie humaine ". Ils expriment par leur sollicitude pour les personnes souffrantes une forme éminente de service de la vie. Toute leur action est sous-tendue par une dimension éthique, " dimension qui leur est intrinsèque et qu'on ne peut négliger, comme le reconnaissait déjà l'antique serment d'Hippocrate, toujours actuel, qui demande à tout médecin de s'engager à respecter absolument la vie humaine et son caractère sacré " (n. 89). Ils sont porteurs de l'Évangile de la Vie, c'est à dire d'une Bonne Nouvelle qui consiste à reconnaître le caractère sacré de toute vie humaine.
Les progrès de la science médicale mettent l'homme face à des questions nouvelles et Jean Paul II ne cessera de guider les soignants. Récemment, il nous a rappelé certaines exigences du soin comme refuser l'abandon du patient et soulager sa douleur. Il nous répète, à la suite de Pie XII, qu'il est " licite de supprimer la douleur au moyen de narcotiques " même au risque " d'amoindrir la conscience et d'abréger la vie " (n. 65). Il s'agit aussi de refuser ce que le grand public appelle acharnement thérapeutique. " Le renoncement à des moyens extraordinaires ou disproportionnés n'est pas équivalent au suicide ou à l'euthanasie ; il traduit plutôt l'acceptation de la condition humaine devant la mort " (n. 65).
Récemment, que ce soit en France à l'occasion de la loi sur la fin de vie ou aux USA avec l'affaire Terri Schiavo, la question de l'alimentation des malades en situation de grande précarité se pose avec beaucoup d'insistance. Dans un discours du 20 mars 2004 devant des médecins catholiques, Jean Paul II insiste : " L'homme ne deviendra jamais un "végétal" ou un "animal" "; " Nos frères et sœurs qui se trouvent dans un état clinique végétatif" conservent eux aussi intacte leur dignité humaine [...]; l'administration d'eau et de nourriture, même à travers des voies artificielles, représente toujours un moyen naturel de maintien de la vie, et non pas un acte médical. Son utilisation devra donc être considérée, en règle générale, comme ordinaire et proportionnée, et, en tant que telle, moralement obligatoire. "
Jean Paul II n'hésite pas à mettre les soignants face à leurs responsabilités. " La médecine elle-même, qui a pour vocation de défendre et de soigner la vie humaine, se prête toujours plus largement dans certains secteurs à la réalisation de ces actes contre la personne ; ce faisant, elle défigure son visage, se met en contradiction avec elle-même et blesse la dignité de ceux qui l'exercent " (n. 4).
Cette responsabilité est particulièrement lourde quand ils mettent " au service de la mort les compétences acquises pour promouvoir la vie " (n. 59). Face à ces enjeux, les soignants sont appelés à un grave devoir d'objection de conscience : " Refuser de participer à la perpétration d'une injustice est non seulement un devoir moral, mais aussi un droit humain " (n. 74). Il nous rappelle l'exemple des sages femmes Shiphra et Pua (Ex 1,15) qui refusèrent d'obéir au Pharaon qui leur demandait de tuer les fils des Hébreux. Ainsi, grâce à cette première objection de conscience, de nombreux nouveau-nés furent sauvés.
Quant aux chercheurs, ils ne sont pas exonérés de leurs responsabilités morales et doivent " toujours refuser des expérimentations, des recherches ou des applications qui, niant la dignité inviolable de l'être humain, cessent d'être au service des hommes et se transforment en réalités qui les oppriment tout en paraissant leur venir en aide " (n. 89).
Les hommes politiques sont vigoureusement invités à refuser la schizophrénie
Au prétexte que des lois ont été votées à l'issue d'un processus démocratique, certains prétendent qu'elles devraient s'imposer à tous. Sur ce point, Jean Paul II, en accord avec toute la tradition du magistère est parfaitement clair : " Le "droit" cesse d'en être un parce qu'il n'est plus fermement fondé sur la dignité inviolable de la personne mais qu'on le fait dépendre de la volonté du plus fort. Ainsi la démocratie, en dépit de ses principes, s'achemine vers un totalitarisme caractérisé " (n. 20). Et " nos cités risquent de devenir des sociétés d'exclus, de marginaux, de bannis et d'éliminés " (n. 18).
Alors " une norme qui viole le droit naturel d'un innocent à la vie est injuste et [...], comme telle, ne peut avoir force de loi " (n. 90) : non seulement une telle loi ne nous oblige pas mais plus encore il n'est " jamais licite de s'y conformer " (n. 73).
Pourtant, parmi les hommes politiques chrétiens, certains acceptent de voter des lois contraires à l'éthique catholique. Pour ce faire, ils prétendent se baser sur une " éthique de responsabilité " qu'ils dissocient injustement de ce qu'ils appellent leur " éthique de conviction ". Jean Paul II reconnaît que, en raison du mécanisme consensuel de la démocratie, " le sens de la responsabilité personnelle peut se trouver atténué dans la conscience des personnes qui ont une part d'autorité " (n. 90). Malgré cet aveuglement, l'homme politique ne peut " jamais abdiquer " (n. 90) sa responsabilité face à la défense de la vie.
Cette exigence ne signifie pas pour autant qu'il doive rester paralysé dans les situations où l'opportunité se présenterait de limiter des injustices. Bien au contraire, il est légitime de promouvoir des dispositions destinées à limiter les préjudices de lois injustes. C'est même un devoir (n. 73).
L'engagement politique ne se limite pas au rôle des élus. Beaucoup plus largement, il concerne tous ceux qui sont au service de la cité : élus, professionnels, bénévoles et responsables associatifs.
Sur le plan de la " militance " politique concrète, il faut noter le caractère contingent de certains choix sociaux, le fait que souvent diverses stratégies sont possibles pour réaliser ou garantir une même valeur fondamentale, la possibilité d'interpréter de manière différente certains principes qui sont à la base de la théorie politique, et aussi la complexité technique d'une bonne partie des problèmes politiques ; tout cela explique le fait qu'il puisse y avoir généralement une pluralité de partis à l'intérieur desquels les catholiques puissent choisir de militer, pour exercer [...] leur droit-devoir de participer à la construction de la vie civile de leur pays .
Il faut voir dans la multiplicité des associations et mouvements qui œuvrent au service de l'Évangile de la Vie une richesse plus qu'une division, une force plus qu'un affaiblissement. Il s'agit de rechercher, plutôt qu'une unité de façade qui serait stérilisante, une riche diversité.
Les communautés chrétiennes sont appelées à renouveler leur culture
L'accueil de l'encyclique du Saint-Père a été pour le moins mitigé dans l'Église elle-même et nous pouvons nous interroger " avec beaucoup de lucidité et de courage, sur la nature de la culture de la vie répandue aujourd'hui parmi les chrétiens, les familles, les groupes et les communautés de nos diocèses " (n. 95). C'est en effet à l'intérieur des communautés chrétiennes elles-mêmes qu'il faut " commencer par renouveler la culture de la vie " (n. 95).
Et ce n'est pas parce que cet engagement en faveur de la vie est impopulaire que nous pourrions nous en dispenser. Bien au contraire, " un engagement particulier doit concerner certains aspects de la radicalité évangélique, qui sont souvent les moins compris, au point de rendre impopulaire l'intervention de l'Église, mais qui ne sauraient pour autant être absents des rendez-vous ecclésiaux de la charité ".
Jean Paul II a témoigné du " vrai sens de la souffrance et de la mort "
En 1984, Jean Paul II publie la lettre apostolique Salvifici doloris dans laquelle il développe la question du sens de la souffrance. Dix ans plus tard, avec Evangelium Vitæ, Jean Paul II revient sur ce thème, même si son approche est bien différente. Evangelium Vitæ est, d'une certaine façon, une encyclique sur la souffrance, car elle dénonce la " culture de mort " ; or celle-ci est comme une fausse réponse, une réponse injuste à la problématique de la souffrance : l'euthanasie comme réponse à la souffrance du malade en fin de vie ; l'avortement thérapeutique comme réponse à la souffrance des parents et à la souffrance supposée de celui qui pourrait naître ; la destruction de l'être humain à l'état embryonnaire au prétexte de soulager la souffrance de grands malades ; l'avortement comme réponse à la détresse d'une mère ; des pratiques malthusiennes pour lutter contre la pauvreté dans les pays peu développés. Toutes ces attitudes face au scandale de la souffrance témoignent d'une véritable " perversion de la pitié " (n. 67). C'est la vraie " compassion " qui rend solidaire de la souffrance d'autrui et met tout en œuvre pour l'aider dans sa détresse : elle ne supprime pas celui dont on ne peut supporter la souffrance, elle se refuse à tuer un être humain au prétexte qu'il est cause de la souffrance d'un autre.
Nous sommes baignés dans une " culture ambiante qui ne reconnaît dans la souffrance aucune signification ni aucune valeur, la considérant au contraire comme le mal par excellence à éliminer à tout prix " (n. 15) et donc au prix de la vie. La raison en est fondamentalement spirituelle : " Cela se rencontre spécialement dans les cas où aucun point de vue religieux ne peut aider à déchiffrer positivement le mystère de la souffrance " (n. 15).
Alors si la question du sens de la souffrance est aussi essentielle, il nous faut en tirer des conséquences pratiques : comment permettre à nos contemporains de mieux le comprendre ? La première responsabilité revient aux parents " d'enseigner à leurs enfants le vrai sens de la souffrance et de la mort, et d'en témoigner auprès d'eux " (n. 92). Cet enjeu n'est pas hors de leur portée : " Ils le pourront s'ils savent être attentifs à toutes les souffrances qu'ils rencontrent autour d'eux et, avant tout, s'ils savent, dans leur milieu familial, se montrer concrètement proches des malades et des personnes âgées, les assister et partager avec eux " (n. 92).
Jean Paul II lui-même, tout au long de son apostolat, nous a montré très concrètement " le vrai sens de la souffrance et de la mort ", d'abord par sa grande sollicitude pour les personnes souffrantes — on se souvient en particulier de toute l'attention qu'il a porté aux personnes souffrant d'un handicap et à celles qui les aident — puis à la fin de sa vie dans son attitude face à sa propre maladie et à la mort.
Jean Paul II, pape de la compassion et de la miséricorde
Finalement, Jean Paul II nous montre le chemin à emprunter : " Le soutien et la promotion de la vie humaine doivent se faire par le service de la charité " (n. 87). Au paragraphe 99, le Saint-Père s'adresse aux femmes qui ont eu recours à l'avortement. Il nous donne, par ce message très personnel, ce qui peut constituer un véritable programme d'action dans la charité au service de la vie.
Dans cette rencontre avec des femmes blessées par l'avortement, il s'agit d'abord de reconnaître " combien de conditionnements ont pu peser sur votre décision " (n. 99). Beaucoup d'entre elles décrivent un processus dans lequel elles n'ont guère de liberté, tant les acteurs sont nombreux qui vont systématiquement les pousser à l'avortement sans leur laisser d'alternative. Jean Paul II utilise, pour décrire ces mécanismes, le concept de " structures de péché " (n. 59).
Il est nécessaire d'accueillir la souffrance de ces personnes, car " dans bien des cas, cette décision a été douloureuse, et même dramatique. Il est probable que la blessure de votre âme n'est pas encore refermée " (n. 99). C'est d'autant plus nécessaire que cette souffrance est aujourd'hui largement niée. Ces paroles en vérité vont permettre de constater qu'" en réalité, ce qui s'est produit a été et demeure profondément injuste " (n. 99). Alors, Jean Paul II se fait l'apôtre de la miséricorde :
Ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l'espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s'est passé et interprétez-le en vérité. Si vous ne l'avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir : le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation. Vous vous rendrez compte que rien n'est perdu et vous pourrez aussi demander pardon à votre enfant qui vit désormais dans le Seigneur (n. 99).
Jean Paul II, mort en la fête de la Divine Miséricorde qu'il a instaurée en suivant le message de sainte Faustine a vraiment été le pape de la miséricorde .
Enfin, le Pape appelle les personnes souffrantes à être les témoins de demain :
Vous pourrez faire partie des défenseurs les plus convaincants du droit de tous à la vie par votre témoignage douloureux. Dans votre engagement pour la vie, éventuellement couronné par la naissance de nouvelles créatures et exercé par l'accueil et l'attention envers ceux qui ont le plus besoin d'une présence chaleureuse, vous travaillerez à instaurer une nouvelle manière de considérer la vie de l'homme (n. 99).
C'est vraiment dans cet état d'esprit que des personnes s'engagent, en particulier à l'Alliance pour les droits de la Vie (ADV ), en vue de développer mais aussi de renouveler en profondeur l'annonce de l'Évangile de la Vie. Et nous remarquons de plus en plus que les personnes qui se savent fragiles et vulnérables dans leur façon d'accueillir et de respecter la vie — notamment celles qui ont dans leur histoire personnelle commis ou subis des " actes de mort " — se sentent appelées à annoncer la vie.
L'Évangile de la Vie : un axe majeur de la nouvelle évangélisation
Alors, on l'aura compris, il s'agit effectivement d'agir. Et aucun chrétien ne peut se satisfaire de l'engagement des autres. Mais cette mobilisation de chacun a pour objectif prioritaire une action en profondeur, une action pour changer les cœurs, une évangélisation. Et ce retournement doit commencer par nous-mêmes : comment témoigner de l'Évangile de la Vie si nous ne l'avons pas accueilli en profondeur, dans notre vie personnelle et dans nos engagements, en vérité et en charité ?
La nécessité de cet appel passionné ne résulte pas d'un enjeu idéologique, politique ou stratégique mais plutôt d'une exigence vitale pour tout homme. L'Évangile de la Vie est vraiment une bonne nouvelle, joyeuse, naturelle et lumineuse, qui nous libère : " Respecte, défends, aime et sers la vie, toute vie humaine ! C'est seulement sur cette voie que tu trouveras la justice, le développement, la liberté véritable, la paix et le bonheur ! " (n. 5).
X. M.