Article rédigé par Constance Prazel, le 07 avril 2020
L’un des fruits de la modernité s’appelle la « Nouvelle Evangélisation ». Voilà de nombreuses années que l’on en entend beaucoup parler, sans qu’il soit toujours évident de savoir ce que le terme recouvre. La Nouvelle Evangélisation devait être la mise en œuvre des outils du monde contemporain au service de la foi. On nous en a rebattu les oreilles, mais il aura fallu attendre l’épidémie du coronavirus pour que nombre de paroisses, de communautés, s’en saisissent.
En ces temps de confinement, la toile, les réseaux sociaux bruissent d’initiatives inventives, de processions virtuelles, de messes rediffusées en direct et en différé, de temps d’enseignement et de prière… C’est une bonne chose, mais que de temps perdu pour occuper ces immenses espaces trop longtemps laissés vierges de toute présence divine ! Il faut le dire, rares étaient les communautés qui s’y étaient mises sérieusement avant la crise, et parmi elles, on trouvait notamment quantité de communautés « traditionnelles », que la Tradition n’a jamais empêchées d’utiliser intelligemment le meilleur de la technologie.
Oui, il faut se réjouir de cet esprit missionnaire qui permet de garder le lien, et peut-être, de toucher de nouveaux cœurs. Mais le virtuel ne fait pas tout, comme le rappelait il y a quelques jours avec force Monseigneur Vigano, dans un entretien accordé au journal américain The Remnant. Il ne faudrait pas qu’emportés dans notre félicité numérique, nous finissions par penser que le monde peut bien tourner ainsi et que l’on peut se dispenser des sacrements, du moment qu’on a un direct sur Facebook et 1 000 abonnés sur la chaîne YouTube de la paroisse. Et notre cœur s’attriste devant, en regard, la timidité des initiatives concrètes et non virtuelles pour pratiquer et recevoir les sacrements, faire vivre notre religion de manière incarnée.
Livreurs, petits producteurs, artisans se démènent pour proposer, en temps et en heure, des livraisons de chocolats et de gigot d’agneau fermier pour Pâques, sans parler des fruits, des légumes et du lait cru, mais il n’est pas possible d’organiser quelque chose pour distribuer les Rameaux bénis ? Nous restons également perplexes devant la facilité avec laquelle une partie non négligeable du clergé s’est pliée aux directives publiques sanitaires sans broncher, parfois même en les devançant, sans rappeler avec force que rien ne saurait remplacer pour les croyants la dispensation des sacrements, en particulier pour les mourants, et que des aménagements sont toujours possibles : la Pologne en a apporté la preuve, qui a maintenu des offices en petit comité, mais en plus grand nombre, en garantissant la distanciation des fidèles.
Au jour de l'Annonciation de Notre-Dame, les évêques du Portugal et d'Espagne ont consacré leurs pays au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie, tout comme les évêques d'Irlande, d'Angleterre et du Pays de Galles. Nombre de villes et de diocèses ont choisi de placer leurs communautés sous la protection de la Très Sainte Vierge Marie. Ces initiatives sont bien évidemment louables, mais donnent le sentiment de gestes dispersés, débitrices du charisme individuel de tel ou tel pasteur, sans qu’on sente un mouvement unanime et « choral » de l’Eglise, selon les termes de Monseigneur Vigano, alors même que la situation n’a jamais été aussi propice à un message fort pour tous les croyants et même au-delà, car c’est dans les crises que l’autorité spirituelle de l’Eglise peut le plus aisément briller aux yeux de tous. Quand les corps souffrent, il est plus important que jamais de toucher les âmes !
Constance Prazel