Le pape François, l’ONU et le mondialisme
Article rédigé par Jeanne Smits pour Liberté Politique, le 26 février 2021 Le pape François, l’ONU et le mondialisme

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Source [Jeanne Smits pour Liberté Politique] « Construire un monde plus équitable, plus inclusif et plus durable. » Tel est l’engagement pris par vingt-deux grandes sociétés ou entités de taille mondiale entre les mains du pape François lors du lancement, en décembre dernier du « Conseil pour un capitalisme inclusif » qui réunit les grands leaders mondiaux de l’investissement et du commerce et le Vatican. Les engagements pris correspondent, chacun, à l’un ou l’autre des « Objectifs du développement durable » de l’ONU, les fameux « ODD » pour 2030, à tonalité socialisante et aux relents de culture de mort, puisque la « santé reproductive » – euphémisme pour l’accès aux contraceptifs modernes et à l’avortement légal – et la « perspective de genre » en font partie.

 

C’est l’un des actes les plus spectaculaires à ce jour qui soulignent l’alignement du Vatican, sous le pontificat du pape François, sur une vision politique mondialiste soutenue par le très grand capital – bien au-delà et au-dessus de la haute finance, en ce que l’objectif n’est pas d’abord l’enrichissement, mais l’imposition d’une idéologie et d’une organisation politique mondiale dont les dieux sont la « Planète », l’écologie, la « diversité », et dont la spiritualité passe par l’oubli du Dieu vivant et vrai, Un et Trine.

Et cet acte pontifical n’est pas le seul à aller dans ce sens : nous nous attacherons, dans cette réflexion, à détailler les plus récents.

Quel est le poids du magistère du pape François ? En tant que catholique, on se pose volontiers cette question à propos d’actes qui relèvent directement de la compétence pontificale. Mais il y a tout le reste. La popularité de Bergoglio dans de nombreux médias mainstream – qu’aucun scandale touchant l’Église ne parvient à écorner – et l’écoute dont il bénéficie dans les milieux de très grand Épouvoir, lui font jouer un rôle sans précédent sur la scène mondiale, non en tant que témoin de la foi, mais comme collaborateur et ambassadeur d’orientations prises hors de l’Église et hors du domaine de la foi et de la morale qu’elle est chargée de transmettre et d’enseigner.

À ce stade, il est vain de s’interroger à n’en plus finir sur le poids magistériel de ces actes pontificaux d’un nouveau genre. Ils n’en ont pas du point de vue de la mission propre du pape, qui est d’être le vicaire du Christ sur terre et de fortifier ses frères dans la foi. Et de toute façon la réponse est indifférente eu égard au pouvoir effectivement exercé, qui est ici de l’ordre de la praxis et se juge à l’aune du résultat (très loin de la morale traditionnelle qui affirme que la fin ne justifie pas les moyens). On pourrait dire qu’il s’agit d’une sorte de magistère « soft » et circulaire, sans rapport avec la doctrine ou alors en la détournant, et dont la réception est facilitée par le milieu dans lequel il s’exerce tout en soutenant ce dernier.

Que le pape François soit un pape politique est aujourd’hui difficilement contestable. Alors que le huitième anniversaire de son élection approche à grands pas, la cohérence du pontificat devient de plus en plus manifeste : Jorge Maria Bergoglio, l’homme qui affiche saint François d’Assise comme son idéal humain mais aussi sociétal et politique, est avant tout un homme de pouvoir, et d’un pouvoir exercé au service d’un projet bien précis – un agenda, diraient les anglophones. Celui-ci est certes bien visible dans les documents « magistériels » et les prises de décisions dans le domaine religieux que nous évoquions plus haut, mais il l’est peut-être avant tout dans ces rapports avec « le monde ». Avec les hommes et les structures de puissance et d’argent…

Quelle est cette orientation et sur qui s’appuie le pape François pour y entraîner l’Église ? Les instances internationales ont sa faveur, tout comme la promotrice italienne de l’avortement, Emma Bonino, plusieurs fois saluée fort publiquement et aimablement par le pontife régnant pour son combat politique. Mais aussi les économistes en vue et idéologues du climat Jeffrey Sachs et Joachim Schellnhuber, le Démocrate Joe Biden et la porte-parole de l’écologisme, Greta Thunberg. Dans l’univers papal, il y a aussi des indésirables désignés à l’exécration publique : Matteo Salvini, Donald Trump et quelques autres.

Pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, il faut tout de même opérer un court retour en arrière.

Au fil des ans, on a pu comprendre que François est sensible aux « mouvements populaires », notamment à travers la revendication « terre, toit et travail » qui est la leur, au moyen d’une sorte de valeur propre perçue parmi les pauvres qui vivraient dans l’entraide, la recherche de solutions solidaires, la convivialité, le respect de l’harmonie de la nature, exprimant ainsi la meilleure forme de vie sociale. Leurs qualités les font accéder au rang de catégorie religieuse, de « lieu théologique » : il faudrait les regarder pour apprendre qui est Dieu, et ainsi s’en inspirer et s’en nourrir. Face à eux, dans cette dialectique à peine voilée : les « riches » – individualistes, exploiteurs, campés sur leurs certitudes, coupables de mentalité colonisatrice, ancrés dans leurs habitudes et profitant des situations de conflit. Le pape François dénonce ainsi avec une même virulence les pratiques de la mafia et celles des marchands d’armes, la « culture du déchet » qui pousse l’homme moderne à se débarrasser des enfants à naître qui gênent et des vieillards qui encombrent. Tout n’est pas à… jeter dans cette analyse de l’inhumanité contemporaine, mais pour ce qui est de la sphère temporelle, qui n’est pas directement de la compétence papale, nous plaidons le bénéfice d’inventaire.

D’emblée, le pape François a fait transparaître sa prédilection pour les « peuples premiers », les tribus amazoniennes, l’écologisme décroissant, la défense de la « maison commune » qui vise à unifier la famille humaine dans son respect de la planète et sa lutte contre le « changement climatique » qui s’est installée, pour le coup, jusque dans des encycliques et des synodes. Laudato si’, Fratelli Tutti et Querida Amazonia développent une spiritualité qui sous-tend l’ensemble.

Cela se résume en une phrase aux allures de slogan : écouter le cri des pauvres et le cri de la terre !

Et c’est bien dans cette optique que l’on peut inscrire la déclaration faite en commun par le pape François avec l’imam Al-Tayeb à Abu Dhabi dans une Déclaration commune, au nom de la « Fraternité humaine » qui pose l’énorme problème du relativisme religieux. Sur un plan plus pratique, on peut citer la décision de faire participer le Vatican au Haut Comité pour la mise en œuvre du Document sur la fraternité humaine, qui construit actuellement – avec l’approbation et la participation de Rome, donc – la « maison de la famille d’Abraham » qui réunira une église, une mosquée et une synagogue sur l’île de Saadiyat à Abu Dhabi. Ces constructions témoigneront du rapprochement des religions dites « abrahamiques », et il est important de noter que le projet a été dévoilé à New York en septembre 2019, au moment de l’Assemblée annuelle des Nations unies. Le porte-parole du Haut Comité soulignait à l’époque qu’un de ses objectifs est de faire adopter le Document sur la Fraternité humaine par l’ONU, en vue de sa mise en œuvre dans les législations locales des pays membres.

Cela n’est pas tout à fait acquis mais juste avant Noël, le 21 décembre dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté une résolution, présentée par les Émirats arabes unis, en vue d’instituer une Journée internationale de la Fraternité humaine : elle sera célébrée chaque année le 4 février, dès 2021, en vue de promouvoir le dialogue inter-religieux et interculturel. Cette résolution fait explicitement référence à la Déclaration d’Abu Dhabi et proclame que « la tolérance, le pluralisme, le respect mutuel et la diversité des religions et des convictions font prospérer la fraternité humaine ».

Pesez bien ces mots : la diversité des religions est donc un bien à promouvoir, et sous un angle bien précis. Si l’on veut bien se rappeler que cela fait des décennies que l’ONU et ses différents agences, telle l’UNESCO par exemple, affirment que les religions traditionnelles sont à la racine des guerres et des violences qui ont endeuillé l’humanité à travers l’histoire, parce que chacune prétend détenir la vérité, on comprend mieux la logique interne du projet qui vise à les faire cohabiter dans une forme restructurée, où chacune accepte la valeur des autres.

L’honnêteté oblige à souligner que cette orientation n’est pas totalement nouvelle ni réservée, dans l’Église catholique, au pape François et à son cercle ; la tendance s’est même installée depuis une cinquantaine d’années et notamment dans des documents bien connus de Vatican II, mais nous arrivons désormais à des sommets insoupçonnés avant le présent pontificat.

Pour revenir à la constitution d’un Conseil pour un capitalisme inclusif officiellement lancé en présence du pape François, il est comme un aboutissement de tout cela : de ces années (qui nous semblent bien longues), où le pape François a salué et promu les ODD de l’Organisation des Nations, notamment lors de l’adoption en septembre 2015 du nouveau « Programme de développement durable à l’horizon 2030 ». Il s’était rendu au siège de l’ONU pour prêcher ces ODD à l’orée de l’Assemblée générale de 2015, coupant l’herbe sous le pied de ceux qui les critiquent d’un point de vue catholique mais aussi politique et humain.

Tout cela se fait naturellement sous couvert de promotion d’une économie respectueuse de l’homme et des principes moraux, avec la garantie morale de l’Église catholique qui veille au grain – le pape François et le cardinal Peter Turkson, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral se chargent de vérifier que le Conseil pour le capitalisme inclusif s’inscrit bien dans « l’impératif moral de toutes les confessions ».

Voilà donc réunis sous la houlette du pape (mais qui dirige ?) les dirigeants de Mastercard, Allianz, Salesforce, DuPont, Merck, Johnson & Johnson, Visa, Estée Lauder, Bank of America, le Trésor public de l’État de Californie, la fondation Rockefeller, la Ford Foundation et, cerise sur le gâteau, Lynn Forester de Rothschild qui chapeaute Inclusive Capital Partners et soutint naguère Hillary Clinton dans sa course à la Maison Blanche.

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