Article rédigé par Atlantico, le 16 novembre 2020
Source [Atlantico] L’organisation des Frères Musulmans a été créée en 1928 en Égypte. Depuis 30 ans, ils tentent de s'implanter en France dans plusieurs régions, des écoles, des centres de formation religieuse ou des associations loi 1901 qui diffusent leur idéologie, avec la complaisance de pouvoirs public.
L’organisation islamiste des Frères Musulmans est considérée par de nombreux spécialistes comme la matrice idéologique du Jihadisme contemporain. En France, plusieurs responsables de l’association « Musulmans de France », - anciennement appelée Union des Organisations Islamiques de France (UOIF) - sont liés à cette confrérie. Depuis 30 ans, ils sont implantés dans plusieurs régions, des écoles, des centres de formation religieuse ou des associations loi 1901 qui diffusent leur idéologie, bien souvent avec la complaisance de pouvoirs publics peu regardants, comme l’illustre notre enquête en Bourgogne.
L’organisation des Frères Musulmans, confrérie islamo-révolutionnaire dont le fondateur, Hassan al Banna - grand père de Tariq Ramadan - fut également un soutien du régime nazi, a été créée en 1928 en Égypte. D’après l’égyptien Mohamed Abib, qui fut son vice-guide, « elle serait présente dans au moins 70 pays », dont la France. Son objectif : instaurer la charia et organiser la société autour des valeurs de l’Islam partout où vivent des musulmans. Elle est considérée par les experts comme la matrice idéologique du Jihadisme contemporain. Ben Laden a été par exemple formé par feu Abdallah Azzam, figure incontournable de l’organisation.
Actuellement, les deux principaux sponsors de la confrérie sont le Qatar et la Turquie. Les mêmes pays qui activent les campagnes de boycotts contre la France.
Dans l’Hexagone, l’association « Musulmans de France », issue de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) créée en 1983, est considérée par de nombreux spécialistes, ainsi que par le monde du renseignement, comme une émanation de la confrérie islamiste.
D’après les informations publiées sur son site internet, elle regrouperait « 600 associations musulmanes membres et coopérantes réparties sur l’ensemble du territoire français et qui œuvrent dans des champs d’action diversifiés : l’humanitaire, le social, l’éducation, la formation, la culture ».
Youssef Chiheb, directeur de recherches au Centre Français de Recherches sur le Renseignement (CF2R) et auteur d’un ouvrage de référence sur la question intitulée « Les théoriciens de l’Islam radical » (éditions VA), explique : « Je suis catégorique. L’ex-UOIF est une représentation des Frères Musulmans en France. Les Frères musulmans investissent la société civile, l’université et les congrès. Leur tactique, ancienne, consiste à pénétrer les corps intermédiaires, les élites, les élus et les têtes pensantes à travers des programmes de type congrès des musulmans de France, pour ratisser large (…). Ce qui les intéresse, ce sont des musulmans idéologisés mais pas radicalisés, en capacité de devenir un vecteur idéologique ».
L’ex-UOIF - devenue association « Musulmans de France » - s’est ainsi implantée dans de nombreuses régions. À ce titre, la Bourgogne fait figure de laboratoire, puisqu’elle y a créé un centre de formation ainsi que des associations sous le statut de la loi 1901.
Un ancien policier du renseignement territorial explique : « ces gens - là ont pour objectif de pénétrer toutes les sphères de la société en s’appuyant sur le réseau associatif qui leur permet de s’institutionnaliser. ».
Journaliste spécialiste des Frères Musulmans, Bouziane Ahmed Khodja décrypte : « en Europe, les Frères Musulmans ont bâti un programme qui consiste à pousser les jeunes à faire les meilleures études, pour qu’ils intègrent ensuite des organisations politiques ou associatives. Ces jeunes sont ainsi poussés à se rapprocher de mouvements, principalement de gauche, afin de se retrouver un jour présents sur les listes électorales. La France n’est pas un cas isolé, cela se passe aussi en Espagne (…) Il faut toutefois bien comprendre que ces gens ne représentent en aucun cas les musulmans, contrairement à ce qu’ils prétendent. Ils diffusent en fait un projet idéologique. ».
La sénatrice Jacqueline Eustache Brinio (LR), à l’origine de la commission d’enquête parlementaire sur l’islam radical, fait un constat inquiétant à la suite de ses travaux : « l'ex-UOIF a été citée et pointée du doigt comme organe de propagande de l'idéologie des Frères musulmans (…). L’association "Musulmans de France" prône une réislamisation communautariste des musulmans et vise à investir l'action sociale, l'éducation et le champ politique. Le mouvement ambitionne de devenir un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. (…) ».
Youssef al Qaradawi, considéré par la branche qatarienne des Frères Musulmans comme le chef spirituel de l’organisation (depuis une scission avec la branche égyptienne au début 2000), a participé à la fondation de l’IESH (Institut Européen des Sciences Humaines), un institut de formation lié à l’association « Musulmans de France », spécialisé dans l’enseignement de la théologie et du Coran, installé près de Château-Chinon dans la Nièvre. Il a même été membre de son conseil scientifique. Étrange, pour une structure qui prétend pratiquer « l’islam du juste milieu », car au milieu des années 2000, Qaradawi a émis des fatwas exhortant des jeunes à se kamikazer en Israël ou en Irak. Il a par ailleurs appelé à s’en prendre aux juifs et aux homosexuels. Considéré comme un propagandiste du terrorisme islamiste, il s'est d’ailleurs vu refuser un visa d'entrée au Royaume-Uni en 2008, est interdit d'entrée aux États-Unis depuis 1999, et l’a été de territoire Français en 2012 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy. Youssef al Qaradawi a aussi fondé le Conseil européen de la Fatwa et des recherches avec lequel l’association « Musulmans de France » revendique un partenariat sur son site internet.
Au sein de la nébuleuse IESH, on trouve également la trace d’Abdallah Bin Mansour qui a officié en tant que conférencier au sein de son établissement parisien[1]. Ce dernier fut secrétaire général de l’Union des Organisations Islamiques de France (UOIF), l’ancêtre de l’association « Musulmans de France ».
« Abdallah Bin Mansour est un Frère musulman pur-sang. C’est un intellectuel de la confrérie haut placé. Il fait partie des pionniers de l’organisation en Europe. En 2000, il a d’ailleurs encadré un séminaire de formation sur la confrérie dans le Nord de la France (...). Il intervenait aussi auprès des membres de la confrérie pour parler de la laïcité ou comment approcher les chrétiens (...). Il a aussi créé une maison d’édition qui a vulgarisé la littérature des Frères musulmans », témoigne l’essayiste et ingénieur Mohamed Louizi, ancien Frère musulman qui a rompu avec la confrérie en 2006.
En juin 2014, alors que l’UOIF était sur le point d’être placée sur la liste des organisations terroristes par les Émirats Arabes Unis*, Bin Mansour était l’invité d’honneur des Journées du Savoir organisées au palais Congrexpo de Dijon par l’imam Mohamed Ateb, représentant officiel de l’association en Bourgogne.
Parmi les convives, on pouvait noter la présence de conseillers municipaux, de conseillers régionaux et de deux députés.
Si l’on peut comprendre que des élus locaux soucieux de leurs administrés issus de la diversité se soient rendus à cette manifestation, on s’interroge sur le fait que les services de renseignement territoriaux ne les aient pas mis en garde compte tenu du profil de Bin Mansour. Car celui qui fut également l’un des dirigeants de FOIE (Federation of Islamic Organisations in Europe) de 2014 à 2018, organisation liée à la confrérie, n’a jamais mâché ses mots. Voici ce qu’il déclarait lors d’un congrès au Bourget en 2013 : « Si Dieu est avec moi, est-ce que les flics ou les renseignements généraux, ou l’armée, ou les ennemis peuvent me faire quoi que ce soit ? Si Dieu vous apporte son soutien et son secours, personne ne peut vous vaincre », avant de reprendre quelques minutes plus tard : « Les gens, ils pensent (…) qu’ils vont déclarer la guerre au foulard et qu’ils vont vaincre ? (…) ». Étrange d’invité d’honneur, pour une association qui a pignon sur rue dans la capitale Bourguignonne.
Mohamed Louizi, l’ancien Frère musulman, explique : « il y a une double facette entre les associations déclarées en préfecture et ceux qui font partie de la confrérie (...). Ateb a assisté à des conférences auxquelles ne participaient que des Frères musulmans ayant prêté serment d’allégeance à la confrérie. Pour moi, il n’y a donc pas débat sur ses liens avec elle (...) ».