Article rédigé par , le 11 septembre 2008
Une anthologie ne peut-être qu'une amputation , s'excusait Georges Pompidou dans la préface de son Anthologie de la poésie française. À lire celle de Jean-Luc Maxence, on se dit que c'est un bourgeonnement, une nouvelle floraison.
L'auteur de cette Anthologie de la poésie mystique contemporaine a voulu donner à son livre l'ampleur d'un jardin où l'on viendrait méditer, cueillant au hasard des pages de véritables " roses mystiques ". Les coups de sécateurs sont rares et violents qui n'épargnent pas le rouge pétale d'André Breton, le rose public de Paul Éluard et l'épineux Aragon. Le surréalisme qu'Albert Camus qualifiait d'" évangile du désordre " ne peut trouver place dans ce parterre poétique. Jean-Luc Maxence l'a compris. L'absence de ses plus illustres représentants manifeste l'échec du projet de meurtre de Dieu. Au contraire, l'éclectisme voulu de son anthologie, la richesse de ces 137 poètes rassemblés dans une même communion illustrent un dialogue ininterrompu avec le divin Maître. Il semble que Jean-Luc Maxence ait voulu insister sur le nombre plutôt que sur l'égale qualité des poètes. Derrière cette somme de la poésie mystique se cache peut-être la peur de ne pas être cru ou entendu. Il est vrai que proposer une Anthologie de la poésie mystique contemporaine est un pari audacieux. Deux guerres mondiales, des génocides sans fin... ont fait de ce siècle celui de la barbarie technique. Mais sans doute est-ce à cause de cette volonté aveugle et suicidaire qui traverse le monde que le monde se tourne de nouveau vers Dieu dans un élan désespéré ? L'homme cherche à surnager. Il tend la main. Il appelle. Le XXe siècle sera-t-il celui de la renaissance spirituelle ?Au nombre des poètes relevés par Maxence, Paul Claudel, bien sûr, dont la foi robuste domine le siècle, Charles Péguy, " pèlerin de Chartres qui laboure ainsi qu'un champ ses litanies immortelles ". Nous retrouvons Marie Noël, Max Jacob, Patrice de La Tour du Pin. Ce sont là des poètes sans surprises. Chez eux, l'activité poétique nourrit l'expérience de la foi chrétienne, leur aventure spirituelle participe de leur écriture poétique. Marie Noël n'avouait-elle pas : " Dieu voyait pour moi plus grand que moi. Il ne m'a pas permis de m'installer sur terre. Il m'a forcé à avoir besoin du Ciel. " Chez ces peintres de la vie, la poésie et la religion communiquent d'une même vie. Mais l'intérêt de cette anthologie réside surtout dans la polyphonie qui la compose. Les chantres du Christ, les affamés de la Lumière comme Blaise Cendrars ou les voyageurs de l'ombre et de l'occultisme que sont Saint-Paul Roux, René Daumal se rassemblent dans une même recherche éperdue de Dieu ou de sens, dans une même célébration du sacré.Pour autant, ces poèmes ne sont pas l'œuvre de mystiques. La poésie devient porteuse de grâce que lorsque le chant de l'âme, la danse des mots sont des réponses au dialogue initié par Dieu. Jean Daujat écrit que " l'abîme infini et infranchissable qui nous sépare de Dieu, Dieu seul peut prendre l'initiative de le franchir ". Ce qui distingue donc la poésie mystique chrétienne de toute autre poésie et de toute autre mystique, c'est que tout provient de la pure et seule initiative de Dieu. C'est peut-être là le tort ou la faiblesse de cette anthologie. Elle s'est voulue bréviaire de poésie mystique. Elle n'est que trace de Dieu, vertige existentiel, exercice spirituel. C'est une invitation à découvrir Dieu. Mais bien souvent, Dieu n'est pas au courant de cette invitation. Il est présent par son absence.RAPHAËL STAINVILLE Article paru dans "Liberté Politique" N°1
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