Article rédigé par François Billot de Lochner, le 17 juillet 2020
Depuis quelques mois il est une chaîne de télévision, CNews, qui trace sa route avec détermination, engrangeant d’impressionnants succès d’audience, qui donnent brûlures d’estomac, malaises et insomnies à toute une clique de journalistes et de politiciens…
Et pour cause, cette popularité, dont ils aimeraient bien pouvoir profiter ne serait-ce que du quart de la moitié, va à des figures hautement répréhensibles du politiquement incorrect, au premier rang desquels on trouve bien sûr Eric Zemmour.
Avec son émission de décryptage quotidien de l’actualité, « Face à l’info », diffusée du lundi au jeudi depuis octobre 2019, le chroniqueur a trouvé un lieu d’expression tout à sa mesure. Comme il faut bien contrôler un minimum les « dérapages » éventuels, l’émission, d’abord en direct, est désormais diffusée en « léger différé ». On ne saurait être trop prudent, n’est-ce pas ? D’une durée d’une heure, elle est devenue un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui ne supportent plus l’indigence des débats politiques sur les grandes chaînes (qui ne prennent d’ailleurs même plus le risque d’en proposer), et qui se régalent de l’art de l’éditorialiste de mettre les pieds dans le plat avec intelligence, devant des contradicteurs ou têtes d’affiche de choix terminant généralement l’exercice assez éreintés, à l’image de Raphaël Enthoven ou de Bernard Henri-Lévy.
Les chiffres sont au rendez-vous, permettant à CNews de passer, sur le même créneau horaire, devant LCI, TF1 et franceinfo en termes d’audience. Chaque émission est l’occasion de battre un nouveau record, avec un pic atteint le 28 mai à près de 500 000 téléspectateurs. Le confinement a plus que jamais rendu les Français friands d’un langage de vérité…
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la chaîne concentre désormais les attaques de la bien-pensance. Elle est aux mains de Vincent Bolloré, et du groupe Canal +, qui n’a pas pour autant renoncé à ses vieilles lunes, en témoigne la nouvelle récente du projet de chaîne de TV pornographique en partenariat avec le site Jacquie et Michel, dénoncée par Stop au porno. Mais à l’heure du libéralisme, on fait confiance à ce qui marche. Le directeur de la chaîne, Serge Nedjar, en bon libéral, assume totalement ses choix, ne regrette pas une seconde, et se réjouit de ses succès. Son audience explose, que demander de plus ?
Mais ce n’est pas tout ! Non contente d’héberger Zemmour et de lui offrir une tribune sans précédent (jusque-là, ses autres émissions TV-phares, chez Ruquier, puis sur Paris Première, n’étaient qu’hebdomadaires), la chaîne fait appel aussi à d’autres figures de droite conservatrice : Gabrielle Cluzel, rédactrice en chef de Boulevard Voltaire, y fait régulièrement des interventions, en particulier auprès de Laurence Ferrari dans « Punchline » ; Charlotte d’Ornellas y est chroniqueuse dans l’émission « L’Heure des Pros ». Il se murmure même que Marion Maréchal aurait été sollicitée par Nedjar. Les intéressés démentent pour l’instant. Enfin, depuis mai, une émission dirigée par Aymeric Pourbaix, « En quête d’esprit », met la foi et le spirituel à l’honneur tous les dimanches matin.
Progressivement, CNews s’autorise donc à franchir la ligne entre ce qui est politiquement correct et médiatiquement autorisé, et ce qui ne l’est pas. Pas plus tard qu’hier, Véronique Jacquier, journaliste politique de la chaîne, a défrayé la chronique en rappelant haut et fort que la France a colonisé l’Algérie pour mettre fin à la piraterie barbaresque et à l’esclavage. Eric Zemmour a donc fait des émules, et la parole se libère sur une chaîne "du système". Ne boudons pas notre plaisir : il y a des jours où, dans le désert de pluralisme auquel nous sommes habitués, un peu de libéralisme intéressé a du bon !
François Billot de Lochner