Article rédigé par François Billot de Lochner, le 17 novembre 2020
A la suite d’un week-end de mobilisation, avec des manifestations de catholiques rassemblés un peu partout en France sur le parvis des églises pour demander le retour de la messe, la situation est en train de bouger, lentement. L’échéance de la mi-décembre pour la reprise des offices, voire de Noël, avait d’abord été avancée. Il est question désormais, à l’issue des échanges entre le Premier ministre et les représentants des cultes, d’une reprise des messes à partir du 1e décembre. C'est encore insuffisant, mais c'est la preuve que les lignes peuvent bouger pour peu que l’on se donne les moyens de faire entendre sa voix.
La mobilisation de terrain était nécessaire, tant la réponse de l’État était inadaptée, pour ne pas dire scandaleuse. Son leitmotiv : le culte n'est pas interdit, puisque la prière et les messes privées ne le sont pas. Une telle ligne de défense révèle le degré de déchristianisation de nos dirigeants, car il s'agit bien évidemment de la négation pure et simple de la spécificité du culte catholique, qui n'existe que par la célébration communautaire de la Sainte Messe, réédition du sacrifice du Christ, source de toute vie pour le chrétien.
Nous saluons tous les organisateurs courageux qui ont monté les groupes, diffusé les attestations et les consignes, demandé les autorisations préfectorales pour que tout se passe dans les meilleures conditions. A l’image de ce qui s’est passé pour les deux référés, celui de mai et celui de novembre, les mouvements attachés à la liturgie traditionnelle ont joué un rôle décisif d’aiguillon : véritables « veilleurs », ils ont permis d’éviter que les médiocres et confortables accommodements avec un pouvoir devenu fou soient la seule voie proposée aux croyants. Un peu partout en France, de nombreux amis de Liberté politique étaient présents sur le terrain et nous ont transmis leur témoignage : ferveur, dignité et détermination étaient au rendez-vous.
La volonté de l'État de criminaliser ces rassemblements, déclarés puis pour certains interdits par les préfets, offre un contrepoids bien commode à la propagande gouvernementale : Gérald Darmanin peut ainsi montrer que "radicalisation" et "communautarisme" ne sont pas l'apanage des musulmans. Mais c'est oublier une fois de plus, évidemment, que les catholiques sont aujourd'hui des cibles et des victimes et non des fauteurs de troubles.
Il faut remercier aussi les beaucoup trop rares évêques, qui ont compris ce qui se passait dans cette mobilisation de terrain et l'ont encouragée. Malheureusement, ils se comptent sur les doigts d’une main. La Conférence des évêques, comme en témoigne la lettre envoyé par Mgr de Moulins-Beaufort à ses homologues, a une nouvelle fois choisi le camp de la soumission à la sainte trinité gouvernementale, Élysée, Matignon et Place Beauvau.
Ceux qui appellent à la patience et vont parfois jusqu’à condamner les rassemblements « pour la messe » n’ont pas compris ce qui se jouait là dans ces manifestations. Elles sont à interpréter à plusieurs niveaux. Pour commencer, elles étaient là tout simplement pour donner corps et réalité à une autre liberté fondamentale, celle de manifester, qui était l’une des rares à subsister dans le champ de ruines laissé par la politique gouvernementale. Nous avons pu voir ce droit à son tour contesté, avec les interdictions de manifestations prononcées par les préfets à Paris, Bergerac ou Poitiers, par exemple. Peut-on encore douter de la dimension dictatoriale de ceux qui nous dirigent ?
Mais plus fondamentalement, ces manifestations ont été mues par la soif des croyants de réaffirmer la profonde nature de la messe et de l’eucharistie : un besoin essentiel, sommet de notre foi, que depuis la venue du Christ des cohortes de chrétiens-martyrs n’ont pas hésité à défendre jusqu’au bout. Au prix de la mise à mort dans les amphithéâtres romains, de la guillotine, sur les places ou dans les prisons de la France révolutionnaire, ou dans tous les goulags du monde. La division au sein des évêques, et au sein des catholiques eux-mêmes, montre une ligne de fracture profonde, et nous ne pouvons nous en réjouir. Certains, fustigeant le soi-disant « extrêmisme » des manifestants, sont allés jusqu’à refuser qu’on utilise l’expression « les catholiques » utilisée par la presse pour relayer ces mouvements : ils ne veulent avoir aucun rapport avec eux, ils réfutent l’idée même d’une communauté unie, qui est pourtant l’une des spécificités de l’Église, une, catholique, apostolique et romaine. Eux-mêmes sont-ils encore catholiques ? La question peut être posée.
Si réclamer la messe est faire preuve d’extrêmisme, qu’en est-il de notre foi ? Pouvons-nous accepter de n'être que des chrétiens recroquevillés sur leur émotion personnelle, en voie de protestantisation avancée, avec pour seul credo, « chacun fait bien ce qu'il veut chez soi » ?
Dans ces conditions, les appels à la patience, à la discipline, à la soumission aux injonctions étatiques n’ont aucun sens : comme s’il s’agissait d’un caprice, d’une foucade passagère! Ce n’est pas une question de simple discipline temporaire, c’est une question fondamentale qui se joue là, et qui a trait au contenu même de la foi.
En définitive, nous entrons dans le temps des persécutions : puissent nos pasteurs prendre la tête de la Résistance, en rejoignant tous ceux qui résistent vaillamment depuis un demi-siècle !
François Billot de Lochner