Article rédigé par Antipresse.net, le 05 décembre 2019
Source [Antipresse.net] Notre fidèle lecteur Michel Segal est professeur de mathématiques et vit à Hong Kong depuis neuf ans. Auteur de trois essais sur l’école et d’un autre sur le conflit ukrainien, il donne ici une analyse des évènements vus de l’intérieur. Cette tribune complète et confirme les analyses précoces de notre correspondant oriental Laurent Schiaparelli sur la nature ultraviolente (et mal transcrite dans nos médias) des événements qui secouent la région.
Le 9 juin dernier avait lieu à Hong Kong la première manifestation contre un projet de loi permettant les extraditions vers la Chine sur demande de Pékin. D’autres allaient suivre, généralement calmes, voire familiales, puis les actions se diversifiaient, alternant violence de militants radicaux et participation pacifique de la population. Le 4 septembre, Carrie Lam, patronne de l’exécutif, donnait la victoire aux manifestants en annonçant le retrait définitif du projet de loi contesté. Les manifestations massives cessaient, mais pas les désordres menés par quelques milliers d’opposants, jeunes pour la plupart, chaque fois avec davantage de violence, pour atteindre aujourd’hui un seuil critique, pas tellement éloigné d’un climat de guerre civile.
Pour mieux comprendre ces évènements, il faut avoir à l’esprit quelques repères historiques. Le territoire de Hong Kong appartient à la Chine depuis deux millénaires, si l’on excepte une parenthèse d’un siècle et demi de colonie britannique. Celle-ci, terminée depuis bientôt vingt-cinq ans, trouve ses origines dans le trafic de drogue. A la fin du XVIIIe siècle, l’Angleterre organise l’exportation d’opium des Indes vers la Chine. Le commerce prend de l’ampleur, et la HSBC est alors créée pour le gérer à grande échelle. Les Chinois opiomanes se comptent bientôt par millions et devant ce fléau, l’empereur prend des mesures radicales. En représailles, la couronne d’Angleterre déclenche les guerres dites «de l’opium» pour mettre la main sur le petit territoire et son port. Cela lui permet d’une part de continuer le commerce de drogue, et d’autre part de conserver un emplacement idéal laissant augurer un avenir commercial radieux. En 1898, la colonie se transforme en une concession d’une durée de 99 ans et c’est donc en 1997 que Hong Kong retourne légalement à la Chine.
Le territoire ayant développé jusque-là une politique radicalement différente de la Chine devenue communiste, des accords signés en 1984 fixent une période transitoire de 50 ans avant une complète réintégration en 2047. Bien que ces accords aient été signés depuis près de 40 ans et que Hong Kong soit aujourd’hui effectivement redevenue une région de la Chine, son autonomie n’a pas été entamée d’un pouce puisque la région dispose toujours de frontières, de passeports spécifiques, de ses propres politiques d’immigration, du système économique réputé le plus libéral du monde et d’une monnaie locale… adossée au dollar américain. Si l’on ajoute l’immobilier le plus cher de la planète et le paradis des traders, on voit que le chemin menant à l’intégration dans la Chine de Xi Jing Ping est encore loin. Or le temps tourne, et nous sommes bientôt au milieu de la période transitoire. Il est donc tout à fait légitime que les autorités locales et nationales travaillent à un début d’harmonisation et de normalisation afin que la totale réintégration de 2047 ne se fasse pas brutalement, dans un bain de sang et sur un champ de ruines.
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