Pourquoi l’économie française est grippée
Pourquoi l’économie française est grippée

Source [L'Opinion] Il est temps de révéler aux Français les raisons pour lesquelles le pays va mal, et pourquoi les marges de manœuvre dont dispose le gouvernement pour agir, sont extrêmement limitées.

Depuis la fin des Trente glorieuses, l’économie française est à la peine : chaque année, depuis une quarantaine d’années, le budget de L’État est en déficit et la dette du pays augmente.

Elle est devenue considérable et elle a maintenant atteint ses limites : elle est passée de 21 % du PIB, en 1980, à 100,4 % aujourd’hui, et notre pays a donc franchi depuis des années déjà, sans que l’on s’en alarme, la barre des 60 % qui est imposée aux pays membres de la zone euro par le traité de Maastricht.

La France régresse : sa part dans les échanges mondiaux est passée de 6,3 % en 1980 à 3,0 % à présent, et elle n’est plus la cinquième puissance mondiale mais la septième, battue récemment par le Royaume-Uni et l’Inde.

Les Français paraissent ignorer ces réalités : ils campent sur une vision fausse de la situation dans laquelle se trouve leur pays, et le sociologue Olivier Galland nous dit d’eux, fort justement, dans un récent article du Figaro :

Ils veulent s’enrichir et travailler moins : une bonne partie d’entre eux sont convaincus qu’il existe un trésor caché, une illusion.

Une jacquerie, que l’on a appelée la Révolte des Gilets jaunes, s’est ainsi déclenchée en novembre 2018, qui a très fortement ébranlé tout le pays, et se poursuit encore aujourd’hui : chaque samedi des casseurs s’attaquent aux vitrines des banques et ils brisent les devantures des commerces de luxe. Malgré les concessions faites par les pouvoirs publics, les Gilets jaunes maintiennent leurs revendications : ils veulent de meilleurs salaires et moins d’injustices sociales.

Il serait donc temps de dévoiler aux Français la situation réelle dans laquelle se trouve le pays.

DIRE POURQUOI L’ÉCONOMIE FRANÇAISE VA MAL

La presse informe régulièrement les Français sur la conjoncture économique : taux de chômage, inflation, évolution de l’épargne et du pouvoir d’achat des ménages, etc. C’est son rôle, les problèmes de structure de l’économie relevant de la compétence des revues économiques spécialisées.

Quant aux partis d’opposition, ils n’ont aucun programme : ils se bornent à réclamer d’une façon lancinante des économies dans les dépenses de l’État, prenant les effets du dysfonctionnement de notre machine économique pour des causes.

Il faut donc révéler aux Français les raisons pour lesquelles le pays va mal, et leur expliquer que les marges de manœuvre dont dispose le gouvernement pour agir, sont extrêmement limitées.

Emmanuel Macron aurait dû commencer son quinquennat par là. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? Cela lui aurait évité bien des difficultés. Est-ce par crainte, ce que l’on peut comprendre, de dégrader l’image du pays dans le monde, ou bien, ce qui parait à peine croyable mais n’est pas impossible, par pur méconnaissance des réalités ? On ne le saura jamais.

Les raisons pour lesquelles notre économie se porte mal résultent d’une erreur de pensée de nos dirigeants, au lendemain de la période faste des Trente Glorieuses : ces dirigeants avaient tous été formés à la même école, et ils avaient tiré comme conclusion des travaux du fameux statisticien, Jean Fourastié, la conclusion qu’une société moderne n’a plus d’industrie.

Elle passe automatiquement, leur avait-t-on dit, du secteur primaire, l’agriculture, au secteur secondaire, l’industrie, puis du secteur secondaire au secteur tertiaire, les services, en sorte qu’une société moderne n’aurait plus de secteur industriel.

Mais tel n’est pas le cas, car une société moderne conserve comme moteur son secteur secondaire : celui-ci emploie moins de personnels que précédemment, mais il s’agit d’une industrie hyper-industrielle où la numérisation et l’intelligence artificielle jouent un rôle déterminant, avec des emplois qui sont devenus à très forte valeur ajoutée.

Jean Fourastié n’avait pas pu prévoir cela. Nous rappellerons donc, ci-après, par quel enchaînement fatal notre machine économique en est venue à se trouver paralysée.

LE RÔLE MOTEUR DE L’INDUSTRIE

Dans tous les pays la production industrielle continue à jouer un rôle moteur. Il existe, on va le voir, une corrélation extrêmement forte entre la production industrielle des pays et leur PIB par tête, et c’est bien ce que montre le graphique ci-dessous où la production industrielle des pays est calculée per capita, et non pas, comme les économistes ont le tort de le faire habituellement, en pour centage du PIB.

Le coefficient de corrélation est extrêmement élevé, et l’on voit ainsi pourquoi la France, du fait d’une production industrielle particulièrement faible, a un PIB/tête modeste.

D’une façon tout à fait inattendue, c’est la Suisse qui ressort comme ayant le ratio de production le plus fort, et il en résulte, tout naturellement, un PIB par tête extrêmement élevé, le plus fort de tous les pays européens : un peu plus de 80 000 dollars, alors que celui de la France n’est que de 41 000 dollars.

LA FRANCE A LE TAUX DE POPULATION ACTIVE LE PLUS FAIBLE DE TOUS LES PAYS EUROPÉENS

La France a un taux de population active extrêmement faible, et c’est un handicap sérieux pour notre économie. Dans notre secteur industriel, il manque au moins 1 800 000 personnes, et si ces emplois existaient, le secteur des services s’en trouverait renforcé de 3 600 000 postes supplémentaires, les économistes considérant qu’un emploi dans le secteur secondaire génère deux emplois dans le secteur tertiaire.

Il n’y aurait donc, ainsi, plus de chômage en France. Cela est simple à comprendre mais n’est jamais expliqué. Notre taux de population active est de 45,7 % seulement, alors qu’il s’agit de 52,2 % en Allemagne, 53,7 % en Suède, et 58,3 % en Suisse, sans parler de la Corée.

Ce taux insuffisant de population active se trouve aggravé par des durées de travail des personnels salariés bien plus courtes en France que dans les autres pays, tant pour ce qui est du travail hebdomadaire qu’annuel.

LA FRANCE CHAMPIONNE DE L’OCDE EN MATIÈRE DE DÉPENSES SOCIALES

Pour remédier aux dégâts causés par la grave désindustrialisation du pays, l’État s’est trouvé contraint, et il l’a fait chaque année, d’accroître ses dépenses sociales. Aussi, en est-on arrivé, maintenant, à ce qu’elles atteignent des montants tout à fait considérables : elles s’élèvent à 31,3 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est à 20,1 %.

En Suisse il ne s’agit que de 16,0 %, et en Allemagne de 25,1 %. Si on voulait les ramener au taux moyen de l’OCDE il faudrait les réduire de 261 milliards d’euros !

LA FRANCE CHAMPIONNE DU MONDE DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Les dépenses sociales n’ont pas cessé de gonfler les dépenses publiques, et elles en sont venues à représenter un peu plus de 58 % de celles-ci en 2018. Pour boucler ses budgets, l’État s’est trouvé contraint de s’endetter un peu plus chaque année, malgré l’accroissement régulier de ce que les économistes appellent les « prélèvements obligatoires », des prélèvements qui en sont arrivés à être maintenant les plus élevés de tous les pays européens.

Et les entreprises, malheureusement, ont été mises à contribution, bien plus qu’il n’aurait fallu, en sorte que notre secteur productif, depuis des années, a cessé d’être compétitif. Et ce phénomène a tout particulièrement affecté les entreprises industrielles qui ont à se battre sur le marché mondial.

UNE DETTE NATIONALE QUI A COMMENCÉ À DEVENIR SUPÉRIEURE AU MONTANT DU PIB

Fin 2019, les 17 milliards d’euros lâchés par Emmanuel Macron aux Gilets jaunes, ont fait que la dette extérieure du pays a finalement dépassé le niveau du PIB. Les économistes, tout comme Bruxelles et le FMI, s’en inquiètent, bien que les taux d’intérêt soient particulièrement bas.

Les intérêts de la dette publique constituent, il faut le noter, un poste supérieur au budget de la Défense nationale.

DES MARGES DE MANŒUVRE DE L’ÉTAT EXTRÊMEMENT RÉDUITES

Tel est l’état dans lequel se trouve notre machine économique : la croissance est tirée par la consommation et celle-ci est alimentée par la dette extérieure.

Si l’on renonce à accroître la dette nous n’avons plus de croissance, et si l’on veut qu’il y ait de la croissance il faut consentir à augmenter la dette du pays. Notre économie est au taquet.

L’État n’a plus aucune marge de manœuvre, et Emmanuel Macron s’est trouvé contraint, par conséquent, de changer de discours sur le déficit du budget de l’État qu’il avait promis de ramener à 0,3 % du PIB en fin de mandat. On l’a vu déclarer à l’hebdomadaire The Economist auquel il donnait en anglais une interview : « Le combat sur les 3 % est un combat du siècle passé ».

Et il a renoncé à supprimer les 120 000 postes afin d’alléger les effectifs de la fonction publique. Les dépenses publiques, constituées à près de 60 % par des dépenses sociales, sont politiquement impossibles à réduire : pour une très bonne part, elles sont les conséquences de l’amenuisement drastique de notre secteur industriel qui n’est plus qu’à la moitié de ce qu’il devrait être.

La France est aujourd’hui le pays qui, en Europe, est le plus désindustrialisé, la Grèce mise a part. Si le pays voulait se redresser il faudrait qu’il parvienne à remonter son secteur industriel à 17 % ou 18 % au moins du PIB, alors que l’on est tombé actuellement à 10 % : l’Allemagne en est à 24 % et la Suisse à 22 %.

Il en résulterait une réduction, en valeur relative, des dépenses sociales : le budget de l’État reviendrait à l’équilibre, et la dette de la nation se réduirait. Mais pour y parvenir, pour autant que l’on se fixe cet objectif, il faudrait au moins une vingtaine d’années. Et encore, en mettant des bouchées doubles, car, maintenant, la Chine est là !

LES FRANÇAIS ET L’INCULTURE EN ÉCONOMIE

Selon un sondage effectué en août dernier pour BFM-TV, les Français se disent à 64 % pessimistes sur l’avenir de notre société : ils ont raison de l’être, mais encore faudrait-il qu’ils prennent conscience qu’il va leur falloir beaucoup en rabattre sur leurs exigences.

Leur formation économique est très limitée et cette inculture est un lourd handicap pour notre économie : l’économiste américain Edmund Phelps, prix Nobel d’économie en 2006, a calculé que ces lacunes font perdre à notre pays un point de PIB chaque année.

Et Pierre Pascal Boulanger, le fondateur du Printemps de l’Économie, nous dit que « diffuser la culture économique c’est lutter contre le fatalisme. »

Mais, là encore, il faudra bien des années avant que les efforts de notre ministre de l’Éducation nationale pour améliorer la culture économique des Français puissent porter leurs fruits.

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