Article rédigé par Constance Prazel et Pierre-Marie Sève, le 22 mai 2020
Il y a tout juste six mois, le mercredi 20 novembre, Emmanuel Macron faisait des annonces très fortes contre la pornographie et manifestait son désir de mettre un frein à la vague pornographique, notamment en protégeant les mineurs.
« On n’emmène pas un enfant de 13 ans dans un sex-shop », plaidait-il. Le président demandait tout d’abord aux opérateurs internet que soit institué un contrôle parental automatique sur les sites, « par défaut ». Dans ces conditions, l’accès simple aux sites pornographiques devrait faire l’objet d’une démarche volontaire, au lieu du contrôle préalable de ces mêmes sites, ce qui est le cas actuellement. L'autre demande du gouvernement concernait la loi sur le contrôle de l'âge, à partir d’un constat de bon sens : « le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une preuve suffisante contre l'accès à la pornographie des mineurs de moins de 15 ans. » Le gouvernement témoignait donc par cette déclaration d’une volonté de renforcer les dispositifs de contrôle de l’âge sur les sites en ligne.
La balle était dans le camp des opérateurs internet et des exploitants de sites pornographiques. On peut aisément imaginer qu’ils se sont montrés assez peu empressés à répondre à l’invitation présidentielle. La crise du covid-19 et le confinement ont rendu malaisées les discussions et les réalisations pour changer concrètement le système en vigueur. Mais c’est même l’inverse qui s’est produit : la période de confinement a non seulement « gelé » toute initiative, mais elle a même constitué un formidable encouragement au développement des plateformes pornographiques qui, comme nous l’avons dénoncé dès les premiers jours du confinement, ont saisi l’opportunité d’avoir des millions de gens bloqués chez eux devant leurs écrans pour diffuser toujours plus de contenus pornographiques, à des conditions toujours plus « avantageuses ». Avec pour résultat la hausse de 12 % du trafic mondial, observée par la première des plateformes, PornHub.
L’Etat aurait pu se saisir de cette situation dramatique : cela n’a pas été le cas. De notre côté, nous avons lutté auprès de la presse pour empêcher la diffusion de ces promotions scandaleuses – avec succès, et écrit au Secrétariat d’Etat au numérique, notre démarche étant assortie d’une pétition, pour demander l’imposition de restriction sur la consommation de données web par les sites pornographiques – sans réponse. Au même moment, on apprenait plutôt que les ministres et secrétaires d’Etat préféraient blaguer entre eux sur les sites X…
Cette semaine sonne la fin du délai accordé aux opérateurs internet pour proposer leurs solutions. « Si dans 6 mois nous n'avons pas de solution, nous passerons une loi », avait déclaré en novembre le Président de la République. Les opérateurs devront désormais répondre de leurs actes et le gouvernement devra avancer sur ce sujet conformément à ses engagements. Nous y veillerons, et avons déjà écrit en ce sens à l’Elysée. Il ne faut pas que la période de confinement débouche sur la victoire inexorable de tous ceux qui travaillent avec acharnement à l’enfermement moral et physique des Français dans la dépendance, en diffusant sans limite leurs contenus pornographiques.
Constance Prazel
Vice-présidente de Stop au porno
Pierre-Marie Sève
Délégué général de Stop au porno