Article rédigé par Valeurs actuelles, le 04 novembre 2020
Source [Valeurs actuelles] Énarque et médiatique, turbulent, influent parfois au-delà de son camp, Jean Messiha révèle ce soir démissionner de la formation politique présidée par Marine Le Pen. Il tente de le faire sans attaques personnelles, mais sans minimiser de vraies divergences de fond. Sur l’Europe, l’islam, la famille, le rôle de Marion Maréchal, le fonctionnement du parti, mais aussi l’épineuse question de la candidature en 2022. Entretien.
Valeurs actuelles : Quelles sont les raisons qui vous poussent à quitter le Rassemblement national ?
Jean Messiha : C'est le résultat de plusieurs mois de réflexions, influencées par mes nombreuses réunions avec nos militants et sympathisants. Après les élections de 2017, je me suis lancé dans une grande tournée des fédérations départementales pour remonter le moral des troupes et remobiliser des militants complètement sonnés par les résultats de la présidentielle, mais aussi des législatives qui nous ont donné moins de 10 députés. J'ai aussi repris mon bâton de pèlerin pour les européennes et les municipales.
Au cours de ces innombrables weekends passés loin de chez moi, j'ai perçu partout un mélange d'espoir et de scepticisme. Nous faisions tous le même constat : nous avons largement gagné la bataille des idées, mais nous n'arrivons pas à susciter un grand élan populaire qui se traduit par des victoires très franches dans les urnes, à l'exception peut-être des européennes. Pire, nous avons un mal de chien à susciter des vocations pour porter nos couleurs au niveau local. A cet égard les municipales de 2020 ont été une révélation. Marine le Pen avait lancé en 2012 – il y a 8 ans déjà – une grande stratégie d'ancrage local. C’est une excellente stratégie. Mais force est de constater que dans un nombre incalculable de communes, nous n'avons pas pu présenter de listes aux municipales de cette année, faute de candidats crédibles.
La victoire à Perpignan de Louis Aliot a, assurément, été remarquable et doit beaucoup à sa stratégie d’ouverture et bien sûr à ses qualités personnelles. Mais il faut admettre que, dans le même temps, les Verts enregistraient des succès incroyables (Marseille, Lyon, Strasbourg, Poitiers, Tours, Besançon, etc.), pendant que les partis traditionnels résistaient très bien dans la plupart des communes.
Il y a aussi, il faut le dire, des décisions qui laissent un peu rêveur. Comme celle d'investir pour Paris, la capitale de la France, un candidat non-RN, parfaitement inconnu, d'un niveau affligeant et qui a, sans surprise, enregistré un résultat d'une faiblesse historique (1,2%).
À un moment donné et au vu de ce faisceau d’éléments, vous êtes obligé de vous poser des questions. C'est un peu comme une équipe de foot qui a beaucoup de supporters et un sélectionneur plein de bonne volonté mais qui ne gagne pas ou très rarement. On ne peut pas constamment dire que c'est la faute du terrain, de l'arbitre, du ballon ou des journalistes sportifs. Il y a sans doute d’autres explications et je me sens plus à l'aise et plus libre pour y réfléchir en dehors du RN.
Marine le Pen a pris ses distances avec vous lors de l'émission de LCI du dimanche 25 octobre sur la question de l'Islam en France. Elle est d’ailleurs revenue sur vos divergences dans l’émission d’Apolline de Malherbe sur BFM il y a quelques jours. Etait-ce prévisible ?
J'en ai été surpris. Elle m'a reproché d'avoir dit que Samuel Paty avait été décapité par un musulman en colère. Apparemment il eut fallu que je disse que c'était un islamiste. De fait, je ne veux plus utiliser ce terme car c'est une façon trop commode de dissocier l'islam de sa frange radicale. On ne le fait d'ailleurs pour aucune autre religion. A-t-on inventé un mot spécial pour décrire les catholiques intégristes, les Juifs ultras-orthodoxes ou les hindouistes extrémistes ? Non.
Elle a également cru bon d'expliquer mes positions sur l'islam en France par mes origines à la fois égyptienne et copte alors que c'est en tant que Français républicain, inquiet de la place croissante que prend l'islam dans notre société, que je me suis exprimé ainsi.
Et je ne veux pas laisser se propager l'idée que les Coptes seraient un peuple persécuté en Égypte et que cela expliquerait la venue de mes parents en France. Les Chrétiens d’Égypte vivent dans un pays à dominante musulmane dont ils doivent accepter les codes civilisationnels et ils sont, de fait, régulièrement pris pour cibles par des musulmans extrémistes. Mais le régime égyptien n'est absolument pas anti-copte ou anti-chrétien et ne l'a jamais été, sauf sous le président issu des Frères musulmans Mohamed Morsi.
Nous nous sommes expliqués, Marine le Pen et moi-même, sur cet épisode et le sujet est très amicalement clos. Elle considère que l'islam en tant que religion n'est pas un problème pour la France. A l’inverse, moi je pense que l’islam en tant que religion pose un problème à la France. Elle dissocie la religion musulmane de l'idéologie islamique radicale. Moi je pense que cette dernière puise au cœur même du Coran. Mais attention : en disant cela, je ne démonise pas mes chers concitoyens et amis musulmans qui vivent paisiblement ici. Je dis simplement que plus cette religion se développera en France par l'immigration moins la France sera la France.
Je pense que nous avons aussi une différence de sensibilité sur l'identité française. Malgré mes origines étrangères, je suis très intransigeant sur cette question : je défends mordicus l'européanité de la France métropolitaine. Marine Le Pen a des réserves sur ce concept et je respecte cela.
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