Article rédigé par , le 11 septembre 2008
C'est devenu un lieu commun, une banalité affligeante, que d'attribuer au christianisme — surtout en sa forme catholique romaine — le mépris du corps au détriment de l'esprit. Héritage d'une morale bourgeoise pudibonde et hygiéniste autant que d'un jansénisme refoulé ou d'un gnosticisme larvé, cet état de fait pèse lourd pour notre époque qui célèbre le corps plus qu'à foison.
Pourtant, la question reste posé au fond de chaque être humain : un corps pour quoi faire ?
Si la réponse est " sea, sex & fun ", il est évident que le christianisme pourrait n'apparaître que comme une religion d'enchaînés. Si au contraire la réponse est " tremplin charnel vers la transcendance ", le christianisme devient alors une religion de libération. À juste titre d'ailleurs puisque c'est la seule religion qui mette autant en avant le corps et propose une métaphysique de la chair.
Le christianisme, c'est la bien nommée Incarnation, Dieu fait chair, folie pour les uns, scandale pour les autres, sagesse et amour total pour les derniers. Tout dans l'Évangile nous parle des corps : la vie de Jésus, ponctuée par des gestes, des marches, des repas, des lavements de pieds, mais aussi marquée par la Passion, la Crucifixion et la Résurrection. Nous voyons le Christ par son corps charnel, son corps transfiguré et son corps glorieux, si mystérieux. Tout en Lui parle du corps humain comme temple de l'Esprit-Saint. La référence au corps a pu être mise sous le boisseau dans l'histoire de l'Église, certes mais pour nos époques où le factice remplace de plus en plus le réel, il est urgent de retrouver la place du corps dans notre cheminement spirituel, dans ce grand pèlerinage humain qui se fait corps et âme.
Cette interrogation sur la chair et le corps est tout l'objet du livre de Xavier Lacroix, professeur de théologie morale à la faculté de théologie de Lyon et membre du Conseil national de la pastorale familiale. Avec l'auteur, nous dépassons sans complexe l'antique dichotomie du corps et de l'esprit pour nous rendre compte que notre corps est bien le corps de l'esprit (cette formule étant centrale dans le livre). La nuance est de taille puisqu'en notre corps l'invisible devient visible, la beauté surgit dans le tissu du monde.
La réflexion sensible de l'auteur nous invite à redécouvrir que le corps est le lieu de la vie personnelle en même temps que celui de la vie divine. À ce titre, notre corps est appelé à la Résurrection, rien que cela. Et l'auteur nous emmène, par la qualité et la simplicité de son écriture à la découverte, ou à l'approche des corps glorieux que nous espérons être dans l'éternité. " Car le surnaturel est lui-même charnel / Et l'arbre de la grâce est raciné profond " (Charles Péguy, Eve, 1913).
Laurent Mabire
Cerf, coll. " Vie chrétienne ", 2002, 132 pages, 12 €
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