Article rédigé par Le blog de Jeanne Smits, le 08 septembre 2020
Source [Le blog de Jeanne Smits] C’est aujourd’hui, 1er septembre, la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la Création. L'événement est d’importance puisque pendant 34 jours – presque la durée d'un carême – d’ici au 4 octobre se célébrera le « Temps de la Création », sorte de temps pseudo liturgique œcuménique proposé aux 2,2 milliards de chrétiens de la planète. Le pape François a marqué avec enthousiasme cette journée du 1er septembre et repris les éléments de langage du « Temps de la Création » œcuménique au service de la justice écologique.
Il n'est pas le seul : le patriarche Bartholomée Ier de Constantinople s'est exprimé de la même manière que le pape, dénonçant la destruction de l’environnement et de la biodiversité, « l'écroulement progressif de l'équilibre climatique » et autres conséquences, selon lui, du « développement économique ». Le patriarche a plaidé pour que « l'intégrité de la nature constitue un impératif catégorique pour l’humanité contemporaineé » et pour que la promotion de la protection de l'environnement constitue « le thème fondamental du dialogue interreligieux et des initiatives partagées par les religions ».On est en réalité très loin d'un thème proprement religieux et encore davantage la recherche de la vérité sur Dieu, même si le patriarche insisté pour dire que la protection de la création est une « dimension centrale » de la foi orthodoxe au titre d’« acte de doxologie du nom de Dieu ».Le nombre de « dimensions centrales » d'une religion est cependant par nature limité. Pour le christianisme, et pour la religion catholique à plus forte raison, le centre, c'est le Christ, vrai Dieu et vrai homme comme l’affirment aussi bien les catholiques que les orthodoxes.
Notre religion est centrée sur Dieu et non sur l'homme et encore moins sur l'univers créé. Elle apprend à l'homme ce qu'il faut croire et faire pour accéder à la vision béatifique qui n'est certes pas de ce monde.Dans son message pour la Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la création, le pape François a fait un appel semblable à celui du patriarche Bartholomée, exhortant les catholiques à participer à cette démarche œcuménique aux relents discrètement panthéistes. Il n'est pas avant tout question en effet du salut individuel dans le face à face avec Dieu, et de la possibilité de le perdre, mais du « destin ultime de la création » qui « est d’entrer dans le “sabbat éternel” », comme le dit le pape François.Son message contient des expressions pour le moins curieuses : « Nous existons seulement à travers les relations : avec Dieu créateur, avec les frères et sœurs en tant que membres d’une famille commune, et avec toutes les créatures qui habitent la même maison que nous », écrit-il.
Ce ne sont cependant pas les relations qui « seules » constituent l'être, mais l’être lui-même : notre existence dépend d'abord de la dépendance de Dieu qui nous crée et nous soutient dans l’être et qui offre à chaque être humain la possibilité, par la grâce, de vivre éternellement avec Lui.D'où un sentiment de gêne à la lecture de ce message qui évoque certes le fait que « nous avons brisé les liens qui nous unissaient au Créateur, aux autres êtres humains et au reste de la création », mais qui n’évoque nullement la cause de cette rupture, à savoir le péché originel qui a blessé la nature humaine et déséquilibré la nature tout court, en rendant l’homme radicalement incapable de connaître l'amitié avec la Sainte Trinité sans être d'abord racheté de la faute d’Adam et de ses propres fautes.C'est peut-être cela qui explique les relents utopistes du message de François. Plaidant pour un Jubilé, un « nouveau départ » qui n'est pas sans rappeler le « great reset » ou la grande remise à zéro souhaitée par les grandes instances internationales, il écrit :« Le Jubilé nous invite à penser de nouveau aux autres, spécialement aux pauvres et aux plus vulnérables.
Nous sommes appelés à accueillir de nouveau le projet initial et aimant de Dieu pour la création comme un héritage commun, un banquet à partager avec tous les frères et sœurs dans un esprit de convivialité ; non pas dans une compétition déréglée, mais dans une communion joyeuse, où l’on se soutient et se protège mutuellement. Le Jubilé est un temps pour donner la liberté aux opprimés et à tous ceux qui sont pris dans les fers des diverses formes d’esclavage moderne, dont la traite des personnes et le travail des mineurs. »En soi, le tableau est alléchant : on y devine la fin de la pauvreté, de l’injustice, de l'esprit de domination. Mais à y réfléchir cela apparaît plutôt comme le rétablissement d'un paradis terrestre, et ceux au moyen de la prise en compte, d'abord, des besoins de la terre, qui ne passerait pas d'abord par une conversion personnelle à Dieu, avec le secours de sa grâce, mais par un idéal de « partage » universel dont la mise en œuvre a coutume d'aboutir à bien des bains de sang.Le pape insiste d'ailleurs sur son slogan dans Laudato si’ : « Tout est lié. » Il écrit :« Nous avons besoin de revenir, en outre, à l’écoute de la terre, désignée dans l’Ecriture comme adamah, lieu d’où l’homme, Adam, a été tiré. Aujourd’hui, la voix alarmée de la création nous exhorte à retourner à une juste place dans l’ordre naturel, à nous rappeler que nous sommes une partie, et non pas les patrons, du réseau interconnecté de la vie. La désintégration de la biodiversité, l’augmentation vertigineuse des désastres climatiques, l’impact inégal de la pandémie actuelle sur les plus pauvres et les plus fragiles sont des sonnettes d’alarme face à l’avidité effrénée de la consommation. » Revoilà le lien désormais solidement établi par les puissances mondiales entre le COVID-19 et la crise écologique, une sorte de devoir de décroissance (même si le pape n'emploie pas le mot) et le « changement climatique ».
Admirer la nature, comme le pape nous y appelle, comme œuvre de Dieu, quoi de plus normal ? Mais le pape François ajoute : « La capacité à nous émerveiller et à contempler est quelque chose que nous pouvons apprendre spécialement des frères et sœurs autochtones qui vivent en harmonie avec la terre et ses multiples formes de vie. »Toujours ce mythe des peuples premiers, qui avant même de connaître le Christ grâce aux efforts des missionnaires ayant tout quitté pour leur apporter la Vérité et la Vie, auraient su bien mieux que quiconque trouvé la manière juste d'habiter cette planète !La pandémie elle-même est présentée comme une merveilleuse occasion :« La pandémie actuelle nous a amenés, en quelque sorte, à redécouvrir des styles de vie plus simples et durables. La crise, dans un certain sens, nous a donné la possibilité de développer de nouvelles façons de vivre. Il a été possible de constater comment la terre réussit à se reprendre si nous lui permettons de se reposer : l’air est devenu plus sain, les eaux plus transparentes, les espèces animales sont revenues dans de nombreux endroits d’où elles avaient disparu. La pandémie nous a conduits à un carrefour. Nous devons profiter de ce moment décisif pour mettre fin à des activités et à des finalités superflues et destructrices, et cultiver des valeurs, des liens et des projets génératifs. Nous devons examiner nos habitudes dans l’usage de l’énergie, dans la consommation, dans les transports et dans l’alimentation. Nous devons supprimer de nos économies les aspects non essentiels et nocifs, et donner vie à des modalités fructueuses de commerce, de production et de transport de biens. »
Oubliés, la misère, le chômage, la privation pour tant d'hommes de la possibilité de faire vivre dignement leurs familles, la perte de la liberté de circuler et surtout d'assister à la messe, les points marqués contre des pays occidentaux plongés dans une récession spectaculaire ? La création est-elle pour l'homme ou l'homme pour la création ? Et encore : si l'homme n'est pas fait pour accumuler des richesses matérielles, n'est-ce pas parce qu'une richesse infinie attend celui qui accepte d'être racheté par le Précieux Sang du Christ ?Le pape François affirme que le jubilé « invite à rétablir des relations sociales équitables, en restituant à chacun sa liberté et ses biens, et en effaçant la dette des autres. » De fait, tel était le Jubilé des Israélites, raisons pour laquelle le pape demande une nouvelle fois que l'on efface « la dette des pays les plus fragiles », en invoquant une nouvelle cause : les « graves impacts des crises sanitaires, sociales et économiques qu’ils doivent affronter suite au COVID-19 ».D’autres dettes ne devront pas être effacées ; on en trouvera même de nouvelles. « Dès lors, nous ne devrions pas oublier l’histoire de l’exploitation du Sud de la planète, qui a provoqué une dette écologique énorme, due principalement au pillage des ressources et à l’utilisation excessive de l’espace environnemental commun pour l’élimination des déchets », écrit le pape François.Sans surprise, il insiste nouveau sur l’« urgence » climatique, appelant au respect des accords de Paris sur le climat en attendant le nouveau sommet sur le climat, la COP 26 qui se déroulera à Glasgow. Et ajoute : « Il est nécessaire de soutenir l’appel des Nations Unies à sauvegarder les 30% de la Terre comme habitat protégé avant 2030, afin d’endiguer le taux alarmant de perte de biodiversité. J’exhorte la Communauté internationale à collaborer pour garantir que le Sommet sur la biodiversité (COP 15) de Kumming, en Chine, constitue un tournant vers le rétablissement de la Terre comme maison où la vie soit abondante, selon la volonté du Créateur. »Que l’écologie détournée par le mondialisme soit précisément opposée à l'abondance de la vie humaine, celle-ci étend considérée comme la principale ennemie de la « maison commune », le message du pape n’en dit mot. Il préfère se réjouir de la mobilisation des peuples autochtones pour l’écologie.
Mais ce n'est pas cela qui nous rétablira dans l'amitié avec Dieu.Rappelons que la journée de la création en tant que quasi fête liturgique a été institué par le patriarche orthodoxe Demetrios de Constantinople. Celui-ci invita en 1989 « toutes les églises du monde orthodoxe et chrétien à faire des prières de remerciement pour le grand don du monde créé, des prières pour sa protection et son salut… le 1er septembre, le début de l’année liturgique orthodoxe. »En 1989, l'URSS était en pleine perestroïka sous la houlette de Michael Gorbatchev qui a lui-même décrit la nécessité de transformer le monde politique en renonçant au régime autoritaire soviétique pour se mettre au service de la maison commune et de la planète.
Est-ce un hasard ?