Article rédigé par Boulevard Voltaire, le 02 mars 2022
Source [Boulevard Voltaire] Vladimir Poutine a passé le Rubicon. Envahir l’Ukraine est une violation injustifiable de toutes les règles du droit international. C’est une faute dont les effets se retourneront contre lui. Cette invasion fortifiera le sentiment national d’un pays qui fut pourtant le berceau de l’Histoire politique et spirituelle de la Russie. De surcroît, l’attaque redonne vie à une OTAN dont Emmanuel Macron déclarait qu’elle était « en état de mort cérébrale ». Mais, pour l’heure, le peuple ukrainien fait les frais du terrible rapport de force géopolitique dont leur terre est l’enjeu.
Cette guerre est la conséquence de trente années d’erreurs politiques de la Russie, des États-Unis et de l’Union européenne. De duperies et de non-respect de la parole donnée aussi.
La cause première réside dans les conditions de l’effondrement de l’URSS que Boris Eltsine n’a pas maîtrisées. La réorganisation de l’ex-empire s’est faite dans le chaos, la mise en coupe réglée de l’économie et la souffrance du peuple. Sans que soit inventé un système institutionnel qui garantisse la stabilité du pays dans une relation paisible avec les anciennes républiques sœurs. Les Russes en portent la responsabilité.
Mais en second lieu, les Occidentaux n’ont pas compris que la Russie n’était plus l’Union soviétique et qu’il fallait la traiter en allié potentiel et non en menace. Les ouvertures faites à l’Occident, y compris par Poutine, ont été repoussées avec dédain et la Russie traitée avec condescendance, comme s’il fallait lui faire payer la crainte que l’URSS avait suscitée.
Le troisième élément essentiel a été le non-respect de la parole donnée à Gorbatchev lorsqu’il a accepté la réunification de l’Allemagne et le démantèlement du rideau de fer. La condition posée aux Américains avait été que l’OTAN n’avance pas vers la Russie. On sait ce qu’il en a été. Les dirigeants occidentaux n’ont pas pris la mesure du ressentiment russe et oublié à quel point, maintes fois envahis, les Russes craignent l’encerclement.
Quatrième point, les États-Unis n’ont cessé de déstabiliser le voisinage proche de la Russie en y organisant et en finançant les révolutions dites de couleur, en Géorgie comme en Ukraine. Victoria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour l’Europe et l’Eurasie, s’était félicitée d’avoir dépensé un milliard de dollars pour réussir le coup d’État qui renversa Ianoukovytch. En proposant un contrat d’association à l’Ukraine, l’Union européenne avait envenimé la situation. Attitudes risquées car une diplomatie prudente exige la compréhension des ressorts de l’adversaire potentiel.
Aujourd’hui, l’Ukraine doit faire face à une invasion brutale. Quelles que soient les erreurs passées, Poutine est évidemment coupable de cette agression, mais les États-Unis portent une grande part de responsabilité. Le drame ukrainien démontre aussi que le rêve français d’une « Europe puissance » n’est qu’un songe creux. La plupart des États membres n’en veulent pas et se trouvent très bien dans la dépendance et sous protection américaines. Le seul problème est que les intérêts américains ne sont pas les intérêts européens.
Biden, en indiquant qu’il n’y aurait pas d’intervention militaire des États-Unis, laisse les Ukrainiens seuls face aux troupes russes. L’Union européenne qui n’a ni volonté ni puissance militaire, se bornera à des sanctions économique et des livraisons d’armes qui n’inquiètent guère le maître du Kremlin. Après avoir bercé l’Ukraine d’illusions, leur attitude est d’un cynisme confondant alors que le président Zelinsky fait preuve d’un courage et d’un calme remarquables.
La question qui se pose à nous, c’est de savoir si nous pourrons obtenir par voie diplomatique la désescalade et le retrait des troupes russes d’Ukraine.
Cette invasion est un drame pour l’Ukraine, une faute pour la Russie qui en pâtira. Mais c’est, objectivement, un désastre politique pour l’Union européenne qui, une fois encore, a fait la preuve de son incapacité à conjurer un conflit en Europe. La seule voie intelligente pour l’Union serait une volonté de puissance autonome, mais elle est rejetée par tous. Emmanuel Macron, qui parle de souveraineté pour l’Ukraine, n’a cessé, comme ses prédécesseurs, de brader la souveraineté française au profit d’une Union européenne qui est un nain diplomatique et militaire. Or, la souveraineté est la liberté des nations et la puissance diplomatique et militaire sa garantie.