Article rédigé par RT France, le 24 juillet 2019
Source [RT France] Avant la nomination du successeur de Theresa May, l'historien John Laughland revient sur les traits du probable nouveau Premier ministre britannique Boris Johnson et les défis qui l'attendent avec le Brexit, dont dépend la survie des Conservateurs.
Quand un journaliste dans les années soixante demanda au Premier ministre conservateur emblématique, Harold McMillan, ce qui pourrait faire dévier le gouvernement de son cap, il réponda: «Les événements, mon cher, les événements.» S’il en est ainsi de tous les gouvernements, celui qui sera annoncé cette semaine à Londres sous la présidence de Boris Johnson sera vulnérable non seulement aux événements futurs, par définition imprévisibles, mais aussi par le lourd héritage du mandat catastrophique de son prédécesseur.
Comme si la crise qui s’intensifie actuellement dans le Golfe, et qui risque peut-être de dégénérer en conflit armé, n’était pas suffisante pour préoccuper le nouveau locataire du 10 Downing Street, les démissions en série qui sont attendues d’une douzaine de ministres ennemis de Johnson, dont le Chancelier de l’Echiquier qui a pré-annoncé sa démission dimanche en direct à la télévision, et qui a été suivie le 21 juillet au matin par un ministre d’Etat au Foreign Office, montrent à quel point l’assise du pouvoir du nouveau Premier ministre sera extrêmement fragile.
Les Conservateurs ayant perdu leur majorité absolue aux élections anticipées de 2017 – décidément, Theresa May n’a fait que cumuler les défaites – le nouvel élu hérite d’un parti profondément divisé sur la question européenne, ce qui fait qu’il n’a pas vraiment de majorité à la Chambre des communes sur la question la plus brûlante, le Brexit. Enhardis, les ennemis du Brexit au sein du Parti conservateur, dont le mot d’ordre est «pas de Brexit sans accord» – ce qui revient à refuser le Brexit en tant que tel car, justement, il n’ya pas d’accord actuellement – se disent déterminés à tout faire pour empêcher Boris à acter le Brexit le 31 octobre sans accord. Ils se disent même prêts à voter contre leur propre gouvernement dans un vote de non-confiance, ce qui théoriquement pourrait avoir lieu le 25 juillet avant la pause estivale qui dure jusqu’au 3 septembre.
Biographe de Churchill, Boris Johnson sait combien les qualités d’homme d’Etat sont essentielles dans ces conditions d’extrême fragilité politique.
Plus probable est le scénario selon lequel Boris Johnson deviendra Premier ministre mais ne sera soumis à un vote de non-confiance qu’à la rentrée, après avoir pu rencontrer ses homologues européens y compris au sommet du G7 à Biarritz fin août. Dans la mesure où il poursuivra un Brexit sans accord, il sera contesté avec violence au sein de son propre parti. La poignée de rebelles travaillistes qui a annoncé son intention de voter pour un Brexit sans accord si nécessaire ne sera peut-être pas suffisante pour lui permettre de remporter un vote à la Chambre des communes. La suspension du Parlement pour faire taire la Chambre des communes semble politiquement et peut-être même légalement impossible.
Autrement dit, si les Européens continuent à refuser tout amendement à l’accord négocié par Theresa May en novembre, Boris Johnson se trouvera dans la même position impossible qu’elle: incapable d’avancer ou de reculer, son gouvernement n’aura duré que quelques mois. Il est évident que Bruxelles à tout intérêt à rendre la vie aussi difficile que possible pour celui qui est l’un des auteurs de l’euroscepticisme britannique, ayant été, dans les années quatre-vingt, correspondent du Daily Telegraph à Bruxelles d’où il envoyait ses dépêches tournant la Commission européenne systématiquement en ridicule. Les 27 et la Commission veulent surtout démontrer que l’on ne peut pas quitter l’Union européenne sans en faire les frais, car si le Royaume-Uni réussissait son Brexit, cela risquerait de donner des idées à d’autres pays éventuellement tentés par la porte de sortie.
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