Le Saint-Siège sur la scène internationale
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 septembre 2008

Seule institution confessionnelle au monde présente sur la scène internationale, l'Église catholique le doit à son histoire bi-millénaire, à son organisation universelle et à son chef dont l'élection en conclave présente un caractère transnational.

Parce que de nos jours les conférences et organisations internationales se sont multipliées, cette situation lui permet de développer un intense activité dans la vie internationale.

 

Le statut international de l'Église catholique

 

C'est en raison de son autorité spirituelle que le chef de l'Église catholique reçut de l'empereur Constantin la propriété du palais du Latran, puis de la part de Pépin le Bref un État appelé Patrimoine de Saint-Pierre : l'acte de donation fut déposé sur la tombe du premier pape à Rome. " Dès lors, explique Joël-Benoît d'Onorio , les deux souverainetés, religieuse et profane, se superposant pour se confondre, le titre de l'Église pour intervenir dans les relations entre les rois et les peuples ne fit plus l'objet d'aucune discussion, de même que sa qualité de sujet souverain du droit international, les uns l'attribuant à son pouvoir spirituel et ecclésiastique, les autres à son domaine territorial et étatique. " Mais en 1870, lors de la prise de Rome par les troupes italiennes, la papauté perdit d'un coup son assise temporelle. De la disparition de l'État pontifical en 1870 jusqu'aux accords du Latran en 1929, tout en conservant bien sûr sa souveraineté spirituelle, elle poursuivit son activité internationale.

Si la loi des Garanties permettait le libre exercice des activités ecclésiales, reconnaissait l'inviolabilité de la personne du Souverain Pontife, et lui accordait même une rente annuelle de 3225000 lires, sa portée était considérablement limitée car il ne s'agissait de la part de l'État italien que d'un acte unilatéral susceptible d'être remis en cause à tout moment. Par ailleurs, celui-ci ne lui reconnaissait aucune souveraineté, même symbolique, ni aucun droit de propriété à Rome ou ailleurs. On évoqua même à l'époque la notion de " protectorat colonial " pour qualifier la situation faite au pape. D'ailleurs, dès le 15 mai 1871, Pie ix déclara ne jamais accepter une telle loi (encyclique Ubi nos). S'estimant dépouillé de sa souveraineté sur Rome et sur les États pontificaux, il se déclara prisonnier de l'État italien et ne sortit plus du Vatican jusqu'à sa mort, ses successeurs poursuivant la même politique pendant près de soixante années.

La Question romaine ne va trouver une solution qu'en 1929 avec la signature, le 11 février, puis la ratification le 7 juin suivant, des accords du Latran qui se composent : 1/ d'un traité politique résolvant en 24 articles les problèmes territoriaux ; 2/ d'un concordat de 45 articles organisant les relations entre l'Église catholique et l'État italien ; 3/ d'une convention financière prévoyant l'octroi par l'Italie d'une somme de l,750 milliard de lires au Saint-Siège.

Par la suite, ces accords conclus avec l'Italie fasciste seront confirmés par la République italienne dans la constitution de 1947. La révision du concordat conclue le 18 février 1984 n'abrogera que le premier article du traité qui faisait du catholicisme la seule religion de 1'État. Grâce à ces accords, la création de l'État de la Cité du Vatican, enclave territoriale de 44 hectares au cœur de Rome (formant sans doute le plus petit État du monde) rend la souveraineté du pape à nouveau temporelle. Cet ensemble qui relève de la pleine propriété du Souverain Pontife est déclaré territoire neutre et inviolable. Voilà reconnue, selon les termes même des accords du Latran, la souveraineté du pape considérée " comme un attribut inhérent à sa nature en conformité avec la tradition et avec les exigences de sa mission dans le monde ". Sa neutralité est aussi admise, dans la mesure où le Saint-Siège lui-même s'est engagé à rester étranger aux compétitions temporelles entre les autres États, " à moins que les parties en litige ne fassent un appel unanime à sa mission de paix, se réservant en chaque cas de faire valoir sa puissance morale et spirituelle ".

Par conséquent, le pape peut signer des conventions bilatérales avec tel ou tel État, comme avec l'Italie, pour faire fonctionner les services publics de la Cité du Vatican ou même ratifier une convention multilatérale ne concernant pas les questions ecclésiastiques comme le Traité de non prolifération des armes nucléaires ou encore les accords d'Helsinki portant sur la sécurité et la coopération en Europe.

 

II- L'activité internationale du Saint-Siège

 

Dès les premiers siècles de l'Église, les papes avaient pris l'habitude de se faire représenter aux conciles par des légats et auprès des évêques des provinces éloignées par des vicarii apostolici ayant seulement des fonctions religieuses. Au ve siècle ce sont les apocrisarii qui font fonction de procureurs auprès des rois carolingiens comme des empereurs byzantins. Il faut attendre le xve siècle pour voir apparaître les premières missions permanentes auprès des grands États européens comme l'Espagne, la France ou Venise et un siècle encore pour voir Grégoire xiii organiser le système des nonciatures tel qu'il l'est encore dans ses grandes lignes aujourd'hui (le terme nonce ou nuntius qui apparaît au siècle pouvant se traduire par messager).

De nos jours, cette activité internationale du Saint-Siège est assurée par les diplomates pontificaux qui sont formés à l'Académie pontificale ecclésiastique fondée en 1701 à Rome et qui sont originaires de tous les continents — même si les Italiens y tiennent une place non négligeable. Si à la chute de Rome 14 États seulement entretenaient des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, ils sont 21 en 1901 ; le pape Léon xiii sera amené à rendre sept arbitrages internationaux et conclure six concordats pendant son pontificat. Confirmant que la papauté est, dès cette époque, sortie de son isolement, Léon xiii recevra en 1903 le roi Edouard vii puis l'empereur Guillaume ii. Par la suite, la politique concordataire et les arbitrages pontificaux se poursuivront avec ses successeurs. L'un d'entre eux, Benoît xv, fera tout son possible durant la Grande Guerre pour faire stopper le conflit et réconcilier les adversaires, mais il ne sera ni entendu ni compris (le non possumus en France). Après la guerre, il réussira cependant à se lier diplomatiquement avec les nouveaux États issus des traités comme la Hongrie, la Roumanie, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et les pays baltes après avoir établi des relations diplomatiques pendant la guerre avec la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le Luxembourg et les avoir rétablis avec la Suisse et la France. Son successeur Pie xi va promouvoir une grande politique concordataire puisque qu'une quarantaine de concordats et d'autre accords seront conclus pendant ses 17 années de pontificat et qu'en 1929 on comptait 30 États représentés auprès du Saint-Siège.

L'œuvre est poursuivie par son successeur : Pie xii lequel en tant que secrétaire d'État était auparavant le chef de la diplomatie pontificale. Malgré la deuxième guerre mondiale et ses déchirures provoquées par la rupture des relations diplomatiques avec les pays d'Europe centrale devenus des démocraties populaires le nombre des ambassades auprès du Saint-Siège atteindra la cinquantaine au début des années 60 et environ 90 à la fin du pontificat de Paul vi. Actuellement, il y a plus de 170 ambassades auprès du Saint-Siège dont les États-Unis qui ont établi leurs relations en 1984, la Fédération de Russie en 1990 et Israël en 1993.Toute cette énumération montre bien que progressivement le Saint-Siège a retrouvé sa place sur la scène internationale puisqu'une grande partie des États du monde ont noué des liens avec elle sauf des situations particulières comme la Chine continentale ou l'Arabie Saoudite.

Cependant cette diplomatie bilatérale ne représente plus maintenant qu'un des aspects des relations internationales contemporaines depuis que s'est développée la diplomatie multilatérale et que le Saint-Siège y est entré de plain pied selon la volonté de Pie xii. Déjà ses deux prédécesseurs avaient souhaité à un certain moment devenir membre de la Sdn mais l'Italie s'y était opposé et ils s'étaient rendus compte très vite que cette organisation n'était pas assez fiable.

En revanche, dès la naissance de l'Onu, Pie xii enverra des observateurs auprès de la Fao à Rome en 1949, de l'Unesco à Paris en 1952. Le Saint-Siège, à la même époque, devient membre du Haut-Commissariat pour les Réfugiés en 1954 et figure parmi les membres co-fondateurs de l'Agence internationale de l'Energie atomique à Vienne en 1956. Paul vi à son tour installera un prélat observateur permanent auprès de l'Onu à New-York en 1967 ainsi qu'auprès de l'Oms, de la Cnuced, de l'Omt, du conseil de l'Europe et de l'Union européenne. Pratiquement toutes les organisations internationales finiront par recevoir un observateur du Saint-Siège et seront honorés par une visite des papes Paul vi ou Jean-Paul ii : l'assemblée des Nations unies connaîtra trois visites papales (1965, 1979 et 1995).

Enfin, c'est la participation du Saint-Siège à la Conférence d'Helsinki sur la Sécurité et la Coopération en Europe qui représente l'étape ultime de sa réinsertion dans la communauté internationale puisque c'est la première fois depuis le Congrès de Vienne en 1815, que le Saint-Siège participait comme membre de plein droit à une Conférence de nature politique. Celle-ci, après la signature des accords d'Helsinski en 1975 qui auront joué un rôle dans la chute des régimes communistes, et celle de la Charte de Paris en 1990, donnera naissance à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.

Pour conclure, il faudrait mentionner le rôle personnel joué par le pape Jean-Paul ii. Avec ses interventions lors des conflits comme celui des Malouines, du Koweit ou de Yougoslavie ainsi que par ses nombreux voyages il aura, en quelque sorte, incarné à lui seul l'universalité de l'Église.

 

j.-y. r.