Article rédigé par Constance Prazel, le 03 mai 2019
La Manif pour tous vient de publier sur son site un tableau comparatif des positions des têtes de liste aux européennes pour les prochaines élections sur les sujets cruciaux de société et de bioéthique que sont le mariage homosexuel, la PMA et la GPA.
En effet, même si la famille ne fait officiellement pas partie des compétences spécifiques de l’Union européenne, les interventions du Parlement sur ces dossiers épineux sont permanentes, et les institutions européennes ne se privent pas de faire souffler le vent dans le sens de la destruction de la famille et de la dignité de la personne humaine.
Un tel travail est donc loin d’être superflu. On peut cependant regretter que le travail effectué par LMPT soit largement incomplet, voire biaisé. En fait d’analyse, il s’agit plutôt d’un pot-pourri de citations, et d’éléments disparates qu’il paraît scientifiquement et rigoureusement mal aisé de mettre sur le même plan. Comment peut-on comparer des citations individuelles de 2012, ou de 2015, à des bribes de programmes présidentiels de 2017 ?
Par ailleurs, le tableau de LMPT se contente de recenser les prises de position des différents candidats ou formations, sans porter d’éclairage ou de jugement, sans mettre en valeur le respect ou au contraire le non-respect des Points non négociables.
Traditionnellement, Liberté politique, à chaque élection présidentielle, effectue un travail de fond de notation des programmes, des déclarations des candidats, des ouvrages publiés, destiné à éclairer en conscience le vote. Un travail long et rigoureux destiné à offrir une synthèse hiérarchisée par des notes : l’outil de notation a le mérite de faire ressortir clairement et sans ambiguïtés où se situe la ligne de partage entre ce qui est acceptable, et ce qui ne l’est pas. Rien de tout cela ici, où la juxtaposition d’argumentaires partiels n’éclaire que très imparfaitement. Qu’il nous soit donc permis d’apporter quelques éléments au tableau ici mentionné.
1) Les positions contrastées de la gauche
Il est intéressant de remarquer que certains partis de gauche peuvent avoir un discours pro-PMA, mais radicalement opposé à la GPA. On peut objecter, bien évidemment, que l’un mène fatalement à l’autre. C’est absolument certain, mais cela ne doit pas nous priver de mentionner la dénonciation claire qui est faite de la « marchandisation des corps » aussi bien par Jean-Luc Mélenchon que par Benoît Hamon, par exemple. Pourquoi n’y a-t-il rien sur la position des communistes, opposés à la GPA (au passage, on notera une grosse bourde dans le tableau : le candidat communiste est Ian Brossat ; Virginie Joron, elle, est encartée au Rassemblement national !) ? Quitte à faire le travail, autant le faire jusqu’au bout.
2) La position indéfendable de Nathalie Loiseau, candidate « catholique » pro-PMA et pro-GPA
Le carton rouge total et absolu revient sans nul doute à Nathalie Loiseau qui, non contente de revendiquer sa foi catholique, n’a pas peur d’assumer des positions fondamentalement en contradiction avec cette même foi, en faveur de la PMA comme en faveur de la GPA. Cela doit faire réfléchir quand on s’apprête à glisser un bulletin LREM dans l’urne !
3) L’approche biaisée de la position des Républicains et de François-Xavier Bellamy
Alors que certains candidats sont définis dans le tableau par le programme présidentiel de leur formation (LFI), d’autres sont définis par des citations personnelles, ce qui pose un problème de méthode déjà relevé. Mais le problème est encore plus flagrant quand on se penche sur les citations. Pour François-Xavier Bellamy, LMPT est allée commodément récupérer une citation qui date de … 2012, au moment des manifestations contre la Loi Taubira. On aurait pu aussi bien relever une déclaration récente au moment du lancement de la campagne des européennes, face à Guillaume Durand l’interrogeant sur le mariage gay (https://youtu.be/rkSi0ObQoaI ): « L'Europe est un sujet trop sérieux pour qu'on le laisse être pollué par ces questions. » Sous-entendu, le mariage gay n’est pas un sujet sérieux, et surtout, cela n’a rien à voir avec l’Europe. Sur la GPA, François-Xavier Bellamy a en revanche une position beaucoup plus claire, qui n'est même pas relevée ici, comme si cela allait de soi : on est entre nous, il pense comme nous, pas besoin d'argumenter. Plutôt qu'un tweet de 2014, on aurait pu signaler sa proposition d'interdire la GPA au niveau européen évoquée lors du grand débat. Un travail encore une fois approximatif.
4) Les candidats souverainistes : savoir faire preuve de discernement, car on y trouve de tout !
Pour ceux qui estimeraient que les candidats souverainistes sont bleu-bonnet et bonnet-bleu, il est important de rappeler que leurs positions éthiques ne se valent pas, bien au contraire, avec une lanterne rouge à allumer en ce qui concerne les propos de Florian Philippot. La ligne de Nicolas Dupont-Aignan paraît apparemment se rapprocher d’une condamnation claire des dérives du mariage pour tous, de la PMA, et de la GPA, mais ces déclarations sont à contrebalancer avec ses choix stratégiques qui l’ont poussé à écarter les candidats chrétiens engagés de sa liste. Quant au Rassemblement national, la position officielle du candidat tête de liste, qui serait à confronter à d’autres déclarations du parti, reste, elle, inchangée, résolument opposée au mariage gay, à la PMA comme à la GPA.
Eclairer le débat, oui, mais avec un peu de rigueur !
Constance Prazel
03/05/2019 06:00