Article rédigé par Marianne, le 11 mai 2020
Source [Marianne] Les juges allemands viennent de mettre ce 5 mai la BCE sous surveillance et lui rappellent que la Loi fondamentale nationale est supérieure aux traités européens.
On aurait tort de tourner en dérision le jugement qui vient d’être rendu public ce 5 mai par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Expliquer que la décision est motivée par la déception d’un président de Cour qui va prendre sa retraite alors qu’il rêvait de devenir président de la République ou par une volonté allemande de « jouer avec le feu » en recourant à un juridisme destructeur est un peu court. On remarquera, avec une touche d’amusement, que certains commentateurs de la décision font peu de cas du texte des Traités alors qu’ils les ont parfois portés sur les fonts baptismaux et qu’ils les ont, en tout cas, soutenus sans relâche jusqu’à une période récente… On serait tenté de leur dire : cet enfant diabolique, c’est le vôtre !
Les questions soulevées par la Cour sur la politique monétaire de la BCE sont surprenantes pour ceux qui pensaient que, lors d’une panique financière, on doit oublier le droit, mais elles ne sont pas illégitimes. La création massive de monnaie a certes pour avantage de calmer l’inquiétude des investisseurs, de permettre de gagner du temps face à la crise, mais l’Histoire nous apprend qu’elle comporte également de graves dangers. Quand la création monétaire va durablement au-delà des besoins de l’économie réelle, les liquidités vont en effet s’investir dans la spéculation. Jacques de Larosière, ancien gouverneur de la Banque de France, ancien membre du Comité Delors qui a préparé l’avènement de la monnaie unique, a dénoncé, dès 2016, dans une tribune au Monde, la dépendance des banques centrales à l’égard des marchés financiers et les risques que cela faisait courir à terme pour la stabilité financière.
Il n’est donc pas scandaleux que la politique de la BCE soit soumise à un débat public et que les juges, garants du respect des Traités, s’expriment. A cet égard, depuis une dizaine d’années, les mises en garde ne sont pas seulement venues de la Cour constitutionnelle allemande. En 2012, puis en 2018, la Cour de Justice européenne avait déjà lancé des avertissements en fixant des conditions précises aux pratiques de l’OMT (soutien apporté à un Etat moyennant l’adoption d’un plan de redressement) et du Quantitative easing.
En 2012, la Cour de Justice a ainsi considéré que les achats de dettes publiques de la BCE doivent se concentrer sur des emprunts ayant une durée courte et que les titres achetés ne peuvent être conservés jusqu’à leur échéance qu’à titre exceptionnel. Ce qui signifie par exemple que certaines propositions récentes d’émission de dettes perpétuelles, achetées et conservées ad vitam aeternam par la BCE, n’ont aucune chance de prospérer.
En 2018, pour valider le Quantitative easing, la Cour de Justice européenne avait également pris acte de l’existence de deux règles de proportionnalité qui avaient été introduites dans le règlement de la BCE : premièrement, l’interdiction de détenir plus de 33% de la dette d’un Etat et deuxièmement, l’impossibilité de détenir dans la dette d’un Etat plus que le pourcentage de l’Etat concerné dans le capital de la BCE (ainsi, par exemple) comme l’Italie pèse environ 15% du capital de la BCE, la totalité des rachats par la BCE ne peut pas dépasser ce ratio. Leur suppression récente, à titre temporaire, pourrait poser un problème à la BCE si un recours était fait à propos du nouveau programme de Quantitative easing mis en place pour faire face à la crise pandémique.
Retrouvez l'intégralité de l'article en cliquant ici