Article rédigé par Front Populaire, le 08 avril 2021
Source [Front Populaire] L’avancée du projet « Hercule », qui fait craindre un démantèlement du groupe EDF, doit selon notre contributeur nous faire sortir de la confiance aveugle accordée aux autorités françaises et européennes.
D’aucuns pensent que l’irénisme est la propension de certains de nos semblables à manifester une confiance béate, voire une indulgence aveugle à ceux que la providence, les sélections naturelles, démocratique ou clanique, voire la magouille politique ont investi de la double autorité morale et opérationnelle ; en somme, une gratifiante disposition innée qui inclinerait les heureux élus à une mansuétude permanente servant la paix et la fraternité universelles. Que nenni ! L’irénisme est l’une des plus redoutables et des plus contagieuses maladies modernes.
Comme le sida qui, lors de son apparition, toucha préférentiellement les populations homosexuelles, l’irénisme ne se manifesta discrètement, dans les communautés professionnelles de l’industrie nucléaire française, que vers la fin des années 90. D’abord confondue avec un fayotage intra et trans-entreprises, pratiqué comme un sport national chez EDF, à la Société française d’Énergie Nucléaire (SFEN) et au Commissariat à l’Énergie atomique (CEA), à l’âge d’or des cooptations d’écoles et de filières professionnelles, au fur et à mesure que le sectarisme antinucléaire irriguait d’un sang nouveau les directions fantoches de ces sociétés, on se rendit vite compte que le mal y prospérait dans un bouillon de culture où l’allégeance aux hommes liges du pouvoir politique le disputait au radotage, voire à la sénilité des hussards nucléaires en voie de marginalisation et d’élimination, au rythme des mises en retraite.
Fidèles à leurs chefs, jusque dans l’inactivité, et à la soumission inconditionnelle de ces derniers à l’ordre État-EDF établi, nombre de participants aujourd’hui chenus à la grande œuvre industrielle du XXe siècle jurèrent malgré tout de ne se soustraire à aucun prix à cette double vassalité, quelque péril que puisse faire courir à la pérennité de ladite œuvre une prévarication et une collusion politiques de laquelle on sait aujourd’hui que plusieurs de ces chefs se sont rendus complices, en soutenant leurs successeurs.
La SFEN fut et reste sans conteste le sanctuaire dans lequel cet irénisme peut et a toujours pu donner sa pleine mesure. Mais l’apogée de son règne a été atteint lorsque des retraités d’EDF se sont avisés de le revendiquer sans complexes, en baptisant leur association d’un acronyme qui ne s’invente pas : IRENE ! Ainsi, chaleureusement placés sous la tutélaire égide des apparatchiks de l’avatar écolo de l’opérateur historique, et gratifiés de leurs maigres subsides en même temps que de leur support de communication, les prestigieux vétérans n’ont-ils manqué aucune occasion d’en célébrer le dévouement en trompe-l’œil nucléaire à une mutation de l’homme nouveau, rappelant de bien tristes heures : l’avènement du citoyen climato-responsable. Bref, dans tous les bastions professionnels où les vrais défenseurs d’une industrie nationale en grand péril s’attendaient à voir concocter le puissant antidote à l’empoisonnement politicien de cette dernière, ils n’ont peu à peu découvert que les ravages de l’irénisme : sournoise allégeance sous toutes ses formes aux parrains de la prohibition nucléaire et complaisance à l’égard d’une conjuration qui, de l’Ademe au ministère de la transition écologique, en passant par le Syndicat des énergies renouvelables, par Greenpeace et même par le Réseau de transport d’électricité (RTE), ont fourvoyé les finances publiques et privées de la France dans une impasse tragique.
Le moins que l’on puisse dire est que les personnels actifs et inactifs d’Areva (aujourd’hui éclatée en Orano et Framatome) et de sa nébuleuse industrielle n’ont pas été épargnés par la funeste épidémie. Les dirigeants du premier partagent même, avec leurs homologues d’EDF, la responsabilité de la forfaiture ayant consisté à tolérer le dévoiement technologique d’un outil nucléaire relégué au rang d’accessoire de l’éolien, corvéable à merci pour en compenser les caprices de production. Jusqu’à la CGT qui a été salement touchée par la maladie, sans la trahison de laquelle le sabotage industriel aujourd’hui planifié n’aurait jamais été possible. Ce syndicat qui feint de masquer sa désertion du théâtre d’opérations par des postures, des coups de menton et des résolutions verbales ne trompant personne, n’a en effet plus rien à voir avec son ainé des années 80, dont on pouvait mesurer le degré de susceptibilité en milliers de MWh. Ce qui reste de ce syndicat s’est tout bonnement converti à la doxa d’une mutation électro-énergétique réputée dans l’ordre des choses de la civilisation.
Mais peut-on parler de contamination irénique pour désigner la plus dévastatrice des cautions données à une forfaiture d’État sur le point d’être consommée, dont la portée va bien au-delà du simple « qui ne dit mot consent », lorsque d’anciens hauts dirigeants d’EDF apportent tacitement leur bénédiction aux iniques agissements de leurs héritiers, n’hésitant pas à mettre dans la balance du soutien quasi officiel qu’ils leur manifestent un prestige collectif de l’entreprise dont ils n’ont ni procuration ni délégation à disposer, sous prétexte implicite qu’ils ont assumé certaines responsabilités lors de l’une des plus mémorables épopées industrielles du pays ? C’est pourtant bien ce qu’il nous a été donné d’observer ces deux dernières décennies, entre certains membres d’états-majors homologues d’EDF, à quelques mandats d’intervalle : une usurpation de prestige rappelant douloureusement celle qui dota un jour la France du pire gouvernement de son histoire. Certes, le moment venu, cette dernière ne manquera pas d’établir les responsabilités actives et passives du champ de ruines économique dans lequel aura sombré l’industrie électro-énergétique du pays, mais, comme la fois précédente, ce sera trop tard.
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