Article rédigé par Atlantico, le 26 février 2019
Source [Atlantico] Un sondage exclusif Ifop pour Atlantico qui montre aussi que les discours sur l’identité nationale portent moins qu’il y a 3 ans.
Atlantico : 67% des Français ne sont pas sensibles aux discours politiques relatifs à la "République" ou aux "valeurs républicaines. Une question qui divise la société, entre sympathisants en Marche (69% y sont sensibles), au reste du corps électoral, tandis que seuls les catégories supérieures (50%) y sont majoritairement sensibles. Comment comprendre ces écarts ?
Jérôme Fourquet : Cette enquête a déjà été menée à deux reprises par le passé par l'IFOP pour Atlantico, qui donnaient des résultats relativement proches puisque nous étions entre 65 et 75% de Français qui disaient que le discours républicain était une langue qui tournait un petit peu à vide et qui ne parvenait plus vraiment à les toucher. Nous sommes aujourd'hui à 67%, ce qui marque que le référentiel est considéré comme ayant été galvaudé et ne touche plus la corde sensible des citoyens. De ce point de vue là, l'avènement d'une nouvelle majorité présidentielle et la promesse de l'entrée dans un nouveau monde n'a pas sensiblement fait bouger les choses. Ce que l'on constate également, c'est que cette relative indifférence ou ce manque de sensibilité à cette rhétorique républicaine concerne plus spécifiquement les catégories populaires et politiquement les publics qui ne sont pas en soutien de la majorité présidentielle. Ce registre de la "République" est donc assez consubstantiellement décodé comme étant celui des institutions et du pouvoir en place. Il suscite une sensibilité d'abord dans les rangs de ceux qui soutiennent cette majorité présidentielle. Les sympathisants LREM sont à l'opposé de la moyenne des Français. A l'inverse, les électorats des partis les plus contestataires, le Rassemblement national et la France insoumise, et dans une moindre mesure le PS et les LR, sont majoritairement insensibles à ce discours. Il y a donc des choses qui relèvent de la longue durée avec un registre républicain qui apparaît usé jusqu'à la corde et des choses plus récentes qui ont trait à la configuration politique actuelle et le fait que ce discours est rattaché, à tort ou à raison, à la rhétorique officielle de la France des ministères et de la France gouvernementale. Les électorats sceptiques ont donc une raison supplémentaire de se sentir assez peu sensibles à cette thématique.
Maxime Tandonnet : Il me semble qu'il faut distinguer deux choses: le monde de l'abstraction et celui des réalités. Quand la France d'en haut, politico-médiatique, parle des valeurs de la République en général, les gens éprouvent un sentiment d'hypocrisie. Ils ont le sentiment que les élites dirigeantes parlent de valeurs républicaines qu'elles ne respectent pas elles-mêmes. Voyez la succession des scandales depuis quelques années. Chaque nouvelle équipe au pouvoir promet l'exemplarité républicaine avant de sombrer dans le scandale. On voit bien dans ce sondage que ceux qui disent croire aux valeurs républicaines sont les catégories privilégiées, les plus proches socialement et idéologiquement de la classe dirigeante. Celles-là ne ressentent pas la même impression de mépris que les classes populaires. En revanche, si l'on demande aux Français leur avis sur des valeurs précises (et non plus les valeurs républicaines en général) par exemple, le suffrage universel, ou droit de vote, la liberté d'expression ou d'association, l'égalité des chances, la laïcité – le résultat sera complètement différent car dès lors, on parle de choses concrètes qui interviennent dans la vie quotidienne de chacun, sont perçues comme des réalités et non des leurres ou des mystifications lancés par les milieux dirigeants. Sur ces droits et ces libertés en tant que tels, les Français partagent à 80% au moins, un profond attachement.
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