Article rédigé par Politique Magazine, le 19 mai 2021
Source [Politique Magazine] Le dernier essai de Christopher Caldwell montre tout ce que le combat pour les droits civiques a apporté aux Américains : la mainmise fédérale sur toute la vie sociale et la religion, exaltée, de la lutte contre les discriminations, opposant de plus en plus violemment deux camps.
Le 16 juin 1858, Abraham Lincoln prononçait un discours resté célèbre dans lequel se trouvait cette prédiction : « Une maison divisée contre elle-même ne peut tenir. Je crois que ce gouvernement ne saurait subsister en étant, de manière permanente, à moitié esclavagiste et à moitié libre. Je ne m’attends pas à ce que l’Union soit dissoute – je ne m’attends pas à ce que la maison s’écroule – mais je m’attends à ce qu’elle cesse d’être divisée. Elle deviendra tout l’un ou tout l’autre. »
Trois ans plus tard, la guerre civile commençait. Cent cinquante-cinq ans après la fin de cette guerre, la plus meurtrière que les Américains aient connue, les États-Unis sont-ils à nouveau à cette « maison divisée contre elle-même » dont parlait Lincoln ? Cette question est au cœur du dernier livre de Christophe Caldwell, intitulé The Age of Entitlement, bien que celui-ci ne la pose jamais explicitement.
Christopher Caldwell est un journaliste américain, mais le terme « journaliste » ne rend pas justice à l’ampleur de ses vues, à l’étendue de sa culture et à la profondeur de ses analySes. Il serait plus exact de dire que Caldwell est l’un des meilleurs analystes politiques américains actuellement en exercice. Son livre précédent Reflections on the Revolution in Europe, paru en 2009 (et publié en français en 2012 sous le titre Une révolution sous nos yeux), décrivait l’islamisation de l’Europe et le « séparatisme » à l’œuvre dans un pays comme la France dix ans avant que nos gouvernants acceptent d’ouvrir les yeux sur le phénomène.
The Age of Entitlement (que l’on pourrait traduire par « l’âge des droits acquis » ou « l’ère des privilèges ») est sous-titré « America Since the Sixties », et Caldwell brosse en effet une vaste fresque de l’évolution des États-Unis ces soixante dernières années avec un art très sûr du détail révélateur. Mais tous les panneaux qui composent cette fresque sont unis par un thème commun : le changement de régime politique provoqué par ce que l’on a appelé « le mouvement des droits civiques ». Le mot changement de régime n’est pas trop fort car la thèse de Caldwell est que, avec la législation sur les droits civiques, les États-Unis se sont donné, sans vraiment le vouloir ni le comprendre, une nouvelle Constitution, essentiellement incompatible avec la Constitution officielle.
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