Article rédigé par Le Point, le 11 septembre 2020
Source [Le Point] Et le procès devint directement politique. Et les journalistes présents, nombreux, consciencieux, alignés sur les bancs des salles 2.02, 2.03, 2.04, furent directement apostrophés. Ce mercredi, lorsque le journaliste Fabrice Nicolino vient témoigner, il refuse la chaise qui lui est proposée. Il boite, il s'aide d'une béquille, mais il reste debout, les mains aux hanches. Sur l'attentat contre Charlie Hebdo, il ne livre que quelques mots. « Qu'est-ce que je peux vous dire ? »
Trente ans plus tôt, le 29 mars 1985, il avait été victime d'un premier attentat islamiste, au cinéma Rivoli Beaubourg où il avait entraîné deux amis pour un festival du film juif. Paradoxalement, dit-il, cet épisode l'a peut-être sauvé : le 7 janvier 2015, quand tous ses amis se soulèvent de leur siège en voyant entrer les terroristes, exposant leur poitrine et leur visage, lui se jette aussitôt en arrière, essayant de tirer une table sur lui. Il reçoit trois balles, une dans chaque jambe, une dans l'épaule. Il y a ensuite les hôpitaux, les opérations, la brume de la morphine, plus tard un changement de prénom, un déménagement dans le Morbihan – toutes choses sur lesquelles il ne s'étend pas.
Fabrice Nicolino raconte en revanche très précisément ce que le journal est devenu. « Quand on arrive à Charlie aujourd'hui, à Paris, en 2020, il y a une porte métallique, bardée de badges et de caméras. La porte s'ouvre, il y a un premier sas qui conduit à une deuxième porte métallique, qui conduit à une cour pavée, à droite de laquelle il y a un système de contrôle à rayons X. On arrive à une troisième porte, à l'épreuve des balles, un sas, une quatrième porte. Là, on arrive à l'entrée de Charlie, elle est bourrée de flics évidemment, puis il y a un ascenseur, on arrive à une cinquième porte très épaisse, on la tire, on a parfois du mal à l'ouvrir, puis une sixième porte, aussi épaisse que la première, avec un vigile. On entre, on est maintenant à Charlie. On arrive, on s'assoit, et là on doit rigoler parce que Charlie est un journal rigolo. »
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