Article rédigé par François Billot de Lochner, le 27 septembre 2019
Jacques Chirac, cinquième Président de la Vème République, vient de rendre son dernier souffle. Une vie assurément bien remplie : paix à son âme ! Un concert de louanges quasi unanime a salué son trépas, et se poursuit dans tous les médias, grands et petits. Qu’il nous soit permis de faire entendre en toute liberté une voix quelque peu dissonante : le repos mérité du défunt ne doit pas interdire le devoir de vérité.
Jacques Chirac est une figure haute en couleurs, qui ne saurait laisser indifférent. Un personnage de roman, tantôt Docteur Jekyll, et tantôt Mister Hyde.
Jacquot Jekyll, pour commencer. Un gars sympathique, au sourire ravageur, amateur de bonne bière et de saucisson, expert en vaches et en serrage de paluches. Le type qu’on aime avoir à dîner, le convive jovial qui lève volontiers son verre et a toujours le mot pour vous mettre à l’aise. Il mange des pommes, il plaît dans les campagnes, et en même temps il en impose, et sait se tenir dans les grandes réunions internationales. Un gars comme on en fait plus, cela dit sans offense à François Hollande et Emmanuel Macron, par exemple…
Et puis il y a Mister Chirac-Hyde. Le sourire charmeur de Jacquot Jekyll ne doit pas nous faire oublier la responsabilité écrasante de Chirac-Hyde dans l’effondrement matériel et moral de notre douce France. Jacques Chirac, au début de sa carrière d’homme d’Etat, en tant que Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, prête son concours à trois mesures dramatiques, qui continuent douloureusement de faire ressentir leurs effets délétères sur notre France de 2019. Dès 1974, il fait voter la légalisation de l’avortement. Toujours en 1974, il participe à la mise en place des Conseils européens, rencontres régulières entre chefs d’Etat et chefs de gouvernement des pays membres de la CEE, qualifiés par Jean Monnet de « décision la plus importante en faveur de l'union de l'Europe » depuis le traité de Rome : l’Europe technocratique et supranationale connaît alors un encouragement décisif. En 1976, il signe de sa main le décret autorisant le regroupement familial, ouvrant ainsi toutes grandes les portes de l’immigration de masse, responsable du délitement de notre identité et de notre société françaises.
Chirac-Hyde, à nouveau aux manettes dix ans plus tard, sera aussi l’homme de tous les renoncements. Par son action répétée, avec une constance qui forcerait presque l’admiration si elle n’avait eu pour effet d’accélérer la désagrégation de la France, il a méthodiquement abandonné des trains entiers de réformes qui auraient pu redresser la barre, ou enrayer la chute. Par cette attitude, il a consciencieusement trahi les idées de la droite réelle, et jeté une malédiction sur la droite française, se traduisant par une incapacité à assumer la réforme et à gouverner avec une vision et une autorité : abandon, en tant que Premier ministre de François Mitterrand, de la sélection à l’entrée de l’université, par le renvoi du ministre Devaquet, chargé de l’enseignement supérieur ; abandon, en tant que Président de la République, de la réforme des retraites proposée par Alain Juppé, devant la mobilisation des syndicats ; abandon, toujours comme Président de la République, du projet élaboré par Dominique de Villepin du Contrat Première Embauche ou CPE, devant les cris d’orfraie du monde scolaire manipulé. Cerise sur le gâteau, il imposera en 2004 une loi totalement liberticide, qui interdit le débat sur de multiples sujets fondamentaux.
A l’heure du bilan, l’ardoise est lourde, et la France du XXIème siècle n’en finit pas de payer la note. Le fameux discours de l’ONU, moment de panache bref et sans lendemain, pèse alors bien peu, tout comme le référendum sur la constitution européenne, dont le résultat sera détruit par son fils adoptif, Sarko le traître. La France, mais aussi la droite française, tant de fois trahie et bafouée au plus niveau, ne sait plus comment assumer un discours clair et des valeurs fortes.
N’en déplaise aux louangeurs de tous bords, Jacques Chirac, de tout cela, ne peut être remercié.
François Billot de Lochner
Président de Liberté politique et de France Audace