Article rédigé par Diocèse 64, le 23 août 2019
Alors que s'ouvre à Biarritz le G7 2019, Mgr Aillet, évêque de Bayonne confie à l'hebdomadaire Famille Chrétienne son scepticisme à l'égard d'une institution toujours plus déconnectée des peuples.
Interview de Mgr Marc Aillet publié sur le site internet du magazine "Famille chrétienne" le 21 août 2019.
L’évêque de Bayonne s’interroge sur la capacité du G7 de Biarritz à réduire les inégalités alors que des militants altermondialistes veulent faire entendre une contestation pacifique à Hendaye et Irun.
Les dépenses du Président français pour accueillir le G7 sont-elles le signe d'une déconnexion avec cette France d'en bas qui s'est manifestée au moment des Gilets jaunes ?
J'avoue ne pas bien comprendre le choix de Biarritz, par ailleurs en pleine saison touristique, qui a nécessité un déploiement sans précédent d'infrastructures et de forces de sécurité au coût exorbitant. Une telle dépense semble en effet complètement décalée au regard de la crise sociale qui s'est installée dans notre pays et qui a révélé une fracture croissante entre les grandes métropoles et les territoires devenus périphériques. Cela ne contribuera certes pas à calmer la colère des Gilets jaunes.
Les pays membres du G7 - parmi les plus riches du monde - sont-ils vraiment capables de "lutter contre les inégalités" comme stipule leur programme à Biarritz ?
Il est à craindre que le message soit fortement parasité par un tel étalage de dépenses et que le train de vie mené par les puissants de ce monde pendant trois jours à Biarritz n'envoie pas un signal très probant en ce sens. D'ailleurs de quelles inégalités sociales s'agit-il ? Le principe d'une économie libérale mondialisée, qui anime les membres du G7, a-t-il réduit vraiment les inégalités entre les pays riches et les pays pauvres que des centaines de milliers de personnes sont souvent contraintes de fuir pour d'hypothétiques eldorados ? Sans compter ces évolutions sociétales, comme la PMA-GPA pour tous, soutenues par une idéologie libérale-libertaire mondialisée, et qui, au nom de l'égalité des droits, sont devenues un gigantesque marché extrêmement juteux qui ne sera d'ailleurs accessible qu'aux riches !
Comprenez-vous alors la colère des altermondialistes qui se rassemblent à Hendaye et Irun ?
La colère du sommet altermondialiste qui se réunit à Hendaye, je peux la comprendre. Même si je récuse fermement tout usage de la violence qui, à la marge, risque de brouiller leur message, d'ailleurs souvent le fait de groupes de casseurs qui n'ont pas grand chose à voir avec une réflexion constructive et apaisée. Mais j'aimerais que les catholiques fassent davantage entendre la voix de la Doctrine sociale de l'Église qui offre une authentique alternative : il y a urgence à promouvoir un nouveau catholicisme social en vue d'un ordre social plus juste et plus conforme à la dignité de toute personne humaine sans exception.
Promouvoir un monde globalisé est-ce contraire aux intérêts nationaux légitimes ?
La globalisation du monde, si elle n'est pas régulée par des principes éthiques et des valeurs culturelles et spirituelles qui ont fait l'histoire des nations, risque fort de créer des déséquilibres, des tensions et des violences impossibles à juguler. Ce G7 sera d'ailleurs marqué par de nouvelles donnes : si la France, le Canada et l'Allemagne, quant à elle politiquement très affaiblie, se retrouveront bien dans ce qui est en passe de devenir "l'ancien monde", le Japon, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Italie semblent soucieux de privilégier plutôt leurs intérêts nationaux. C'est un signal qu'il ne faut pas négliger. Encore faut-il que les identités nationales légitimes ne soient pas un prétexte au repli égoïste sur soi et ne favorisent pas d'une autre manière la loi de la jungle. Je profiterai en tout cas de ce dimanche pour prier et faire prier le peuple de Dieu pour que le Seigneur donne sagesse et discernement aux grands de ce monde.
Samuel Pruvot.