Article rédigé par Constance Prazel, le 30 octobre 2020
Notre monde tourne à la déraison et se meurt d’avoir voulu chasser la mort. Nous entrons dans une deuxième phase de confinement, avec plus d’incertitudes que jamais. Emmanuel Macron, dans son allocution de mercredi, a justifié les nouvelles restrictions de liberté par un scénario apocalyptique, en expliquant qu’il prenait ces décisions « difficiles » pour éviter de voir se réaliser des projections à plus de 400 000 morts. Mais la réponse ne fait qu’apparaître de manière criante l’impréparation du gouvernement, l’hésitation perpétuelle sur les stratégies à adapter, les incohérences, les contradictions, et son rapport irrationnel à la mort.
Toutes les mesures qui s’enchaînent et nous enchaînent depuis l’été, sans parvenir à enrayer la maladie, sont prises au nom d’une peur panique du nombre de morts, mais elles détruisent tout sur leur passage. On nous explique que les morts du Covid justifient tous les sacrifices. La mort absurde et solitaire des personnes âgées privées de l’attention de leur famille. La mort de tous ceux qui souffraient d’autres maladies et n’auront pas été soigné à temps. La mort de ceux qui se donneront la mort faute d’avoir réussi à payer leurs traites et leurs charges, après avoir tenté des semaines et des semaines durant de ne pas sombrer. La mort de nos petits commerces, de nos restaurants, de tous ces lieux qui font la joie de notre quotidien et qui doivent céder la place aux échanges mortifères des plateformes en ligne, qui elles, comme le Covid, ont tous les droits. Ces morts-là, le gouvernement ne veut pas en entendre parler. Il ne s’agit pas d’opposer stupidement le fait de « sauver l’économie » contre « sauver des vies », comme certains naïfs pétris de bonne intention le laissent croire. L’économie broyée, ce sont aussi des vies, par millions, des destinées brisées, des blessures profondes qui vont rester et se payer, très cher.
Les chiffres de la mortalité sont soudainement surévalués affectivement, alors que tout est fait par ailleurs pour ôter la dignité de la vie : un étrange et sinistre paradoxe. Les mêmes qui, en d’autres circonstances, préfèrent privilégier l’élimination des bébés handicapés dans le sein de leur mère parce qu’ils seront une charge pour la société, et expliquent qu’ils représentent un coût qu’elle ne peut supporter, n’hésitent pas aujourd’hui à tout sacrifier à coups de milliards à la divinité du Covid. Les mêmes qui veulent à tout prix éviter la surmortalité due à l’épidémie – alors qu’elle touche de manière écrasante les personnes les plus âgées – défendront dans quelques mois, si besoin, l’euthanasie. Les mêmes qui veulent limiter le nombre de morts s’acharnent à rendre la mort toujours plus sordide et honteuse.
Qu’il est loin le temps où l’on priait de se voir accorder les grâces d’une « bonne mort » : partir l’âme en paix devant Dieu, pardonné de ses péchés, et entouré de l’affection des siens. Désormais, la grâce de la bonne mort est tout simplement interdite par l’Etat. On cherche à tout prix à éviter les morts, et la mort, elle, ne peut être regardée en face, célébrée, honorée, bref, intégrée à la vie. L’exemple le plus éclatant est évidemment les nouvelles restrictions portées contre le culte. A partir du 2 novembre, jour des défunts, les messes seront à nouveau interdites. Ne nous cachons pas derrière des abus de langage : non pas « adaptées », « suspendues », mais bien « interdites ». Le mois de novembre est traditionnellement le mois consacré à la prière pour les défunts, mais cette prière consolatrice est désormais passible d’amende. La communauté des croyants, comme la communauté nationale, mêle traditionnellement les vivants et les morts, et c’est ce qui fait sa force. Là aussi, nous devons vivre un éclatement, un déchirement de liens qui font le tissu des sociétés humaines depuis la nuit des temps.
Ce n’est donc pas un hasard si l’aveuglement vis-à-vis de la mort est aussi l’aveuglement de nos dirigeants vis-à-vis du terrorisme islamiste. Ils s’obstinent à ne pas regarder en face les réalités d’autres morts, celle de Conflans Sainte-Honorine ou de Nice. Ils refusent d’accepter que nous sommes entrés depuis longtemps dans une guerre, une guerre de civilisation, et une guerre qui, en toute logique, fait des morts. La Toussaint 2020 a des airs de Toussaint rouge. Le 1e novembre 1954, la France plongeait dans la guerre d’Algérie à la suite d’une multitude d’actes terroristes dispersés sur tout le territoire des trois départements algériens. Comment ne pas voir une répétition de ces événements terribles dans le déchaînement de violence auquel nous avons assisté hier ? Décapitation et égorgement à Nice, attaque au couteau à Lyon et à Djeddah, tentative d’attentat à Sartrouville. La mort est partout, mais en dehors des sempiternelles déclarations offusquées, les véritables mesures pour mettre fin à la spirale de destruction de notre pays ne sont toujours pas prises, car aucun homme politique en place n’a actuellement le courage de s’affranchir des normes de la bien-pensance et du droit européen pour briser la chaîne qui unit l’immigration à l’islamisation et au terrorisme. « Nous autres civilisations savons désormais que nous sommes mortelles »… Qui sauvera notre pays de la mort ?
Constance Prazel