Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008
QUE CACHE LE VOILE ? Que cache ce masque religieux qui brusquement aurait envahi nos écoles et nos hôpitaux au point de provoquer le courroux de la République et la nécessité d'une loi ? Comment est il possible qu'on en soit arrivé là ? La peur sans doute, une véritable panique, l'absence de culture nécessaire à la compréhension des évènements, un dogmatisme qui devient totalitaire, l'incapacité de se projeter dans les années futures et… la haine de soi, mortifère et suicidaire.
Le fait déclencheur est connu : des jeunes filles de banlieue, par provocation ou par conviction, manipulées ou récupérées, portent le voile comme l'affirmation de leurs convictions ou (et) comme un étendard de révolte.
Prétextes et confusion
Certaines sectes laïques ont trouvé là un prétexte pour accélérer leurs offensives contre l'Église, pour d'autres — notamment dans les officines ayant leurs relais au plus haut niveau de l'État ou des médias — le foulard servira de prétexte pour dénoncer dans un immense amalgame toutes les traditions religieuses. C'est le fait religieux qui gêne et non pas seulement la forme radicale de l'islam.
L'entretien dans l'opinion du public d'une confusion est volontaire. Il y a pourtant une distinction de poids.
Les traditions qui appellent à la miséricorde, rappellent l'égalité intrinsèque de tout homme, quelque soit sa race, son sexe, sa religion, son âge, son état mental ou physique, son statut social ou sa situation financière ; celles qui rappellent le pardon et l'humilité comme les fondements de la progression de l'intelligence et de la connaissance de Dieu ; celles qui ont fait de la distinction des pouvoirs le socle de toute harmonie sociale, " rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu " ; celles qui donnent comme exemple Mère Térésa, à la suite de plusieurs milliers d'autres saints qui ont tous en commun d'être des hommes et des femmes de paix, de réconciliation, de charité sans calcul, d'humilité et d'obéissance dans la douceur.
On veut traiter celles-ci, comme si elles étaient de même essence que d'autres traditions où se prêchent l'inégalité des sexes, la supériorité du croyant sur l'incroyant, la confusion du pouvoir religieux avec celui du temporel. Celles où, dans leur expression la plus radicale, se fomente l'assassinat des innocents par des bombes humaines fanatisées ; bref celles où mûrit la guerre sainte. Guerre sainte qu'aucune autorité religieuse des confessions concernées condamne explicitement comme contraire à leur foi.
Il faut le constater : on se sert des outrances et des dérives d'une tradition religieuse pour exacerber les passions antireligieuses et principalement contre l'Église catholique. Mgr Henri Brincard, évêque du Puy-en-Velay, l'a clairement signalé : " Si les principales conclusions du rapport Stasi devaient être entérinées par l'autorité législative de notre pays, une nouvelle étape serait franchie, celle d'une progressive mise hors-la-loi de la tradition chrétienne qui contribue aujourd'hui, comme elle l'a fait, au cours des siècles écoulés, à la vraie grandeur de la France . " Pour faire avaler cette pilule anticléricale, on livre à la réflexion du public une philosophie de bazar, instruite par l'appareil même de l'État. Les effets sont pervers et odieux. On exhume les cadavres de la suspicion avec son cortège d'intolérances, livrant le for interne de chacun au jugement de tous, sous le prétexte des apparences. C'est un brutal retour à l'obscurantisme des années 1900 dont on croyait être débarrassé.
A-t-on songé aux effets de ce laïcisme obligatoire sur les musulmans modérés ou peu pratiquants , terrorisés par des fanatiques impunis ? Ils basculeront par esprit de corps en faveur de ceux qui invoquent Dieu. Un dieu violent, sanguinaire et vengeur mais qui reste Dieu quand même.
On blesse au plus intime de l'être, c'est-à-dire au sentiment religieux, en globalisant la condamnation du religieux et ses formes publiques, en voulant faire de la France une " Mecque laïque " par voie autoritaire. Si on avait voulu créer les conditions de provocation, d'affrontement, de tribalisation antagoniste, on ne s'y serait pas pris plus bêtement. Mais les radicaux se nourrissent des situations d'affrontement. Car enfin, si de Gaulle disait qu'une politique se juge à ses résultats, une religion se juge à ses fruits. Et ceux-ci n'ont pas le même goût d'une tradition à l'autre. La méconnaissance abyssale du fait religieux, la superficialité de l'analyse, la démagogie et — il ne faut pas avoir peur de le dire — une grande lâcheté aboutiront à des effets contraires aux aspirations de paix. Ces attitudes encouragent les idéologues et les fanatiques à jouer entre eux une course de vitesse en se nourrissant de leur dialectique et de leurs " martyrs ".
La première observation à faire est celle-ci : tous les grands empires totalitaires du XXe siècle étaient athées. En avoir conscience est déjà un élément constructif à la réflexion. Les empires marxistes et nationaux-socialistes exigeaient que le seul culte public fût réservé à " l'empereur ". Désormais, la suprématie religieuse sera exercée par la religion de la République où César se fait dieu, où l'État est dieu. Ne devront survivre que les religions qui accepteront cette primauté du dogme laïque sur les consciences et sur leur pratique. On se souvient du statut de dhimitude ou de servilité accordé à l'Église orthodoxe sous l'Empire soviétique ; c'est le cas toujours d'actualité pour l'église patriotique en Chine populaire. Quiconque refuse ce principat est condamné. Témoin en est, alors que nous célébrons l'Année de la Chine, le sort réservé à cette jeune femme de 33 ans, Zong Hongmei, exécutée par la police de Shandong le 30 octobre dernier pour " activités religieuses illégales ".
À partir du moment où l'on accepte de reconnaître l'autorité spirituelle et publique de la race, du peuple, sur la conscience et l'expression publique de cette conscience, le droit de vivre n'est plus que concédé. Cela réduit la tolérance à une lucarne sourcilleusement surveillée.
Deuxième observation, la dérive sémantique. Des mots communs qui définissent des états deviennent dans le langage populaire des adjectifs qualificatifs moraux. Aujourd'hui ils ont une dimension religieuse.
" Être citoyen " n'est plus le fait d'être membre d'une cité dont l'extension donne un statut par rapport à une patrie ; " républicain " ne veut plus dire adhérer à un mode de transmission du pouvoir autrement que par l'hérédité ; ce sont aujourd'hui ces définitions morales qui qualifient la vertu d'un homme et lui confèrent le droit d'être écouté. Celui qui ne l'est pas sera ostracisé, mis en dhimitude, désigné à la vindicte ou au ridicule, interdit aux charges politiques, médiatiques et bientôt économiques. Il est sacrifié à la divinité de la République.
César-dieu. La République depuis une dizaine d'année s'érige en religion. Elle refuse toute concurrence sur ce terrain. César est maître de tout. Ce qui appartient à César, appartient à César et ce qui est à Dieu appartient à César, aussi. Maître de la vie comme de la mort des hommes, maître du for externe comme du for interne, de la vie publique comme de la vie privée par l'intrusion de la loi, la République exige qu'on rende à elle seule le culte public. Jamais la législation ne s'est autant activée sur des questions qui, jusqu'à peu étaient du ressort de la conscience personnelle ou du magistère de l'Église. Celle-ci n'ayant d'autre argument que celui de son autorité morale. Elle n'a pas de police religieuse.
Dieu-César. Mais voilà qu'une force brutale, frustre, convaincue d'elle-même, s'oppose à l'adoration de l'empereur. Cela, de façon massive, spectaculaire, avec une arrogance méprisante, sûre de sa puissance. Allah akbar, Dieu est grand ! Ce qui est à Dieu est à Dieu, ce qui est à César est aussi à Dieu ! Le premier moment de stupeur passé, la première réaction est celle de la démagogie et de la couardise. La force fait peur. Ébranlé sans doute par les foules du 22 avril 2003, le président de la République française déclamera même une contre-vérité stupéfiante : l'Europe se serait autant faite avec l'islam qu'avec le christianisme !
L'incontournable fait chrétien
On nie de façon publique ce qui fait l'existence même de notre civilisation. Tous les hommes d'état , 99 % des ministres portent les noms des saints de l'Église. Le chef de l'État lui même, porte le nom d'un des apôtres les plus célèbres qui a donné le nom à l'une des villes les plus prestigieuses du monde européen. L'état-civil occidental déroule aujourd'hui encore et massivement la litanie des saints. Près d'un tiers de nos villes (et 4000 communes), des rues, des boulevards de notre capitale, portent des noms des héros de l'Église ; dans les trente-six mille communes de France, le point central et le plus haut, est depuis toujours l'Église. Et il en est ainsi dans toute l'Europe occidentale et orientale.
Dans les préambules constitutionnels, dans les serments constitutionnels, dans les statuts constitutionnels des religions, dans les relations constitutionnelles avec les religions, sur 25 États européens, 23 font référence au Dieu des chrétiens y compris dans notre sanctuaire national, laïque-fondamentaliste ! En effet, notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, conservée dans le droit positif de la Ve république, proclame ces droits " en présence et sous les auspices de l'Être suprême ". Ce terme emprunté à Bossuet et aux théologiens du XVIIe et du XVIIIe siècle définissait ainsi le Dieu catholique. Que Robespierre ait pu le reprendre à son usage, soit ! mais c'est après que la définition séculaire ait été inscrite dans les tables de notre déclaration .
Il faudrait des années pour décrire la fécondité extraordinaire des œuvres d'Église sur notre sol. Citons pêle-mêle… notre législation sociale, sur la protection des mineurs, le travail des femmes, le repos hebdomadaire pour les salariés, sur les caisses mutuelles pour assurer la protection des ouvriers malades et de leurs familles est le fruit des législateurs chrétiens, de Mgr Freppel, Duval Arnoud, Albert de Mun, La Tour du Pin, etc.
La parité légale du statut de la femme qui avait régressé sous la Révolution et l'Empire la réduisant à la minorité légale, n'a été possible qu'à l'initiative d'un grand chrétien, Robert Schuman et du général de Gaulle en 1946.
La littérature, le patrimoine architectural, musical, pictural sont essentiellement inspirés de la vie glorieuse et dramatique de l'Église, de la vie des saints, de l'Évangile ou de la Bible.
Le drapeau même de l'Europe voulue par ses fondateurs, Schuman, de Gasperi, Adenauer a emprunté sa couleur et les douze étoiles à la couronne de la Vierge Marie. La réconciliation entre les deux peuples français et allemand si fortement signifiée par les deux chefs d'État, de Gaulle et Adenauer se tenant par la main, s'est faite dans le plus haut lieu de notre communauté de civilisation et de notre histoire commune, la millénaire cathédrale de Reims.
L'audace de l'Église accueillant pour la première fois à l'université catholique la première jeune fille à faire des études de médecine est exemplaire de la voie qu'elle traçait contre les timidités de la bourgeoisie positiviste et passablement machiste de la fin du XIXe siècle.
Et ainsi autant qu'on remonte dans l'histoire, on s'aperçoit que la matrice économique, culturelle, intellectuelle et morale est chrétienne. La préoccupation de la formation des enfants a été à la seule initiative des ordres religieux. Tout le monde se souvient des créations des communautés engagées à la scolarisation des plus pauvres, les frères Quatre-bras, les frères de St-Gabriel, les frères des Écoles chrétiennes pour n'en citer que trois… parmi plusieurs centaines. L'initiative de l'action auprès des plus pauvres, des malades, des mourants, des travailleurs les plus abandonnés est le fait de saints héroïques et d'institutions religieuses. Les citer réclameraient des livres ! La création des " Hôtels-Dieu ", le fameux Quinze-vingt, en rappellent l'ancestrale origine.
Toutes les grandes universités sont nées des institutions religieuses. La plus célèbre et la plus ancienne d'entre elles est la Sorbonne fondée par celui qui lui donna son nom, l'abbé Guy de Sorbon, compagnon de saint Louis. En écrivant ceci, je résume au millième l'extraordinaire fécondité du christianisme passée et actuelle. Sœur Emmanuelle, l'abbé Pierre, Mère Térésa pour l'actualité médiatique en sont les preuves actuelles. Pour quiconque voyage dans le monde, l'accompagnement efficace et miséricordieux est le fait d'innombrables religieux et religieuses.
Prétendre que la France doit autant à l'Islam qu'à l'Église est une prétention absurde. Passe encore pour l'Espagne philosophique avec Averroès ou pour évoquer l'architecture de Cordoue. Cela n'est pas offenser les musulmans que d'affirmer que l'islam n'a jamais eu dans le passé un rôle dans l'élaboration de la civilisation française et même européenne. Affirmer le contraire est un non sens historique et intellectuel.
Face aux intégrismes
Face à la remontée des intégrismes religieux et laïques — qui se nourrissent l'un de l'autre — il faut reconnaître que la laïcité est née de la civilisation chrétienne. D'abord parce que le terme même de " laïc " appartient au vocabulaire de l'Église. Poussant plus loin encore la cohérence de notre civilisation, le chrétien, dit Chantal Delsol, débat avec son Dieu. Il est debout. La liberté de s'opposer à son Dieu comme l'illustre de façon exemplaire le combat de Jacob, est impossible et insoutenable dans toutes les religions et blasphématoire pour l'islam.
Dans toutes les religiosités de type sectaire, on subit le sort prédéfini par les auspices, les oracles ou les astres. L'astrologie est un extraordinaire retour aux angoisses superstitieuses.
Dans l'islam, on est soumis à la toute puissance de Dieu. Musulman veut dire " soumis ".
La laïcité, définit très justement encore Chantal Delsol, suppose la liberté de l'homme par rapport à son Dieu qui l'a voulu ainsi. L'homme passe contrat, dénonce, se révolte ou fait alliance, dit elle. Dieu réclame de sa créature " faite à son image " un amour libre, une volonté souveraine. L'éminente dignité de l'homme sans cesse rappelé par Jean Paul II passe par la redoutable liberté conférée par son Créateur. Dieu ne veut pas être aimé pour sa puissance mais pour son amour. La liberté en étant la condition.
Cette articulation de l'amour et de la liberté explique que depuis les origines du monde chrétien, l'État et le gouvernement des hommes ont toujours été distincts de la légitimité religieuse. Il n'a jamais été confondu. C'est la raison pour laquelle il n'y a jamais eu de théocratie chrétienne, malgré les tentatives de Savonarole ou de Calvin avec leurs expériences théocratiques payée au prix fort par les populations.
Napoléon lui même, rêva d'une Église disposant des consciences à son service. On se souvient de l'entrevue dramatique entre l'Empereur et Pie VII. Scène spectaculaire. D'un seul mot, le pontife refusa l'offre de partage des pouvoirs, développée avec passion pendant deux heures trente : " Nous dirigerons le monde, vous et moi. Moi par les armées et par la force des lois qui régénéreront l'humanité, et vous par l'autorité morale et la force de Dieu que vous représentez.
— Comediante ! fut l'unique réponse. Radicale. S'en suivit la crise hystérique que l'on imagine. Le despote brise des vases, menace le Pape, brandit le poing qui d'un seul geste peut le faire disparaître, rugissant, écumant, terrible.
Avec des yeux bienveillants le pontife conclut d'un deuxième et dernier mot :
— Tragediante ! " et quitte la pièce.
Le jeune Vigny, caché derrière un rideau, suffoquant d'effroi, relate la scène dans Grandeurs et Servitudes militaires.
Presque mourant, exténué, prisonnier, après deux heures trente de plaidoiries passionnées, le vieux pape met le maître du monde K.O. en deux mots. Depuis deux millénaires, il n'y a aucune ambiguïté entre le domaine de César et celui de Dieu !
" Le pape, combien de divisions ? " Il n'en n'a pas besoin. De Staline et de ses œuvres, il ne reste rien. L'Église est toujours là.
On oublie la position souvent incomprise de Pie XI, refusant au positiviste Maurras, disciple d'Auguste Comte, le droit de considérer l'Église comme l'armature intellectuelle et morale au service d'un État monarchique. A contrario on se souvient de saint Louis ne reculant pas devant la menace d'excommunication brandi par Innocent IV, lorsque, pour la sécurité et la paix de la chrétienté, il avait fait alliance avec l'excommunié (deux fois) Frédéric II de Hauhenstofen, " l'antéchrist ". Distinction des pouvoirs : le saint roi avait refusé au pape le pouvoir d'empiéter le domaine régalien.
Mortelle confusion
Or désormais, nous sommes exactement dans la situation inverse : l'État veut définir les frontières du religieux et ses frontières. Cette confusion est terrible. L'État est enfermé dans une contradiction mortelle : ni l'islam, ni la laïcité totalitaire n'admettent la distinction des pouvoirs, ni la visibilité d'un fait civilisationnel. Combes a les mêmes structures mentales que Khomeiny. L'hystérie anticléricale des années 1900 n'évita le sang qu'en raison de la menace croissante de l'Allemagne : le lourd héritage chrétien qui préfère la négociation à l'affrontement fit le reste.
Mais la tentation totalitaire a toujours de bonnes raisons, qui reviennent quand ses bases tremblent : elle se refuse au partage. Chassé l'héritage chrétien, les " mythes " fondateurs reviennent. Avant de se jeter mutuellement à la gorge, les fanatismes font alliance. Le bouc émissaire est désigné : l'innocent, celui dont la doctrine même consacre le faible, et d'entrée de jeu pardonne à son bourreau, l'Église, au nom d'une loi universelle, l'amour métapolitique. " Tout le monde peut être bouc émissaire sauf moi " prétend la République qui se considère seule persona sacra, au bon plaisir tutélaire. Ses thuriféraires accusent : comment l'Église peut-elle s'affranchir sans devenir porteuse d'intolérance ?
Traiter le problème
L'univers du mythe est un univers d'accusation, mais l'accusation a du plomb dans l'aile. Comment la laïcité pourra-t-elle survivre en voulant tuer ce qui lui a permis d'exister ? Qui adhère spontanément à la laïcité ? La laïcité est incompréhensible pour la jeunesse des banlieues. Ce qui explique l'angoisse des positivistes au pouvoir, tétanisés par le religieux.
Traitons le problème là où il est. Il s'agit du foulard. Traitons le problème du foulard. Traitons-le, circonvenu à lui même, avec intelligence et dans sa dimension sociale et comme fait de civilisation. Le problème de foulard ne concerne pas l'Église catholique mais des jeunes musulmanes dont les communautés dictent les attitudes. C'est à l'État de définir si le voile exprime l'appartenance à une société où la femme est inférieure et subordonnée à l'homme. Le foulard est-il un déni à la civilisation européenne ?
Doit on rappeler que l'Église engagée contre le paganisme romain, a défendu que la femme était égale en dignité et en droit à l'homme. Principe toujours en vigueur sous l'Ancien Régime où la femme pouvait tester librement et garder pleine propriété de son douaire. Civilisation où le pouvoir suprême lui était accessible, se souvenir du gouvernement de Blanche de Castille, de Catherine de Médicis, de Marie-Thérèse d'Autriche. Il faudra attendre le retour des chrétiens en politique (1946) pour retrouver le principe d'égalité, mais quand l'État sera-t-il à nouveau confié à une femme ?
L'absence du port du voile provoque-t-il des brimades ? Si oui, il importe de les sanctionner. Accepte-t-on la polygamie, la répudiation ? Notre droit exprimant les mœurs d'une civilisation chrétienne l'interdit. Appliquons-le. La République a pris l'initiative de créer un clergé musulman. Elle l'espérait docile. Il s'est constitué comme élément radical. À peine sorti des fonts baptismaux républicains, les mollahs contestaient la prétention de l'État à lui définir des règles. Ce n'est pas un coup de menton qui de toute façon sera suivi d'une pantalonnade aux premiers incidents d'ampleur, qui mettra un terme aux provocations, demain de plus en plus violentes.
Amalgamer le fait religieux constitutif d'une société et d'une civilisation avec un phénomène religieux récent et hétérogène constitue une trahison morale et intellectuelle. Quelles intentions plus perverses cachent cette manœuvre ?
Apostasier publiquement devant des masses de jeunes profondément religieux même si leur attachement à l'islam est confus et relatif, nier officiellement la civilisation à laquelle nous appartenons par idéologie ou par démagogie est certainement le moyen le plus sûr de les rejeter dans les intégrismes les plus radicaux. Les intégrismes ne peuvent se nourrir que des intégrismes. La laïcité est sujet au même obscurantisme. Nous sommes très loin d'une neutralité bienveillante mais dans un parti-pris qui voile la civilisation comme les mollahs voilent leurs femmes contre la République.
Y. M.