Article rédigé par Constance Prazel, le 15 mars 2019
Stupeur et tremblements : rappelons-nous, il y a de cela un peu moins de trois ans, le 23 juin 2016, à la suite d’un référendum, les Britanniques faisaient le choix osé de vouloir quitter le paradis européen. On vit alors dans les rédactions un torrent de tribunes à l’atmosphère de fin du monde, tandis que s’échangeaient sur les réseaux sociaux des flots de vidéos montrant de jeunes étudiants génération Erasmus, les yeux baignés de larmes, car on allait leur couper les ailes et brûler leurs passeports.
Les motivations du vote britannique étaient pourtant de simple bon sens, comme en témoigna le sondage de Michael Ashcroft, homme d’affaires et homme politique membre du Parti conservateur, effectué dans la foulée du scrutin : aux électeurs en faveur du « Leave », il importait que les décisions concernant le Royaume-Uni soient prises au Royaume-Uni ; la sortie de l’Union européenne était indispensable pour garantir au Royaume-Uni une bonne maîtrise de ses frontières et de son immigration ; enfin, le maintien dans l’Union européenne, inversement, laissait trop peu de possibilité de contrôler la manière dont l’Union entendait gérer son approfondissement et son élargissement.
Aujourd’hui, où en est-on ? La rupture n’en finit pas d’être consommée, et les négociations traînent en longueur tant les revendications des différentes parties sont difficiles à faire cohabiter. Les députés britanniques ont déjà fait savoir, mercredi, à une très courte majorité (312 voix contre 308), qu’ils ne souhaitaient pas de Brexit sans accord avec l’UE. Reste à savoir lequel. Pas celui défendu, dans tous les cas, par Theresa May, le Premier ministre, qui se bat comme un beau diable pour trouver un semblant d’équilibre. A l’issue d’un nouveau vote, le 3e en 3 jours, les députés sollicitent le report de la date originellement prévue pour le départ du Royaume-Uni, le 29 mars, au 30 juin. Une chose positive dans ce chaos de débats : les députés ont rejeté catégoriquement, et à une large majorité, travaillistes compris, la possibilité de la tenue d’un deuxième référendum. Pas question de faire revoter les Britanniques jusqu’à ce qu’ils votent « bien » : on ne peut que se féliciter de ce respect du vote et de cet esprit d’indépendance, dont les Français feraient bien de prendre de la graine.
Ce qui est certain, c’est que Bruxelles a tout intérêt à jouer le pourrissement pour faire capoter le Brexit. Jean-Claude Juncker a menacé : « c’est cet accord ou le Brexit pourrait ne pas se produire du tout. » Michel Barnier, de son côté, a assuré qu’il n’y aurait pas de période de transition afin d’éviter une rupture brutale. Le chiffon rouge est agité, avec la secrète espérance que les Britanniques, devant la hauteur de l’obstacle, finiront par renoncer au grand saut.
Tous les moyens sont bons pour empêcher le divorce, le principe n’est pas nouveau. La bête bruxelloise trouve ainsi bien le moyen de se défendre. Il faut bien réaliser qu’il ne saurait y avoir de place pour le souverainisme aujourd’hui en Europe. Les difficultés que rencontrent les Républicains aujourd’hui en France, en pleine campagne des européennes, pour se construire un discours cohérent sont, de ce côté-ci de la Manche, le reflet de cette situation d’obstruction systématique et de discrédit politique qui accompagne systématiquement la libre expression du désir qu’ont les nations de faire entendre leur voix propre.
Constance Prazel
Déléguée générale de Liberté politique