Article rédigé par , le 11 septembre 2008
La France reconnaît dans la liberté d'expression un principe constitutionnel. L'essor des technologies de l'information devrait y faciliter l'éclosion de débats toujours plus ouverts. D'où vient alors cette impression d'assister à une uniformisation croissante des idées ? Pourquoi le conformisme intellectuel, qui est de toutes les époques, sévit-il aujourd'hui si massivement pour exclure du débat public la pensée non conforme ? De Jacques Julliard à Jean Foyer, d'Alain Griotteray à Claude Imbert ou à Jean-François Kahn, une vingtaine de personnalités d'horizons variés tentent ici de répondre à ces questions.
Au fil de leurs contributions, d'un intérêt d'ailleurs parfois inégal, ils mettent à nu les mécanismes de la pensée unique, épinglent ses poncifs, dignes de Bouvard et Pécuchet — le libéralisme est évidemment " sauvage ", l'Église foncièrement " traditionaliste ", la famille " conservatrice ", tandis que le socialisme est " progressiste " et le communisme " une grande cause malgré les erreurs et certaines déviations de l'histoire " — et dénoncent ses dogmes et ses tabous : il n'y a pas lieu de débattre de l'Europe, notre destin " évident ", encore moins de certains sujets trop brûlants, sous peine d'être accusé de faire le jeu du Front national.Le " penseur unique " est en général aussi persuadé du bien-fondé de ses positions qu'incapable de les justifier. D'où son refus de se prêter à une confrontation rationnelle argumentée. Il assène ses certitudes comme autant d'évidences et recourt à la dérision ou à l'invective pour disqualifier l'opinion contraire.L'un des mérites de cet ouvrage est d'analyser, notamment sous la plume de Claude Guérini, journaliste à France 3-Ile-de-France, la sociologie de la pensée unique, produit d'une génération de journalistes inspirés de mai 68 qui a fini par monopoliser les rédactions par le jeu de cooptations successives. Au total, la pensée conforme, qui confisque tout l'espace médiatique et subjugue la classe politique, paraît le fait d'une petite frange de la population, bien éloignée des idées, mais aussi de l'expérience vécue du grand nombre. Aux antipodes du politiquement correct, Christine Bruneau, par exemple, montre au contraire à travers son expérience d'élue — elle est adjointe au maire de Boulogne-Billancourt —, comment une politique d'aide adaptée aux familles constitue la clé d'une prévention efficace de la délinquance.On referme ce livre avec le sentiment que les médias nous renvoient peut-être les derniers rayons d'un astre déjà mort, en fait, depuis longtemps : " l'esprit de mai 68 ". La pensée unique s'effondrera-t-elle aussi brusquement que sa cousine, la langue de bois des anciens pays du socialisme réel ?MICHEL DES BOSCSArticle paru dans "Liberté Politique" N°7
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