Article rédigé par Valeurs actuelles, le 21 mai 2019
Quoi qu’en dise la ministre de la Santé, le gouvernement est tenu, en droit international, de veiller au maintien de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert le temps de la procédure de recours, explique Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ).
La récente décision du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies, demandant à la France d’empêcher l’euthanasie de Vincent Lambert le temps de l’examen de la requête introduite par ses parents, a provoqué la stupéfaction. Trois jours plus tôt, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait, à l’inverse, consenti à sa mort.
Manifestement embarrassée, la ministre de la Santé a déclaré que « l’équipe médicale en charge de ce dossier est en droit d’arrêter les soins », tout en ajoutant de façon contradictoire que « nous ne sommes pas tenus par ce comité légalement, mais bien entendu nous prenons en compte ce que dit l’ONU et nous allons leur répondre »… Une clarification s’impose sur cette nouvelle procédure, sa durée, son autorité, et ses rapports avec la CEDH.
Deux décisions ont déjà été prises à Genève
Ce n’est pas une, mais deux décisions qui ont déjà été prises au sein du Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) sur l’affaire Lambert : celle d’enregistrer la requête des parents Lambert, et celle d’accorder les mesures provisoires.
La requête a fait l’objet d’un premier examen par le secrétariat du CDPH qui a estimé qu’elle remplit tous les « critères préliminaires » de recevabilité, et l’a en conséquence enregistrée et communiquée au gouvernement français (article 56 du règlement du Comité). C’est là une première étape qui montre déjà que la requête est bien formulée et qu’elle entre dans le champ de compétence du Comité.
Le gouvernement français dispose à présent d’un délai de six mois pour répondre aux accusations formulées contre les décisions médicales et judiciaires françaises, tant sur la recevabilité que sur le fond de la requête. Il lui faudra trouver d’autres arguments que ceux énoncés dimanche par la ministre de la Santé, lorsqu’elle déclarait ce Comité incompétent pour protéger les personnes dans l’état de Vincent Lambert au motif… qu’il ne serait pas handicapé mais dans un état « végétatif ». Or, de fait, l’état de santé de M. Lambert correspond parfaitement à la définition du handicap que donne la convention.
Vincent Lambert n’est pas en fin de vie ni atteint d’une maladie, mais dans un état de conscience altérée à la suite d’un traumatisme crânien. Il respire seul, se réveille le matin et s’endort le soir. Bien qu’ayant retrouvé le réflexe de déglutition, il est alimenté et hydraté par le biais d’une simple sonde gastrique. Il peut, selon les moments et les stimulations, tourner sa tête ou suivre des yeux ses interlocuteurs, ce qui est un signe de conscience pour les spécialistes. Même son neveu, pourtant partisan de sa mort rapide, explique ne plus venir le voir à l’hôpital car il a « peur de rajouter de la présence pour lui alors que c’est probablement insupportable d’avoir autant de présence autour de lui » (Europe 1, 5 mai 2019). C’est bien là reconnaître que Vincent Lambert est conscient de son entourage.
Ainsi, Vincent Lambert n’est ni en état de mort cérébrale, ni malade, ni en fin de vie. Il est handicapé, comme 1 700 autres personnes dans sa situation en France.
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