Torture: les limites de la contrainte
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008

IL N'Y A GUERE D'EPOQUES où l'opinion n'ait été agitée par la question de la torture ; elle apparaît comme capable en dernier ressort d'écarter un danger ou une menace dont on ne voit pas comment se protéger ; certains régimes, comme le nazisme et le communisme, y ont eu recours sans le moindre scrupule pour asseoir leur autorité et éliminer les opposants.

S'il est aisé de rejeter en doctrine ces solutions extrêmes, il devient beaucoup plus difficile de trancher entre la contrainte licite et celle illicite, appelée torture, envers des individus reconnus coupables ou impliqués dans des actions mettant en jeu la vie des innocents. Le XXe siècle nous laisse aux prises avec ce problème car la torture y est devenue dans de nombreux cas un moyen de gouvernement et pas seulement de répression d'activités jugées dangereuses pour l'ensemble de la société.

La tradition occidentale a toujours oscillé entre deux pôles ; l'un constitué par le refus du recours à la violence ; l'autre par l'acceptation de la violence dans certaines circonstances et en conformité avec des exigences morales. La théorie de la guerre juste est un exemple de cette situation. Si elle juge répugnantes certaines formes de violence, elle n'en admet pas moins qu'il soit licite d'y recourir. L'enseignement de l'Église affirme à la fois ces deux points de vues. Comme le disait Pie XII au Congrès de droit pénal international : " Il n'existe aucun droit, aucune obligation, aucune permission d'accomplir un acte en soi immoral, même s'il est commandé, même si le refus d'agir entraîne les pires dommages personnels " mais, en même temps, il affirmait qu'on ne pouvait laisser les mains libres aux " criminels sans conscience " et aux " malfaiteurs internationaux " . Pie XI avait exprimé une idée semblable dans son encyclique Mit brennender Sorge lorsqu'il affirmait qu'on ne pouvait rester sans réagir devant des actions qui sapaient les fondements mêmes de la société ; il se refusait même à condamner tout type d'insurrection dans son encyclique aux catholiques mexicains Nos es muy conocido estimant que le devoir d'obéissance aux pouvoirs établis cesse lorsque celui-ci détruit en profondeur les conditions d'accès d'un peuple au bien commun .

La question de la torture vient s'insérer dans ce contexte de lutte à mort qui vient à s'instaurer entre un gouvernement et une population ; la question est de savoir quelle est la violence légitime à laquelle les uns et les autres peuvent recourir sans enfreindre cette norme du respect des " exigences d'humanité " propres aux nations civilisées ? La réponse à cette question n'est pas aisée et l'on connaît l'affirmation de Camus, philosophe humaniste, s'estimant en devoir de protéger sa mère par tous les moyens. La torture se situe en effet aux confins de la morale ou plus exactement à la rencontre de diverses exigences que le révolutionnaire ou le contre-révolutionnaire qui veut rester un " homme moral " doivent concilier dans le recours à la violence en vue d'une fin légitime. Déjà saint Ambroise avait vu cette conflictualité qui atteint la conscience de tout individu face à la violence. Il remarquait, dans son De Officiis , que l'individu voulant agir moralement pouvait se trouver devant des impératifs contraires : ou bien, témoin d'une injuste agression, il portait secours à la victime mais manquait au précepte de non violence contenu dans l'Évangile ou bien il s'en abstenait et, alors, ne respectait pas l'obligation de charité qui lui faisait devoir d'aider celui qui était dans une situation difficile s'il en avait les moyens.

Tel est le problème que ces quelques pages voudraient éclairer à propos de la torture : qu'entendre par torture et à partir de quel moment la contrainte qu'elle constitue devient-elle illégitime ? quelles considérations doivent guider celui qui prend la décision de recourir à des pressions violentes sur un individu ? quelle doit être l'attitude de celui qui exécute l'ordre qui lui est donné ? Voici quelques une des considérations que cette réflexion d'ordre général tentera d'éclairer ; on se demandera également comment les diverses sociétés nationales et internationales pourraient instituer un cadre juridique qui permette d'éduquer les consciences à respecter les " exigences d'humanité " en ce domaine.

 

Qu'entendre par torture ?

Tous les gouvernements disposent de lois pénales qui répriment les mauvais traitements qu'un individu inflige à un autre ; de telles actions sont cataloguées en crimes et délits de droit commun ; elles visent à policer les relations entre les membres d'une société afin qu'elles se déroulent dans une atmosphère de confiance et de paix. La torture dont il est question ici n'est pas le fait d'un individu contre un autre individu, considéré comme portant atteinte à la paix publique par des agissements condamnés par la loi ; elle est celle pratiquée par les autorités publiques à l'égard de ceux même auxquels elles ont mission d'assurer paix et protection ; elle est " l'un des rouages d'une machine contrôlée par l'État et destinée à éliminer la dissidence ". Elle a pour but de réduire par la force ceux qui s'opposent à l'action du pouvoir ; elle est employée d'une manière systématique par les services de l'État en vue de renforcer la politique de ce dernier ; elle s'exerce au moyen d'une contrainte qui peut aller jusqu'à annihiler la personnalité de l'opposant en paralysant sa volonté profonde ; elle peut aussi bien viser les contestataires politiques que religieux ou se réclamant d'une idéologie.

Les remarques ci-dessus font ressortir l'essence de la torture ; le tortionnaire ne voit pas dans ce qui est communément considéré comme le fondement des droits de l'homme un rempart devant lequel il doit s'arrêter ; il ne tient pas pour absolue la défense édictée par l'ONU au sortir de la Deuxième Guerre mondiale : " Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants " (art. 5). Il faut bien constater qu'une telle affirmation, quelque claire et catégorique qu'elle soit, n'a pas réussi à faire disparaître ce phénomène et plusieurs documents sont revenus sur cette question ; entre autres, une convention de 1980 sur l'usage d'armes pouvant produire des dommages excessifs ou indiscriminés (1980) et, avant tout, la convention de 1984 " contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ". Ce dernier document contient dans son article 1 une définition de la torture considérée comme " tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle, ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit ".

Le texte qui vient d'être cité est apparemment très clair ; il ne résout pas cependant les questions qui se posent dans la pratique pour ceux qui sont chargés de maintenir l'ordre. Il permet certes de saisir ce qui constitue l'aspect interne de la torture à savoir la destruction de la personnalité de la victime qui en vient à se dégoûter d'elle-même au point parfois d'être conduite au suicide plusieurs années après les événements ; mais il ne distingue pas vraiment les moyens violents auxquels il peut être fait recours pour faire pression sur un individu physiques (station debout prolongée, privation de sommeil et de nourriture, étouffement, traitements électriques...), bio-psychologiques (traitements psychiatriques, usage de pharmacologie...), d'ordre moral (menaces sur les proches, abus de toutes sortes dans le milieu carcéral...) ; autant de moyens qui permettent d'atteindre, directement ou indirectement, un individu dans son intégrité physique, psychique ou relationnelle et ne contient aucune indication sur l'éventualité de leur emploi légitime. Or la finalité qu'on se propose influe sur le jugement moral. En effet on ne peut exclure que des sanctions puissent être infligées légitimement. De ce fait, il est nécessaire de réfléchir sur la valeur des raisons qu'on apporte à l'exercice des pressions exercées sur un individu. Il y a là un domaine où règne l'ambiguïté car apparaît la possibilité de légitimer la torture, aux yeux de certains, pour des raison morales ou idéales ; elle est alors présentée comme un service rendu à la société et une défense légitime contre l'agresseur d'une nation. Il n'en reste pas moins que ces raisons ne sont pas convaincantes et que le recours à la torture suscite une réprobation dans l'opinion. Nous nous trouvons ici devant un défi moral adressé aux sociétés démocratiques qui ne peuvent se priver d'user de la contrainte dans certaines circonstances mais doivent disposer d'institutions qui encadrent son usage et empêchent les dérapages.

L'intention de détruire la personnalité de l'autre constitue l'élément essentiel de la torture. L'excès de souffrance auquel on a recours est le moyen par lequel on tente d'obtenir ce résultat. Cette observation laisse apparaître la différence entre la torture appliquée dans le monde judiciaire en Occident durant des siècles et celle qui est utilisée aujourd'hui. Dans le premier cas, il s'agissait d'un élément de la procédure judiciaire même si celle-ci nous paraît aujourd'hui étrange ; on pensait faire reconnaître à l'autre sa culpabilité au lieu d'établir celle-ci par le jugement de Dieu dans les ordalies ; il s'agissait ou d'obtenir son aveu ou de le punir par des souffrances exceptionnelles d'une faute, elle aussi exceptionnelle, qu'il avait commise. La mentalité des populations encore barbares du Moyen-Âge n'avait pas encore vraiment compris ce qu'exigeait la reconnaissance pratique de la dignité de la personne humaine. La problématique est différente de nos jours.

L'affirmation de la dignité absolue de chaque être humain est un principe fondamental de l'organisation sociale de l'Occident ; celui-ci est tellement entré dans les mentalités que sa mise en pratique est une exigence de tout comportement humain ; aussi la torture n'a-t-elle plus de place dans les procédures judiciaires des sociétés démocratiques et l'opinion se révolte quand elle découvre qu'elle peut encore être appliquée en dehors de tout contrôle d'une autorité. L'écho que rencontrent dans l'opinion les mouvements pour l'abolition de la torture s'explique par là ; qu'il s'agisse d'Amnesty international, de l'ACAT (Action des chrétiens contre la torture), de l'OMTC (Organisation mondiale contre la torture) ou d'autres, ces mouvements sont regardés comme luttant pour l'humanisation de la société en travaillant à l'élimination d'un comportement qui est regardé comme une plaie ; mais en contre partie, les sociétés occidentales qui se sont élevées à cette conscience de la dignité humaine semblent demeurer sans défense en face de populations qui n'attachent pas la même importance au respect de la vie et ne partagent pas leurs valeurs de civilisation.

 

Approche morale

Un jugement sur les diverses formes que prend aujourd'hui la torture ne peut être formulé sans garder présent à l'esprit son lien avec l'intention de détruire la capacité d'un individu de se comporter en être libre et responsable. En effet si tout le monde est d'accord pour la rejeter il n'en reste pas moins que la difficulté se présente de dire à partir de quand une contrainte peut et doit être considérée comme un acte intolérable. Comme le disait Pie XII, une société, sous peine de consentir à sa propre destruction, ne peut laisser les mains libres aux " malfaiteurs internationaux " et aux " criminels sans conscience " ; de plus " aucun État ou groupe d'États ne peut accepter tranquillement la servitude politique ou la ruine économique " ; mais en même temps, ajoutait-il, elle ne peut consentir à légitimer des actes en soi immoraux. Des échos de la position de Pie XI et de Pie XII énoncée dans des époques de troubles se retrouvent chez Paul VI ou Jean Paul II confirmant l'enseignement traditionnel selon lequel celui qui est engagé dans une lutte contre-révolutionnaire doit concilier avec d'autres exigences l'obligation de conscience de ne pas se livrer à la torture, c'est-à-dire à l'application de traitements cruels, inhumains et dégradants sur des prisonniers. S'il peut renoncer pour lui-même au droit de se défendre et subir l'injustice, il a aussi l'obligation d'aider l'autre à ne pas en être victime .

C'est en ce point que se pose le problème moral car si certaines règles peuvent être édictées à l'avance (elles se trouvent dans les manuels de toutes les armées pour les troupes au combat), une zone d'incertitude demeure souvent que devra dissiper l'individu laissé seul à sa conscience. Or celui qui pratique la torture trouve toujours des raison morales pour se justifier dans le moment où il agit.

Une étude publiée par l'ACAT en 1978 distingue douze motifs de se livrer à la torture et identifie pour chacune d'elles une motivation justificatrice. Il est évident que certaines doivent être rejetées en toutes circonstances comme par exemple faire une expérience sur des victimes (pour le progrès de la science), former les bourreaux à leur travail (pour leur formation professionnelle), agir par perversion (affirmation d'une supériorité virile), liquider des groupes ou ethnies (hygiène sociale), sévices sur un tiers afin de déterminer un autre à faire tel ou tel acte (efficacité) dans lesquels la victime est considérée comme un objet utilisé pour la réalisation d'un but qui lui est étranger. Mais des cas se présentent dans lesquels la victime est un coupable effectif ou potentiel ; il s'agit alors d'obtenir une information (afin d'assurer ordre et tranquillité) ou dans lesquels on prétend agir pour son bien comme par exemple, le rééduquer (afin de le convertir et de provoquer son salut), le guérir d'une anomalie (rééduquer les malades mentaux), réorienter son comportement pour le bien de la société (éducation, discipline sociale)... Le motif invoqué par celui qui se livre à des pressions physiques lui semble impératif et justifier la violence qu'il exerce ; ainsi de la déclaration prêtée à Camus et citée plus haut, comme quoi il ne reculerait pas à faire avouer celui qu'il saurait vouloir attenter à la vie de sa mère. On pourrait objecter qu'il en est également ainsi avec les punitions données par un père de famille à ses enfants et, de fait, une mentalité ultra individualiste leur conteste aujourd'hui le droit de peser sur leur volonté. Mais dans le cas de l'éducateur, c'est pour aider l'enfant à se situer dans la société et à s'insérer dans le système de valeurs qui la structure ; dans l'autre, au contraire, c'est pour détruire les points de référence sensoriels, intellectuels, affectifs et moraux sans lesquels un individu ne peut exister comme personne.

Le problème pour juger de la torture est celui de la limite à partir de laquelle une contrainte physique ou morale atteint-elle un tel point qu'elle en vient à détruire les valeurs qu'elle prétend défendre. Déjà, en 866, le pape Nicolas Ier voyait dans la manière violente dont le roi des Bulgares voulait imposer le christianisme un moyen inadmissible car contraire à la liberté qui doit présider à l'acte de foi. Cette directive montre qu'il y a une limite interne, objective, à la violence. L'homme reste toujours soumis à des valeurs morales objectives ; les moralistes disaient : Non faciunt mala ut eveniant bona ; il faut aller au-delà de la simple notion juridique de ce qu'on appelle aujourd'hui les " crimes contre l'humanité " ou les crimes de guerre et reconnaître que ces concepts reposent sur une conception de la dignité de l'homme et de sa nature objective qui doivent être respectées par tous en toutes circonstances au lieu d'être utilisés, ce qui arrive trop souvent, comme un moyen de punir les vaincus ou de satisfaire un désir de vengeance.

Le contenu à donner à ces concepts est souvent difficile à déterminer ; mais la solution de ce défi permettra un nouveau progrès de la civilisation méditerranéenne. On ne peut ici que s'étonner de la légèreté d'une cour d'assises d'un pays occidental d'avoir voulu connaître d'actes commis au cours d'une guerre civile à des milliers de kilomètres de distance. On peut certes voir dans cette tentative le désir d'établir un ordre international mais celui-ci ne peut être identifié à la conception qu'en ont des pays appartenant à une autre civilisation.

 

Utiles distinctions

Le moraliste ne peut que condamner le recours à la violence et à la torture car ces pratiques vont à l'encontre de la fraternité et de la paix qui devraient régner dans les sociétés humaines. Sa réflexion est indispensable pour maintenir présent à l'esprit le point où s'est élevée la conscience de l'humanité en exigeant de maintenir les droits de " l'homme en tant que personne ", " hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les amoindrir ou à les négliger ". Il faut ici donner acte à l'Occident de ce qu'il s'est pénétré d'une idée de la dignité de l'homme et d'un gouvernement juste qui sont incompatibles avec le recours à la torture ; de là les condamnations qu'il a prononcées contre les régimes totalitaires qui avaient fait de l'administration quotidienne de traitements cruels et dégradants un moyen de dominer par la terreur.

1/ Une distinction doit être apportée entre la torture des délinquants et celle conduite avec la bénédiction de l'État. La première tombe sous les lois pénales de chaque pays ; leur existence et leur application sont la condition de la légitimité de leurs gouvernants.

2/ La torture d'État est celle qui pose aujourd'hui le plus d'interrogations et à propos de laquelle la conscience de l'humanité est appelée à progresser encore. L'élévation morale à laquelle est parvenu l'Occident n'est pas entrée dans les mœurs au point de rendre impossible le recours à la torture de la part des autorités comme l'est la non reconnaissance du respect dû aux parents. Une contradiction le traverse puisque d'une part la torture lui fait horreur et que d'autre part elle réapparaît en maintes circonstances. Mais ici encore, une distinction doit être pratiquée :

a/ il existe une torture qui procède de l'initiative de l'État ; elle est un moyen d'éliminer les opposants ; elle est pratiquée avant tout par les régimes totalitaires et fait partie de leur système de gouvernement. Elle vise à l'élimination de toute pensée dissidente par rapport à celle de l'idéologie officielle. Elle doit être absolument condamnée car elle détruit cette responsabilité de décision dans laquelle l'Occident, à la suite d'un longue évolution qui a duré des siècles, place actuellement la noblesse de l'homme.

b/ il existe une torture qui est un des moyens par lesquels un État répond à la violence destructrice des fondements de l'ordre social. Elle est dénoncée, au moment où elle est pratiquée, par ceux qui veulent instaurer un autre ordre socio-politique alors qu'ils gardent le silence sur celle des révolutionnaires ; mais au même moment, elle est approuvée plus ou moins tacitement par l'ensemble de la population qui demande aux autorités d'assurer sa sécurité et ferme les yeux sur les moyens auxquels on a recours à cet effet. Ce type de torture est celui qui fait le plus de difficultés en Occident car il risque de produire, la paix revenue, un sentiment général de honte et de remords. Cette forme de torture constitue une des plaies dont souffrent les sociétés occidentales ; elle ne disparaîtra qu'à la suite d'une cure qui risque de prendre un temps assez long. En effet, on ne saurait mettre en cause le droit et le devoir d'un État de défendre son intégrité mais la " sécurité interne " n'est pas " la norme unique et suprême des relations entre l'autorité et les citoyens " ; elle ne " peut être un instrument de domination et de suprématie politique pratiquée impunément par des subalternes ", " au nom de la sécurité... sans la garantie de justice ".

 

Un contrôle a posteriori sur les pratiques de contrainte utilisées par un État contribuera à l'éducation des populations et incitera à la recherche d'autres méthodes pour obtenir des renseignements. Certaines actions tombent à l'évidence sous le droit commun et doivent être poursuivies. Il appartient certainement aux juridictions nationales d'intervenir en ce domaine.

Pie XII avait évoqué dans son discours de 1953 au Congrès international de droit pénal la création d'un tribunal international qui jugerait les crimes de guerre. Un accord a été réalisé depuis entre les États sur ce point ; mais, s'il marque un progrès dans le désir d'un ordre international fondé sur le droit, sa réalisation reste encore imparfaite. Il ne sera crédible que s'il parvient à juger tous ceux qui ont pratiqué la torture dans un conflit, à quelque parti qu'ils appartiennent. Le risque en se hâtant trop vite serait d'en ruiner l'idée s'il venait à apparaître comme un moyen à l'un des camps de poursuivre sa lutte contre ceux qui sont à ce moment-là les plus faibles et s'il ne donnait pas une impression de compétence et d'impartialité.

 

J. J.
. Discours au Congrès de droit pénal international, 3 octobre 1953.

. 14 mars 1937.

. L'encyclique aux évêques du Mexique, 28 mars 1937 (n. 35) affirme que l'Église ne peut condamner les citoyens qui se révoltent contre des pouvoirs qui détruisent le fondement même de l'autorité, pourvu que ce soit par des moyens licites : " Es natural que, cuando la mas elemental libertad religiosa y civil vienen refutadas, los ciudadanos catolicos no se resignen sin otro a renunciarlos. La Iglesia [...] condena cada injusta insurrección ; de otra parte, cuando llegara el caso de que esos poderes costituidos se levantasen contre la justicia e la verdad hasta de destruir aun los fundamentos mismos de la autoridad, no se ve como se podría a condenar aqueblos ciudadanos que se unieran para defender asi mismos y la nación por medios lecitos e apropriados contra los que se valen del poder públicos para arestrarla a la ruina. "

. Déclaration de St-Pétersbourg 1868, Convention IV de La Haye (1907).

. L'amiral James D. Watkins, chef d'état-major de la marine américaine, a publié au temps de la Guerre froide un article, pour justifier, en tant qu'homme et en tant que catholique, d'accepter le commandement des sous-marins nucléaires. Cet article est reproduit en traduction italienne sous le titre " Io sono un uomo morale " dans la revue de l'Ordinariat militaire italien Bonus miles Christi 1993/4, p. 289-294.

. I, 27-29.

. Amnesty international, Rapport 1984, p. 13.

. Pie XII, Au mouvement Pax Christi, 13 septembre 1952.

. Par exemple in Popularum progressio, 31 sur l'insurrection révolutionnaire.

. Par exemple au Katholikentag de Vienne, 1983.

. G. Fessard, Guerre ou Paix ?

. ACAT, Domination et Torture, 1948.

. Mit brennender Sorge, 37.

. On laisse ici de côté la pratique de la torture dans un contexte non occidental.

. Jean Paul II, Message pour la Journée de la Paix, 1er janvier 1981.

. Jean Paul II, Dives in misericordia.

. Jean Paul II, Allocution au corps diplomatique, Yaoundé, 1985.