Article rédigé par catholique-belley-ars.fr, le 26 septembre 2019
Source [catholique-belley-ars.fr]
Texte de Mgr Pascal Roland à l'occasion de l'examen du projet de loi bioéthique au Parlement.
Bon nombre de citoyens sont très inquiets, à juste titre, de ce qui est en train de se décider en matière de bioéthique. Si les lois annoncées étaient adoptées, cela signifierait en effet l’entrée dans un nouveau modèle de société avec une autre conception de l’homme. Trop de gens ne le perçoivent malheureusement pas, parce qu’ils se laissent égarer par des arguments fallacieux, dont ils n’appréhendent pas les présupposés et n’entrevoient pas les conséquences concrètes sur le moyen et long terme. Il en serait fini de la communion autour du bien commun et du respect de la dignité de la personne humaine, puisque ce seraient les désirs subjectifs et les projets individuels qui l’emporteraient sur la dignité objective de la personne humaine, depuis sa conception jusqu’à sa fin de vie naturelle. Autrement dit, pour exprimer les choses clairement, c’est le droit du plus fort qui l’emporterait ! Ce serait donc une régression de notre civilisation.
On a parlé de débat citoyen, mais on agit en fait dans la précipitation, sous des pressions idéologiques et économiques. A-t-on vraiment écouté et pris en compte la parole de tous, notamment celle des personnes les plus vulnérables ? A-ton examiné sérieusement les objections de fond et posé ouvertement les vraies questions ? Par exemple, sommes-nous d’accord pour assigner une nouvelle mission à la médecine : celle d’assurer des prestations de services techniques pour répondre à des désirs individuels ? Ou encore, sommes-nous d’accord pour exercer la solidarité nationale non plus uniquement pour venir en aide aux personnes les plus fragiles, mais aussi pour satisfaire des désirs individuels ou catégoriels ? Sommes-nous d’accord pour renoncer à financer un certain nombre de priorités concrètes au profit de pratiques coûteuses qui ne présentent pas un caractère de nécessité ? La crise des services d’urgence dans les hôpitaux et l’existence de déserts médicaux dans l’espace rural n’appellent-elles pas à offrir une réelle égalité d’accès aux soins, avant de servir des intérêts particuliers ? Sommes-nous tous conscients des enjeux économiques qui se cachent, et de la marchandisation de l’être humain qui se profile ? Avons-nous bien compris que se met en place une sélection, donc un eugénisme qui ne dit pas son nom, et que, de ce fait, comme c’est déjà commencé, on ne reconnaîtra pas à tout le monde le droit de vivre ? Finalement, sommes-nous d’accord pour que notre société n’assure plus la protection des personnes les plus vulnérables, de l’enfant dans le sein maternel jusqu’à la personne handicapée, en passant par le demandeur d’asile ?
Les projets de lois que certains préconisent ne sont-ils pas en contradiction avec la déclaration des droits de l’homme, la convention internationale des droits de l’enfant, et bien d’autres documents législatifs qui jusqu’ici font légitimement notre fierté ? Mesure-t-on aussi l’incohérence de se préoccuper avec raison de la sauvegarde de la nature, et en même temps de bafouer l’écologie humaine ?
Depuis plusieurs années, et tout récemment encore, les évêques de notre pays se sont clairement prononcés sur le sujet, en particulier Mgr Pierre d’Ornellas, responsable du groupe de travail de la Conférence des Evêques de France sur la bioéthique1. Vous avez pu l’entendre s’exprimer avec l’archevêque de Paris, Mgr Michel Aupetit (intervenant aussi avec sa compétence de médecin) ainsi que Mgr Eric de Moulins Beaufort, nouveau président de la Conférence des Evêques de France2. Moi-même, j’ai organisé, à l’automne dernier, toute une série de conférences destinées à sensibiliser le public des Pays de l’Ain3. Reste maintenant à chacun d’entre nous de faire ce qu’il peut pour faire entendre sa voix citoyenne et pour continuer d’éclairer la conscience des personnes de son entourage.
Puisque nous avons la certitude que le Christ mort et ressuscité est vainqueur des ténèbres, nous savons que notre témoignage portera du fruit en son temps, et qu’un jour on nous saura gré d’avoir montré fidèlement et courageusement le chemin de la vérité et de la vie.
Cette mobilisation n’est pas certes pas vaine, car si la loi vient à être votée, nous aurons néanmoins assumé notre mission prophétique en ce monde et largement contribué à la réflexion commune, en témoignant de la dignité inaliénable de tout homme. Puisque nous avons la certitude que le Christ mort et ressuscité est vainqueur des ténèbres, nous savons que notre témoignage portera du fruit en son temps, et qu’un jour on nous saura gré d’avoir montré fidèlement et courageusement le chemin de la vérité et de la vie.
Les techniques les plus élaborées ne gommeront pas la fragilité humaine. Paradoxalement, alors qu’en recourant aux moyens techniques on vise l’autonomie et la maîtrise totale, celles-ci nous rendent dépendants d’elles-mêmes et en fin de compte nous fragilisent davantage, en même temps qu’elles nous isolent les uns des autres ! Nous avons en réalité besoin d’apprendre que la fragilité n’est pas une tare à redouter ni une réalité à cacher, puisqu’elle est inscrite dans notre être profond. Elle est une expression de notre finitude et donc une ouverture à l’intériorité et à la relation : elle appelle l’investissement responsable de chacun dans l’hospitalité, la solidarité fraternelle, le soin, l’accompagnement, en un mot, la charité, qui ne passera jamais4.
+ Pascal ROLAND
24 septembre 2019
1 Voir en particulier sa prise de parole devant la mission d’information parlementaire (30 octobre 2018) et son livre récent « Bioéthique. Quelle société voulons-nous pour aujourd’hui et demain ? » (éditions Balland)