Article rédigé par , le 16 janvier 2009
ILS EN ONT PARLE ! De quoi ? De l'Église, de la foi catholique et pour eux, ce n'est pas la pire des religions . Le premier c'est François Taillandier. Romancier de renom, chroniqueur, essayiste, prix du roman de l'Académie française, auteur notamment d'une fresque historique qui couvre cinq générations de la France contemporaine.
À douze ans, il récitait le Notre Père, et fréquentait l'école catholique d'antan. Puis, emporté par la vague de 68, il déserte l'Église et se décrète athée en 1972. Avec beaucoup de jeunes de sa génération, il envoie à la benne son petit catéchisme et le remplace par les catégories du freudisme ou du marxisme. À la fin des années quatre-vingt-dix, commence le retour. Trente cinq ans plus tard, l'écrivain célèbre fait dans le Figaro Magazine son coming out catholique.
L'autre, c'est Jean-Marc Bastière, rédacteur en chef culture de l'hebdomadaire Famille chrétienne. Élève de l'enseignement public, il est du monde d'après , d'après Vatican II et mai 68. Il subit un catéchisme fait davantage de coloriage et de découpage que de certitudes. À force de questions sans réponses, il cesse logiquement de pratiquer dès le lendemain de sa profession de foi ! Séduit par Nietzsche comme beaucoup d'adolescents qui se posent des questions, il enfourche le cheval enragé de l'antichristianisme . Cela le conduit vers les eaux glacés du désespoir . Mais à vingt ans, le Christ fait son grand retour. Un long chemin d'approfondissement commence pour lui aussi.
Les expériences de Taillandier et Bastière ressemblent à celles de beaucoup de recommençants, jeunes ou moins jeunes. Dans cet essai au titre un peu désabusé, ce n'est pas la pire des religions , ils ne parlent pas d'eux mais de l'Église, du monde, de la vie telle qu'ils la voient.
J'avoue qu'en recevant ce livre, j'étais circonspect. Je me méfie des confessions et des duos, surtout sur un tel sujet. Il fallait qu'un des auteurs fût un ami pour que je le lise.
Je n'ai pas lâché cet exercice à deux, où chacun enrichit l'autre de son propre questionnement, de sa propre démarche au plus grand bien du lecteur. Les questions qu'ils posent sont de vraies questions et leurs réponses sont de vraies réponses, même si une part de doute légitime subsiste ça et là, comme dans les Dialogues de Platon. C'est écrit sans fard, avec simplicité, on écoute plus qu'on ne lit ces pages.
Le dogme, la crise de l'Église, les questions qui fâchent (la sexualité, la science...), la culture et la foi, la vocation de la France, l'Europe, la mondialisation ─ au fil des pages nos deux lettrés dessinent une sorte de traité d'apologétique qui ne dit pas son nom.
Vivre dans le monde sans être du monde : François Taillandier et Jean-Marc Bastière, sans le dire et sans prétention, nous livrent une sorte de mode d'emploi de la culture contemporaine.
Cet essai s'adresse à tous ceux, intellectuels parisiens ou pas, pour qui, dans ce monde sceptique, douloureux et désabusé, il n'est pas évident de proclamer comme le larron d'Apollinaire : Je suis chrétien.
Thierry Boutet
EXTRAITS
François Taillandier : Je ne sais trop comment ça m'a pris, ou plutôt repris, aux alentours de la cinquantaine. Mais c'est devenu évident. Je me sens plutôt bien avec Jésus, dont le propos est quelquefois plus déroutant qu'on ne l'imagine ; mais il aimait la Samaritaine, le centurion, le publicain, la femme adultère, et les malades et les pécheurs. Je me sens plutôt bien avec la Vierge Marie, qui a les idées larges, et sur qui il me semble que je peux vaguement compter (peut-être aussi compte-t-elle un peu sur moi). Je me sens plutôt bien avec cette vieille Église de Rome, si compliquée, si historique, si couturée. C'est quand même ma maison. Ces dernières années, je me suis lié d'amitié avec Jean-Marc Bastière, qui avait senti tout cela un peu plus vite que moi. Nous avons souvent bavardé, puis échangé des courriels sur le sujet. Nous en avons fait ce livre à deux voix.
Je n'ai rien à prêcher à ceux qui sont loin ou qui sont ailleurs. Je me sens juste mieux avec, que sans. Après Anielka (Grand Prix du roman de l'Académie française, Stock, 1999) et Le Cas Gentile, François Taillandier est l'auteur d'une fresque ambitieuse qui couvre cinq générations de la France contemporaine. Un cycle romanesque passionnant et novateur dont les trois premiers tomes ont déjà paru ; Option paradis, Telling et Il n' y a personne dans les tombes.
Jean-Marc Bastière : Il n'y a pas pire dessein que de vouloir défendre le christianisme. C'est un truc de tiède qui n'attire que le mépris. Celui qui aime n'a pas besoin de se justifier. Embrasé de passion, il ne peut retenir le trop-plein de son cœur. Celui-là va au fond des choses, celles du corps, du sentiment et de l'intelligence. Il est possible que, dans ce dialogue, nous choquions certains nouveaux dévots. Molière est toujours d'actualité, seuls les conformismes ont changé. Ce n'est plus : "Cachez-moi ce sein...", mais "Cachez-moi ce Dieu que je ne saurais voir..."
Mon itinéraire n'est pas celui de François, mon aîné dont j'apprécie tant les livres. Mais tous les chemins, on le sait, mènent à Rome. Certes, je me méfie des témoignages : la vie nous réserve toujours des surprises de dernière minute. Depuis mon enfance, j'ai vécu une suite de morts et de résurrections. Et en moi coexistent les deux France, la laïque et la catholique. Mais c'est toujours la même histoire d'amour. Critique littéraire et écrivain, Jean-Marc Bastière a publié notamment un essai, Réussir sa jeunesse, de l'âge des possibles à l'âge des choix (Fayard, 1999), un roman, Les Anges d'à côté (Desclée de Brouwer, 2004) et un abécédaire, Dieu est insolent (Marne Edifa, 2004). Il appartient à une nouvelle génération d'auteurs qui allient ardentes aspirations spirituelles et liberté de ton sans tabou.
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