Guerre, élections européennes : Emmanuel Macron, un chef de parti
Article rédigé par Liberté politique, le 01 mars 2024

Il n’y a pas de « pensée complexe » chez Emmanuel Macron, comme voudraient le faire entendre ses admirateurs. Le président est une bête politique ou plutôt une bête électorale. Il gouverne mal mais se défend bien et sait préparer des élections. Avec sa dernière sortie de route sur l’envoi de soldats en Ukraine, il entend faire du scrutin européen un référendum entre « pro-Ukrainiens » et « pro-Russes ». Les pro-Français n’auront qu’à aller se rhabiller !

L’ensemble de la classe politique a dénoncé les propos va-t’en guerre du président. En évoquant l’hypothèse d’envoyer des troupes en Ukraine, Emmanuel Macron a même été désavoué par ses tous ses alliés au premier rang desquels les Etats-Unis.

Seuls quelques extrémistes atlantistes sur le déclin l’ont soutenu en France : Kouchner, Ménard ou Bernard Henri-Lévy.

Le très hypothétique envoi de troupes françaises en Ukraine n’est cependant pas l’intérêt de la sortie médiatique d’Emmanuel Maron.

 

En soutenant de tels propos, le président suit un calendrier électoral et n’envisage certainement pas une quelconque entrée en guerre. Éprouvant le besoin d’être dans la lumière et d’attirer toute l’attention, il a réussi son coup. Par ailleurs, si l’ensemble des oppositions ont dénoncé ces propos, il a néanmoins trouvé des relais dans sa majorité qui répond à ses claquements de doigts.  

Le Premier ministre Gabriel Attal s’est attaqué à Marine Le Pen mardi 27 février dans l’hémicycle : « Si vous aviez été élue, on fournirait déjà des armes à la Russie » avant de se « demander si les troupes de Poutine ne sont pas déjà dans notre pays ».

 

Frisant le complotisme, le ministre Attal se fait surtout l’aiguilleur en second de son parti pour les élections européennes. Avec ses déclarations bellicistes, Emmanuel Macron entend faire du scrutin une opposition entre le camp du bien (qui soutient Kiev et la démocratie) et le camp du mal (censé soutenir Moscou et le « totalitarisme »). Venant d’un président qui recevait il y a quelques jours et en grande pompe l’émir du Qatar, le discours ne manque pas de piquant ! Au-delà de l’inexactitude et de la caricature, la méthode a pour conséquence de diviser un peu plus les Français sur un sujet qui leur échappe. La question échappe d’ailleurs à la France également puisqu’elle n’est aujourd’hui pas en mesure de prendre une telle initiative seule. En s’exposant à la critique unanime des partenaires de Paris, Emmanuel Macron a non seulement montré le peu de valeur de ses prises de paroles mais aussi l’importance négligeable de notre pays dans le concert des nations.

 

Sur la guerre en Ukraine, les convictions des uns et des autres peuvent varier. On peut souhaiter la défaite de Moscou ou celle de Kiev : cela ne changera pas le cours d’une Histoire qui se jouera probablement plus avec l’élection présidentielle étasunienne qu’avec le scrutin européen de juin.

En polarisant le débat entre un supposé camp pro-russe et un pro-ukrainien, le président se place automatiquement du côté de ce que la majorité médiatique considère comme « le camp du bien » et donne le beau rôle à son parti.

 

Une manœuvre qu’on pouvait envisager venant d’une tête de liste moins de la part d’un président. En agissant ainsi, Emmanuel Macron participe de la déconsidération des institutions au premier rang desquelles la présidence de la république.

Par ailleurs, dans le cas de la guerre en Ukraine, le rôle d’agresseur de la Russie ne fait pas de doute pour la majorité de la population en France (même si l’invasion peut être expliquée par de multiples facteurs). En faisant du duel entre le RN et la majorité un référendum sur l’Ukraine, le président pourrait cependant provoquer l’effet inverse en faisant monter le sentiment de défiance à l’égard du soutien à Kiev.

 

Olivier Frèrejacques

Président de Liberté politique