Article rédigé par Le Figaro, le 15 juin 2020
Source [Le Figaro] Avec l'arrêt des ressources liées aux messes, une dizaine de diocèses, déjà en difficulté structurelle depuis plusieurs années, risquent de se retrouver dans le rouge.
«Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’Argent», prévient Jésus dans les Évangiles. Sages paroles pour un curé de paroisse… Mais ô combien plus ardues pour un économe, ce laïc chargé d’administrer les finances d’un diocèse dans l’Église catholique.
En France, l’Église ne vit pas de ressources immobilières ou financières, mais essentiellement de dons des fidèles. Or, le confinement et l’arrêt des messes ont privé les paroisses de leurs principales ressources. À tel point que la Conférence des évêques de France (CEF) s’apprête à lancer une campagne inédite d’appel aux dons, du 13 au 28 juin, via une plateforme dédiée.
«55% des ressources n’ont pu être collectées pendant un mois et demi. Cela fait un trou de 10 à 15% du budget annuel, qui s’élève à 530 millions d’euros», détaille ainsi au Figaro Ambroise Laurent, économe de la CEF. Cet appel aux dons, explique-t-il, devrait permettre de rattraper le retard sur les recettes habituelles qui n’ont pu être collectées pendant le confinement : quêtes, offrandes de messe, casuel (frais de baptême, mariage, obsèques). À l’échelle nationale, Ambroise Laurent ne se dit pas inquiet. Mais à l’échelon local, le confinement a accentué la tension sur certains diocèses qui faisaient déjà face, depuis plusieurs années, à une situation structurelle fragile. «Une trentaine de diocèses seront en difficulté s’ils n’agissent pas dès à présent, dont une dizaine déjà tendus qui va se retrouver dans le rouge si on ne rattrape pas la situation», s’alarme-t-il.
Ces derniers temps, la question de vendre des biens immobiliers a donc fait son chemin dans le diocèse de Troyes, en guise de solution. «La particularité de notre diocèse, c'est qu'on est dans la ruralité, avec beaucoup de personnes à desservir : donc plus qu'ailleurs, nos dépenses d'infrastructures et de fonctionnements sont importantes, avec des bâtiments épars et de nombreux déplacements», confie l'économe diocésain Thierry Colin. Sur ce territoire, les réserves se sont épuisées progressivement sur une dizaine d'années, pour arriver actuellement à 700.000 euros de déficit. En cause, notamment, l'entretien coûteux des biens immobiliers: «On a fait face à de nouvelles réglementations sur l'accessibilité et l'énergie, qui nous ont obligés à faire beaucoup de travaux. D'autres sont prévus ces 10 prochaines années.»
Dès lors, Thierry Colin et son équipe ont commencé à songer à la vente de salles paroissiales ou de presbytères. Mais l'idée a dû mal à être acceptée au niveau des paroisses, premières concernées :«Des gens qui avaient un local disponible à 1km vont désormais devoir faire 10km. Pour les presbytères, regrouper des prêtres veut dire les forcer à faire plus de kilomètres pour desservir les paroisses, ce qui n'est pas sans conséquences, notamment chez les plus âgés».
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