Article rédigé par Constance Prazel, le 25 octobre 2019
Dans une actualité française particulièrement atone, où l’on apprend que le défi du moment consiste à dénombrer le nombre de spécimens mâles présentés au Muséum d’Histoire naturelle pour savoir si la zoologie ne serait pas sexiste, l’action énergique du président russe Vladimir Poutine sur la scène internationale a de quoi revigorer, et rappeler à nos mémoires chancelantes ce que signifie être un homme d’État, et mener une politique internationale ambitieuse.
Le dossier kurde vient de donner à Poutine l’occasion de déployer un jeu diplomatique d’une qualité rare, contrastant avec la pusillanimité ou les hésitations des autres puissances. Donald Trump a affiché une suite de revirements contestables, le conduisant à abandonner les anciens alliés kurdes pour laisser la voie libre aux Turcs. Ce retour à l’isolationnisme a été particulièrement mal perçu, à l’étranger comme aux États-Unis, où cette décision a suscité de violentes critiques, y compris au sein de la majorité républicaine. Au nom d’un « America first » dépassé, il a mis à mal le leadership militaire et moral des États-Unis par le choix du retrait, ou du redéploiement, on ne sait trop, des forces américaines. La géopolitique ayant horreur du vide, Vladimir Poutine a compris, lui, que la Russie avait tout à gagner à se poser comme l’arbitre incontournable de la zone, et comme la protectrice des Kurdes abandonnés contre l’État islamique. La constance de son soutien à Bachar al-Assad, envers et contre tous les gémissements de l’opinion internationale, a de quoi impressionner. Même L’Obs, chose rare, doit reconnaître ses mérites et explique que « le président russe, face à l’imprévisibilité et au manque de fiabilité de la diplomatie américaine, a réussi à s’imposer en partenaire solide et en nouveau juge de paix au Proche-Orient. » Car Poutine ne s’est pas contenté de ce coup d’éclat : patiemment, il a tissé sa toile, et veillé à améliorer ses relations avec tous les pays de la région, comme en témoigne sa visite d’État récente en Arabie Saoudite, ou ses bons échanges avec Israël. L’organisation, mercredi, du sommet Afrique-France à Sotchi est aussi la preuve de ce déploiement élargi des ambitions russes.
Poutine a d’autant plus les coudées franches qu’il n’a aucune espère de concurrence non plus à attendre du côté de la consternante Union européenne. La force du président russe est dans la capacité à agir et à trancher, mais aussi à imposer une vision renouvelée de l’Occident, là où l’Europe, selon les termes d’Alexandre Orlov, ancien ambassadeur de Russie en France, « ne fait plus rêver ». C’est le moins que l’on puisse dire. Il y a dans le combat de la Russie de Poutine une défense des intérêts primaires et stratégiques du pays, mais aussi, la conscience de la nécessité d’un combat spirituel : attaquer sans concession l’ennemi qu’est l’Etat islamique ; redonner un peu d’âme à une Europe toujours plus gangrenée par l’islam et le matérialisme, deux revers d’une même médaille. Poutine prend très au sérieux la mission millénaire de la Russie pour la protection des Chrétiens d’Orient persécutés en terre d’islam. Pour le quidam qui se promène, aujourd’hui, dans les rues de Moscou, la présence de femmes voilées ne fera pas du tout le même effet qu’à Paris ou à Bruxelles, car le pouvoir russe n’a à leur égard ni fascination, ni complaisance.
Trump avait pris comme slogan de campagne « Make America great again ». Poutine n’a pas eu de ces effets de manche mais il travaille avec détermination et constance, depuis vingt ans, à rendre à la Russie ruinée par l’effondrement de l’Etat soviétique, sa fierté et sa grandeur. Il n’est pas hasardeux d’affirmer que Poutine est en train d’entrer dans la grande histoire, quand nos dirigeants européens, s’évertuant à faire sortir de l’histoire l'ouest européen, disparaîtront bientôt de toute mémoire historique.
Constance Prazel
Déléguée générale de Liberté politique