Rwanda. Je demande justice pour la France et ses soldats
Article rédigé par , le 08 avril 2011 Rwanda. Je demande justice pour la France et ses soldats

Un général crie justice. Alors que la France est de nouveau plongée dans les tourments africains, l'homme qui commanda le détachement français de l'opération Turquoise au Rwanda en 1994 pose de bonnes et cruelles questions. Son témoignage est davantage qu'un plaidoyer. Accusée d'avoir couvert et même participé au génocide, l'armée française n'a pas à rougir de son intervention. Mieux, elle a sauvé des dizaines de milliers d'hommes, et si elle doit se plaindre, c'est moins d'être odieusement salie, que trahie par les autorités de l'État français qui non seulement ne défendent pas l'honneur de nos soldats, mais n'ont pas su faire preuve du courage et de la cohérence nécessaires pour neutraliser la folie meurtrière qui a ensanglanté le Rwanda.

Didier Tauzin raconte, explique, argumente. Mieux, il met les faits en perspective : on comprend pourquoi la tragédie rwandaise s'est inscrite dans le racisme ordinaire qui a tissé douloureusement les rapports humains dans la région depuis les temps les plus reculés. Pourtant, ce n'est toujours pas une banalité de parler aujourd'hui de la domination de maîtres à esclaves de la minorité tutsie sur la majorité hutue, comme si on pouvait exorciser le spectre du fascisme ethnique en taisant ses propres lâchetés. Faute d'avoir pris la mesure de cette pesanteur historique, la "démocratie arithmétique" issue de la décolonisation a réveillé les vieux démons.

Le général ne craint d'ailleurs pas, citant Bernanos, de parler du délire diabolique qui s'est emparée des Rwandais, toutes ethnies confondues, pour méditer sur la complicité des hommes avec les forces du mal. Et s'il fallait un seul exemple pour mesurer la douleur du soldat, c'est le sacrifice de ce jeune prêtre catholique hutu venu dire une messe grâce à lui dans le camp de réfugiés tutsis de Nyarushishi, et retrouvé peu après assassiné, sans doute par les siens.

Les complices du massacre, conscients ou non, Didier Tauzin les connaît. Si son livre est un cri du cœur, un cri de souffrance et d'indignation qui ne balance pas dans la nuance, parfois avec maladresse, s'il s'en prend directement aux journalistes qui n'hésitèrent pas à faire le jeu de l'ennemi, le récit est plus subtil dans l'analyse des ressorts de la guerre subversive moderne qui s'est déployée autour du Rwanda.

Avec soixante-dix hommes, en 1993, Tauzin a tenu en échec les troupes du FPR de Kagamé. Le feu vert de Paris, et la contre-offensive préparée par le colonel et ses marsouins du 1er RPIMa, aidés par les artilleurs-parachutistes du 35e RAP, rétablissait les conditions d'une paix durable. L'ordre ne vint pas, la France préféra céder aux sirènes d'une politique étrangère pétrie de bons sentiments (le  processus d'Arusha ), mais dont il fallut payer le prix fort un an plus tard.

 La guerre est toujours une épreuve de vérité , écrit le général Tauzin. Avec ce disciple de Lyautey, on se dit que le destin de la France (il parle, lui, de vocation) se joue peut-être en Afrique.

 

Philippe de Saint-Germain

 

Editions Jacob-Duvernet
Préface de Jean-Dominique Merchet

 

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