Article rédigé par Constance Prazel, le 27 mars 2020
Les Turcs sont aux portes de l’Europe et menacent tout l’édifice comme en d’autres temps, les Grecs repoussent tant bien que mal l’assaut des migrants, ne pouvant compter que sur le soutien de quelques nations isolées, et l’Europe dans son ensemble, en proie au coronavirus, tombe en déliquescence.
Devant la panique sanitaire, chacun des Etats membres joue une partition de « chacun pour soi » de manière assez consternante. Aucune politique cohérente sur la gestion des frontières n’a été menée, et en fait de solidarité européenne, la pauvre nation italienne, exsangue, doit compter sur le soutien de la Russie, de la Chine et de Cuba avant d’espérer se faire aider par la France ou l’Allemagne.
Dans ce chaos, les bureaucrates bruxellois estiment qu’il est des dossiers beaucoup plus urgents à traiter que la coordination des politiques sanitaires ou la régulation du flux migratoire : nous en voulons pour preuve le chantier réouvert de l’élargissement de l’Union Européenne à l’Albanie et à la Macédoine du Nord. Mercredi 25 mars, jour de l’Annonciation, les Vingt-Sept ont officiellement donné leur accord pour l’ouverture des discussions en vue de l’adhésion de la Macédoine du Nord et de l’Albanie, le tout grâce à une visio-conférence des ministres des Affaires étrangères, suivie d’une déclaration écrite, coronavirus oblige.
Procédure inhabituelle : Bruxelles se félicite de la capacité des institutions européennes à poursuivre ses avancées stratégiques même en période de crise… Y a-t-il vraiment de quoi pavoiser ? La Macédoine du Nord tente d’entrer dans l’Union depuis 2004, l’Albanie depuis 2009. Jusque-là la France avait mis son veto à cet élargissement. Le 18 octobre 2019, il y a donc tout juste cinq mois, Emmanuel Macron mettait un veto sans ambiguïté à cette entreprise hasardeuse. Nous pouvions alors nous féliciter de sa fermeté, évidemment dénoncée par Jean-Claude Juncker. Las ! Cette fermeté ne pouvait être que de courte durée. Le président Macron vient de retirer ce veto, en cachette, alors que les Français sont préoccupés par leur difficile quotidien : un retournement de veste caractérisé, pour parler familièrement, dont il espère peut-être qu’il passera inaperçu.
Ursula van der Leyen, la présidente de la Commission européenne, est, selon ses propres mots, « ravie » : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possible. Ursula van der Leyen défrayait il y a peu la chronique en mettant en garde sur le « danger » (sic) que représentait la fermeture des frontières en pleine épidémie : elle aggrave manifestement son cas.
De quoi s’agit-il ? L’Albanie est le pays du continent européen qui comporte le plus fort pourcentage de musulmans avec le Kosovo (plus de 95 % de la population à proximité de la frontière kosovare, par exemple). La mafia albanaise, particulièrement active, est à la pointe du trafic d’héroïne en Europe et maîtrise de colossaux réseaux de prostitution. Mais qu’est-ce en regard de la fraternité européenne, nous rétorquera-t-on ? Ce n’est donc pas la première fois que l’Union européenne enfourche le cheval de l’islamisation avec détermination.
L’Allemagne et les Pays-Bas ont a minima demandé quelques réformes supplémentaires à l’Albanie avant d’aller plus loin. Emmanuel Macron ne s’est pas donné cette peine. Le Premier ministre de Macédoine du Nord se félicite aussi de la décision et explique que l’Union Européenne est leur perspective : « un point de non-retour », pour reprendre ses termes. Nous ne pouvons qu’espérer que le processus soit encore réversible, afin que l’entrée de ces deux Etats dans l’ensemble européen ne soit pas non plus, pour nous, un point de non-retour.
Constance Prazel
Déléguée générale de Liberté politique