Article rédigé par institutmolinari.org, le 27 décembre 2020
Source [institutmolinari.org] Les dirigeants occidentaux répètent que les modèles d’efficacité asiatiques face au Coronavirus ne sont pas transposables car ils contreviendraient à notre conception de la démocratie et des libertés publiques. Est-ce vraiment le cas? Et que disent nos choix collectifs des efforts ou souffrances que sont capables de supporter nos sociétés respectives? Extraits d’un entretien avec Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié sur Atlantico.fr.
Atlantico.fr : Les premiers mois de la gestion de la pandémie peuvent être considérés comme le reflet de l’aptitude -ou non- à la gestion de crise des différents gouvernements. Est-il désormais possible de considérer que les politiques sanitaires mises en œuvre sont le reflet de ce que les citoyens des différents pays impactés ont décidé d’accepter comme niveau de contrainte ?
Nicolas Marques. Le gouvernement français était relativement mal préparé et outillé pour gérer une crise sanitaire de ce type. Il est composé de personnes dont l’essentiel des expériences se cantonne à la gestion de crises politiques simples, l’enjeu étant pour eux de définir la politique de communication la plus adéquate et de vérifier qu’elle se déploie bien. Les retours d’expériences de la crise du H1N1 ou des crises sanitaires étrangères n’avaient pas tous été assimilés. L’éventualité d’une crise sanitaire n’avait pas été travaillée de bout en bout par les autorités, contrairement à ce qui avait été fait en Corée du Sud ou en Allemagne. Certes, des travaux d’anticipation avaient été faits en amont, mais sans bouclage opérationnel. On a reparlé dans les derniers jours de l’absence de stock préventif de matériel de protection, alors qu’un avis d’expert recommandait d’accumuler un milliard de masques 10 mois avant le début de la pandémie. Quand la crise est arrivée, elle a été gérée par les autorités sanitaires, alors que les spécialistes français en pilotage de crise sont ailleurs, au ministère de l’intérieur ou des armées, ou sont indépendants, à l’image de Xavier Guilhou ou Patrick Lagadec.
Je ne crois pas que les difficultés rencontrées dans la gestion de cette crise s’expliquent par un refus ou une incapacité des Français à assumer des contraintes. Bien au contraire, au final, il est probable que nous aurons à supporter plus de contraintes, ne serait-ce que parce qu’elles seront imposées plus longtemps. De plus, les Français savent être pragmatiques et prennent nombre d’initiatives. On l’a bien vu quand il s’agissait de fabriquer des masques dans les cellules familiales, associatives ou les entreprises. Le problème est ailleurs. Nos décideurs sont mal préparés. Notre millefeuille administratif, loin d’être proactif ou de laisser faire les initiatives est un frein lorsqu’on navigue dans un univers incertain. La communication officielle a été cacophonique voire contradictoire. Bilan, la légitimité publique est faible, d’où l’impression que nos citoyens ne sont pas prêts à accepter un niveau de contrainte élevé.
D’ailleurs, dans toute une série de domaines, les Français acceptent des contraintes très fortes. Nous sommes, par exemple, un des pays les plus réglementés et fiscalisés au monde, mais ces tendances de fond ont été rendues possibles par le déploiement de narratifs les présentant comme des bonnes nouvelles. Dans la gestion de la Covid, les narratifs officiels ont été contreproductifs.
Atlantico.fr : On affirme souvent que la différence de gestion dans la pandémie peut trouver son origine dans l’opposition démocratie libérale contre régime plus autoritaire, cette opposition n’est-elle pas à la fois réductrice et partiellement erronée ?
Je ne pense pas que l’opposition démocratie libérale ou régime autoritaire détermine la capacité de réaction face à ce genre de pandémie. Quand on regarde les grandes zones, l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord sont les zones où la Covid a fait le plus de dégâts, avec respectivement 790 et 750 morts par million d’habitants. Le Sud a une tradition démocratique moins stable et enracinée, le Nord est une démocratie libérale, et la Covid y fait des dégâts comparables. En Europe, on observe un écart de 1 à 3 entre la mortalité constatée en Allemagne et en France depuis le début de la pandémie, alors qu’il s’agit de pays tout aussi démocratiques. Au sein du Commonwealth, on constate des écarts de 1 à 10 entre la mortalité en Australie et au Canada, et de 1 à 3 entre le Canada et le Royaume-Uni, alors que ces pays ont la même matrice politique.
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27/12/2020 07:00