Article rédigé par Généthique, le 22 avril 2021
Manipuler le vivant n’est pas sans risque. Ainsi, des bovins modifiés afin qu’ils soient dépourvus de cornes « ont été dotés par inadvertance d’une longue portion d’ADN bactérien dans leurs génomes », dont certains gènes qui confèrent une résistance aux antibiotiques.
Pourtant, en 2018, le chercheur He Jiankui n’a pas hésité à fabriquer les « premiers bébés génétiquement modifiés de l’histoire de l’humanité », Lulu et Nana (cf. Chine : la loi modifiée pour interdire les bébés génétiquement modifiés). Son objectif affiché était de les doter d’une version du gène CCR5 naturellement présente chez environ 1% des Européens du Nord dans le but d’immuniser ces enfants contre le VIH.
Le fiasco de Lulu et Nana
Les jumelles Lulu et Nana sont nées. Mais l’analyse de leur génome a révélé que les copies du gène CCR5 « n’ont pas été modifiées de manière uniforme ». « Nana s’est accidentellement vu ajouter une paire de bases supplémentaire à l’une de ses deux copies et en supprimer quatre à l’autre. Quant à Lulu, elle a hérité d’une copie dont 15 paires de bases ont été supprimées par inadvertance, ainsi que d’une version entièrement non modifiée. » Ainsi, elles se retrouvent dotées de versions de CCR5 « entièrement inventées ». Des modifications qui sont transmissibles à leur descendance.
En 2018, le gène CCR5 était essentiellement connu pour le fait de « laisser entrer le virus VIH dans les cellules ». Depuis, différentes fonctions lui sont attribuées : pour « le développement du cerveau, la récupération après un accident vasculaire cérébral, la maladie d’Alzheimer, la propagation de certains cancers et la réaction à une infection par d’autres agents pathogènes ». En effet, les protéines CCR5 « typiques » protègeraient contre toute une série d’agents pathogènes, tels que « le paludisme, le virus du Nil occidental, le virus de l’encéphalite à tiques, la fièvre jaune et les virus respiratoires comme la grippe ».
« Nous ne savons pas comment la vie de ces bébés va être affectée », indique Krishanu Saha, bio-ingénieur à l’université du Wisconsin-Madison, « à quel point elles seront sensibles à divers types de maladies infectieuses ».
Des effets hors cibles confirmés
Les effets « hors cibles » observés chez les jumelles ont été confirmés par d’autres expérimentations. Des chercheurs de l’Institut Francis Crick de Londres ont analysé les effets des ciseaux génétiques CRISPR-Cas9 utilisés sur des embryons humains.
Bien que dans la majorité des cas les mutations induites par CRISPR-Cas9 aient été « de petites insertions ou délétions », dans 16% des cas « d’importantes mutations involontaires » ont été observées, mutations « qui n’auraient pas été détectées par les tests standard ». Les chercheurs suspectent des « délétions de sections d’ADN ou des réarrangements génomiques plus complexes ». Ce type de modifications génétiques involontaires pourrait conduire à des maladies comme le cancer. Leurs résultats ont été publiés dans la revue PNAS[1].
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