Article rédigé par Causeur, le 19 mars 2021
David Lisnard, le maire LR de Cannes, est l’homme qui monte à droite. Mieux, il est celui dont on écoute les analyses. Sa tribune musclée sur l’obésité et l’inefficacité de l’État a impressionné les barons LR, de Sarkozy à Fillon. Car Lisnard ne se contente pas de critiquer, il propose et ne manque ni d’idées ni de convictions. Très confortablement réélu maire de Cannes (88% au premier tour), David Lisnard coche toutes les cases pour attirer l’attention. Et contrairement à d’autres figures à droite, difficile d’accuser cet épicurien non conformiste, fan des Ramones ou des Clash, du délit de « veste matelassée »… Et si David Lisnard, outsider improbable, refaisait le coup de Macron en 2022 ? Nous lui avons posé franchement la question. Entretien.
David Angevin. La folie bureaucratique française que vous avez dénoncée dans le FigaroVox ne date pas d’hier. S’est-elle amplifiée sous Emmanuel Macron?
David Lisnard. Avec la crise sanitaire, la réponse de l’État a confirmé jusqu’à l’absurde les excès de la bureaucratie. Il y a eu pénurie de ce qui est essentiel (masques, tests, vaccins…) et une spirale administrative infernale de normes, de contraintes, et de privations de liberté. L’État obèse a entravé et ralentit les initiatives, quand les circonstances exigeaient rapidité et simplicité. Tout semble fait pour infantiliser les Français, empêcher les initiatives, et enkyster la société. L’État doit s’alléger, se concentrer sur le régalien pour plus d’efficacité, mais l’inverse se produit : on ajoute sans cesse des couches au mille-feuille. Jean Castex a annoncé l’invention de « sous-préfets à la relance » qui seront déployés sur les territoires, pour expliquer aux entrepreneurs comment faire leur boulot… Des sous-préfets à la relance qui seront eux-mêmes en concurrence avec les préfets et sous-préfets déjà en place, qui apprennent souvent les décisions du gouvernement par la presse… Nous avons besoin exactement du contraire : un État fort sur le régalien, léger, efficace, agile.
Lisnard candidat de la droite aux présidentielles, est-ce envisageable ?
Je ne me pose pas la question. Il serait ridicule d’afficher cette ambition, car je ne suis pas très connu. En revanche l’écho de cette tribune, et les réactions positives aux idées que je défends me poussent à continuer. Je vais le faire en proposant dans les prochains mois une plateforme programmatique sur quelques thèmes prioritaires. Et nous sortons mi-avril avec Christophe Tardieu un livre, La culture nous sauvera, sujet qui prend une résonnance particulière dans le contexte actuel.
Vous avez fait de Cannes un laboratoire en matière d’EAC — éducation artistique et culturelle— , et vous multipliez les initiatives pour combler les lacunes de l’Education nationale. Cela marche-t-il ?
L’éducation et la culture sont les clés de la réussite et de l’intégration dans la société. Quand Najat Vallaud-Belkacem a supprimé l’enseignement du grec et latin, en 2015 — énorme bêtise — je suis allé chercher deux profs pour faire de l’initiation en grec et latin (l’éducation nationale interdit d’utiliser le mot cours) de la maternelle jusqu’au CM2. Elles font le tour des établissements sur le temps périscolaire, et ça rencontre un large succès. Nous avons financé la même chose avec la philosophie dans nos écoles primaires. Un professeur passe une heure avec une classe, et travaille sur un thème. Pendant 20 minutes il explique un concept, par exemple le bonheur, la vérité ou la mort. Suivent 20 minutes de débat, de questions. Puis il termine par 20 minutes de bilan avec les enfants. J’ai assisté à certains modules, c’est formidable, y compris avec les plus jeunes. Il faut apprendre dès le plus jeune âge à exercer la raison critique, à décoder le monde, et non pas à coder de l’informatique ! L’intelligence artificielle fera cela mieux que nous dans un futur très proche.
« L’éducation artistique et culturelle, arme de liberté, d’égalité et de fraternité massive » est le slogan de cette politique. On pourrait vous taxer de naïf !
Avec la culture, chacun peut se créer un capital qui lui appartient et lui sert toute la vie. Ce projet est un vecteur de développement personnel, mais il s’agit aussi d’un ciment social.
Je suis inquiet et exaspéré par le rapport des enfants au smartphone et aux écrans
Découvrir la musique classique, apprendre une discipline, jouer dans une pièce de théâtre, d’un instrument en groupe… c’est une émancipation qui permet d’échapper au déterminisme social à la fois par l’effort qui élève et le plaisir émotionnel. Notre but n’est pas de faire des enfants des génies de la musique ou du théâtre, mais avant tout des citoyens, bien dans leur peau, heureux, qui apprennent à travailler en groupe, qui se réalisent dans un sentiment d’appartenance à un même projet et une même culture.
Vous réfléchissez à la création d’une « école du futur », expérimentale. Que reprochez-vous aux écoles classiques ?
Je vais le proposer à l’Éducation nationale, qui risque de dire non… mais je vais le faire quand même. Le défi, c’est de donner aux enfants les clés pour devenir des êtres libres, créatifs, avec une bonne culture générale, un sens critique développé, la capacité à écrire, à s’exprimer en public, à débattre, à travailler en groupe, etc. Il s’agit de favoriser les « soft skills », les «compétences douces ». L’école telle qu’on la connaît n’apprend pas la confiance en soi, l’intelligence émotionnelle, toutes ces aptitudes comportementales, transversales et humaines, qui dans le futur permettront aux jeunes de trouver leur place, à côté des algorithmes et de la robotique qui vont bouleverser le marché du travail. Or, la France n’anticipe pas du tout le changement de monde qui se prépare, sans vision à long terme. Nous continuons à former des jeunes à des métiers automatisables qui vont disparaître, ce qui est inadmissible. Autre problème, le contenu pédagogique. Je suis un parent comme les autres : quand je regarde les livres de cours ou les enseignements de mon fils en CM2, je suis parfois sidéré par ce qu’on propose aux enfants. Un prêchi-prêcha sur l’urgence climatique, les luttes intersectionelles, les transgenres, les cis, les combats LGBTQ+… Je n’ai aucun problème avec l’identité sexuelle des uns et des autres, mais qu’on cesse cet endoctrinement militant ! Pendant ce temps, nos enfants ne font plus de rédaction. À dix ans, apprendre à écrire correctement me semble pourtant plus essentiel que subir ce bourrage de crâne idéologique.
L’Education nationale, plus gros budget de l’Etat avec 55 milliards d’euros, ne brille pas par ses résultats. L’écart de niveau en français entre une copie des années soixante-dix et aujourd’hui est assez terrifiant…
En plus de succomber aux sujets militants à la mode, malgré les efforts de certains enseignants, inspecteurs et recteurs, l’Éducation nationale abandonne l’apprentissage des fondamentaux et la rigueur. Quand j’entends parler nos ados, y compris les filles, et qu’on regarde comment ils écrivent, on constate l’ampleur de l’échec : langage tribal, grossier…
L’islamo-gauchisme est une réalité indéniable
Ne restons pas les bras croisés devant cet échec, alors que des solutions simples et de bon sens existent. D’autres démocraties y parviennent.
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19/03/2021 07:00