Article rédigé par Le Blog de Jeanne Smits, le 06 mars 2020
Source [Le Blog de Jeanne Smits] Il est urgent d'abroger les lois qui « discriminent » à l'encontre des femmes et de la communauté LGBT+ au nom de la religion : telle est la conclusion, en substance, d'un rapport publié fin février par le rapporteur spécial de l'ONU sur la liberté de religion et de croyance, le Maldivien Ahmed Shaheed. Le rapport est téléchargeable ici.
La photo ci-dessus illustre le communiqué de presse de l'ONU à son sujet ; elle représente un couple lors de la Gay Pride de Ney York en 2018.
Son rapport met dans le même sac la lapidation pour adultère et l'interdiction de l'avortement, les mariages précoces ou forcés et les « stéréotypes de genre » qui impose tel ou tel rôle aux hommes et aux femmes en fonction de leur sexe, la criminalisation des actes homosexuels et l'accès aux droits familiaux pour les LGBT.
Ce rapporteur onusien chargé d'assurer le droit de chacun de pratiquer sa religion (ou de n'en avoir point) met en balance deux types d'approche : d'une part, une série de droits absolus dont l'ONU assure systématiquement la défense – droits relatifs au genre, droits des femmes, droit à la santé reproductive, etc. –et de l'autre, les droits liés à la religion, plus relatifs, qui peuvent être restreints dès lors qu'ils portent atteint aux premiers. Ces droits d'ordre religieux comprennent évidemment tous les préceptes de la morale traditionnelle qui doive céder le pas devant la nouvelle anti-morale globale.
Précisons tout de suite qu’Ahmed Shaheed, expert indépendant et d'ailleurs non rémunéré pour ce rapport n'émet que des avis consultatifs. Il n'empêche que sa prose est distribuée par les canaux d'information de l'ONU et entre dans le corpus des documents internationaux où il est d'usage qu'on se cite mutuellement, et que la terminologie utilisée dans les documents contraignants en soit affectée.
S'agit-il dans le cas du rapport présenté au Conseil des droits de l'homme de l'ONU de proposer que les religions traditionnelles modifient leurs croyances et leurs préceptes moraux ? Comme l’observe Rebecca Oas de l’organisation pro-famille C-Fam, Shaheed ne va pas jusque-là, mais il pose que le christianisme et l’islam sont susceptibles d'être interprété de manière « patriarcale » ou non, et il cite des universitaires favorables à des réinterprétations « progressistes » des grandes religions traditionnelles.
On retrouve ici l'idée force du mondialisme actuel qui s'accommode de l'existence de religions mais à la condition de leur restructuration afin de les rendre compatibles avec le relativisme global qui les met toutes sur un pied d'égalité, sous la coupole des droits de l'homme est au service d'une prétendue harmonie d'ensemble.
Cette approche permet au demeurant de mettre toutes les religions dans le même sac, sans faire de distinction, par exemple, entre la reconnaissance de mariages forcés dans le cadre musulman et l'interdiction de l'avortement pour quelque motif que ce soit dans des pays de tradition catholique ou chrétienne.
Le rapport dénonce de même comme abusivement fondées sur des considérations religieuses des restrictions imposées en Pologne sur la revendication de « droits LGBT » ou de l'expression de ce mode de vie.
C'est ainsi que le résume le rapport d’Ahmed Shaheed :
« Il est particulièrement préoccupant de constater que dans toutes les régions du monde, les acteurs invoquant des justifications religieuses pour leurs actions ont plaidé auprès des gouvernements et du grand public pour la préservation ou l'imposition de lois et de politiques directement ou indirectement discriminatoires à l'égard des femmes, des filles et des personnes LGBT+. Dans toutes les régions du monde, le rapporteur spécial a identifié des lois promulguées dans le but d'imposer des normes de conduite prétendument exigées par une religion particulière qui privent effectivement les femmes et d'autres personnes du droit à l'égalité et à la non-discrimination sur la base de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. »Voici ce qu'affirme le rapport à propos de l'avortement, de l’accès à la procréation artificielle, à la contraception et au changement de sexe :
« Le rapporteur spécial note que dans un certain nombre de pays du monde, les gouvernements continuent de maintenir des interdictions partielles ou totales d'accès à l'avortement, et que des personnalités religieuses ont à la fois encouragé ces mesures et plaidé contre les efforts de réforme des lois. Lors des consultations tenues en Amérique latine, il a été affirmé que les lois et les politiques qui restreignent les droits sexuels et reproductifs dans la région sont inspirées par des édits religieux discriminatoires, y compris les interdictions partielles ou totales de l'accès à l'avortement et à la contraception, les interdictions des technologies de reproduction assistée et de la chirurgie de réassignation sexuelle, et la limitation de l'offre d'une éducation sexuelle factuelle. »
Autre exemple :
« Les participants à la consultation ont également indiqué que les lois restrictives sur l'accès à l'avortement et à la contraception en Afrique subsaharienne étaient pour la plupart héritées des lois coloniales antérieures à l'indépendance, mais qu'elles sont maintenues, en partie, en raison des pressions exercées par certains groupes religieux. Environ 13,2 % des décès maternels dans la région “peuvent être attribués à des avortements non médicalisés”. »
En clair, il s'agit d'une revendication mondiale de la légalisation sans condition de l'avortement, et d’une dénonciation des constitutions protectrices de la vie dès la conception – comme aux Philippines – mais aussi des revendications en dans le sens de la moralité traditionnelle, attribuées à une conception « patriarcale » de la religion.
Lisez plutôt :
« Le rapporteur spécial est profondément préoccupé par les nombreux rapports qu'il a reçus et par les informations fournies à d'autres mécanismes des Nations unies pour les droits de l'homme, selon lesquels des groupes d'intérêt religieux seraient engagés dans des campagnes qualifiant d'“immoraux” les défenseurs des droits qui luttent contre la discrimination fondée sur le sexe et qui cherchent à saper la société en épousant “une idéologie de genre” préjudiciable aux enfants, aux familles, aux traditions et à la religion. Invoquant des principes religieux ainsi que la pseudoscience, ces acteurs plaident pour la défense de valeurs traditionnelles ancrées dans les interprétations des enseignements religieux sur les rôles sociaux des hommes et des femmes en fonction de leurs prétendues capacités physiques et mentales naturellement différentes ; ils demandent souvent aux gouvernements d'adopter des politiques discriminatoires. D'autres Procédures spéciales des Nations unies et des participants à des consultations régionales ont également documenté les activités de groupes de mieux en mieux coordonnés qui abusent, disent-elles,de la liberté de religion ou de conviction sur les différents continents dans les médias, par le biais de litiges et de campagnes politiques visant à contrer les droits de l'homme au nom de la religion ou des croyances. »Ahmed Shaheed se défend cependant de s’en prendre aux religions en tant que telles en soulignant l’existence de tendances diverses en leur sein :
« Le rapporteur spécial note cependant que le rôle des groupes religieux dans la perpétuation des normes qui favorisent les attitudes inéquitables entre les sexes est complexe car les communautés religieuses elles-mêmes ne sont pas monolithiques. Une multitude de voix s'élèvent au sein des groupes et institutions religieux, y compris des acteurs confessionnels qui font campagne pour les droits des femmes, des filles et des personnes LGBT+ et travaillent à promouvoir l'égalité des sexes au sein de leur confession. Les défenseurs des religions, à travers de multiples traditions, ont longtemps cherché à contester les normes et les attentes qui sapent les droits humains des femmes, des filles et des personnes LGBT+ ; beaucoup ont élargi les rôles de direction et d'influence des femmes dans les religions et ont contesté les interprétations des textes religieux qui sont utilisés pour “justifier” la discrimination et d'autres pratiques néfastes à l'encontre des femmes, des filles et des personnes LGBT+. « Leurs travaux montrent clairement que les religions ne sont pas nécessairement la source de la discrimination et de la violence fondées sur le sexe, mais que ce sont plutôt les interprétations de ces croyances, qui ne sont pas protégées en soi et qui ne sont pas nécessairement partagées par tous les membres d'une communauté religieuse, qui sont souvent à l'origine de la violence et de la discrimination fondées sur le sexe. »
En clair, l'ONU ne protège pas ou ne devrait pas protéger les religions en tant que telle mais uniquement les droits individuels de leurs fidèles, et ce à condition que lesdits fidèles se soumettent à l'obligatoire protection des droits du genre, de la « santé reproductive », etc.
Ahmed Shaheed l’exprime ainsi, évoquant « l'intersection » entre les droits religieux et des droits des femmes et des LGBT+ en général :
« Une part essentielle du droit à la liberté de religion ou de conviction est que la liberté de religion ou de conviction ne doit pas être utilisée à des fins incompatibles avec la Charte des Nations Unies ou les instruments pertinents des droits de l'homme. »L'une de ses recommandations les plus parlantes doit être citée :
« Abroger les lois discriminatoires, y compris celles qui ont été adoptées en référence à des considérations religieuses, qui criminalisent l'adultère, qui criminalisent les personnes sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur identité ou expression de genre, réelle ou perçue, qui criminalisent l'avortement dans tous les cas ou qui facilitent les pratiques religieuses qui violent les droits de l'homme. »
D'ailleurs, il réclame ouvertement les restrictions à l'objection de conscience dès lors qu'il s'agit de protéger l'accès à l'avortement par exemple :
« Veiller à ce que les protections juridiques permettant aux individus de manifester leur religion ou leurs convictions, par exemple dans le cadre des soins de santé, n'aient pas pour effet de priver les femmes, les filles ou les minorités fondées sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre du droit à la non-discrimination ou d'autres droits ; dans tous les cas, les États devraient garantir le droit à l'intégrité physique et mentale ainsi que le droit à la santé, y compris à la santé génésique, des femmes, des adolescents et des personnes LGBT+, ainsi que l'accès effectif aux services de santé génésique et à une éducation sexuelle complète, conformément aux normes internationales. »
Voilà comment s'exprime le totalitarisme « soft » de l'ONU : d'abord à travers des textes non contraignants comme celui-ci, mais avec l'objectif à peine dissimulée de disposer à l'avenir d'une argumentation qui permette peu à peu de restreindre la liberté, chrétienne notamment, d'affirmer la morale naturelle.
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